27 avril 2007

Sur le Trajet (chapître dix-huitième)

Le mois de mai est bientôt la, et avec lui le temps du muguet, des forêts verdoyantes et de la douce chaleur.
Gilles termine ses révisions. Il est plutôt confiant.
Manu continu de travailler chaque jour. Il semble se plaire dans ce café ou l’ambiance est plutôt sereine et les clients détendus puisque le soleil les caresse tandis qu’ils se désaltèrent au passage.
Sur la terrasse les ombres jouent avec la lumière et le vent dans les arbres fait que ce jeu devient sans fin.

Gilles est attablé avec Nathalie une amie de lycée. Elle voulait absolument connaître Manu, donc ils sont venus naturellement boire un verre. Manu est charmant avec Nathalie et elle, verte de rage que ce joli blond passe le plus clair de son temps au lit des hommes. Elle se dit que la vie est injuste et que les beaux mecs ne devraient pas être gays.
Elle est néanmoins heureuse de connaître enfin le mec dont Gilles lui parle depuis quelques mois et comprend d’emblée comment l’on peut s’attacher très rapidement à Manu.
C’est un état d’être, une simple évidence.
Quand on le croise pour la première fois on le regarde.
Quand il sourit on s’arrête.
Quand il parle on l’aime.
C’est tout simple. Cela s’appelle de la séduction naturelle.
C’est inné chez certain, chez lui c’est aussi un don.
Le don de se servir de ce que l’on a, car ce n’est pas évident pour tout le monde. Manu à su gommer ce qu’il fallait pour ne garder que l’essence principale, la note de tête de la séduction.

L’air est doux en cet après-midi de printemps et Nathalie à envie de se balader un peu dans la ville, faire un peu de lèche-vitrines. Gilles décide de l’accompagner.
Il va voir Manu pour régler la note et ils conviennent bien sur de se retrouver le soir à l’appart. Manu ne pense pas finir tard et à bien envie d’aller diner à l’extérieur. Il connaît un restaurant dans les Dombes et à envie d’y emmener Gilles. Celui-ci est ravi de cette perspective évidemment.
En fait, Gilles est ravi de tout depuis quelques jours.
Cela date d’ailleurs de l’épisode avec Luc.
Manu et lui n’ont jamais reparlés de ça.
Etrangement cela demeure quelque chose d’accompli dont on ne reparle pas… comme une histoire qu’il vaut mieux oublier.
Mais depuis lors Manu est aux petits soins avec Gilles et ne cesse de le couver de tendresse, de caresses et ils font l’amour davantage encore.
Un peu comme une histoire qui recommencerait depuis le début.
Gilles est vraiment heureux de cette « renaissance ».

Nathalie et Gilles partent donc courir les rues de la ville et abandonnent Manu à son triste sort de jeune travailleur actif…
De magasins en magasins en magasin les deux étudiants prennent le temps de flâner, de se laisser porter par le temps et la bonne humeur qui les animent.
Nathalie ne tarit pas d’éloges sur Manu et Gilles fait le coq tellement il est content de l’instant présent.
Il avoue à Nathalie la profondeur des sentiments qu’il à pour Manu et elle l’écoute religieusement.
Nathalie c’est un peu la confidente de Gilles et réciproquement, Gilles l’écoute souvent lui raconter ses histoires d’amour impossible.
Nathalie est une éternelle insatisfaite, mais malgré tout, elle attend celui qui saura la faire s’envoler. Et comme elle voit Gilles ne plus toucher terre depuis plusieurs mois, elle se dit que forcément, il y’a quelqu’un, quelque part qui l’attend.
Gilles lui dit que oui, il faut croire à ça parce que quand ça nous arrive en plein cœur, ça chavire, ça chaloupe, ça tangue, ça donne du rouge au cœur. Il fait toujours beau dans la tête et l’on regarde le monde alentour avec beaucoup plus de légèreté.

Vers 19h, les deux amis se quittent. Ils se revoient le lendemain en cours de toutes manières, et la nuit va vite passer à n’en pas douter. Nathalie fait un clin d’œil à Gilles quand elle lui souhaite de passer une bonne soirée avec son homme. Elle imagine sans peine combien cette soirée sera agréable, aussi bien pendant le repas qu’avant de s’endormir.
Gilles à la même impression et à hâte de retrouver son p’tit amour.

Nathalie et Gilles se sont bien trompés quant à la belle soirée qui se profilait.
Car quand Gilles ouvre la porte de l’appartement, il sent que quelque chose cloche.
Quand il voit Sylvie et son regard, il sait qu’il ne va pas aimer ce qu’elle va lui dire.
Elle est au téléphone. Elle écoute quelqu’un.
Gilles sent ses jambes qui commencent à ne plus être très sures d’elles.
Quand Sylvie raccroche elle se dirige vers lui immédiatement et le prend dans ses bras.

« C’était l’hôpital, Manu ne vas pas bien… »


A suivre... (pas avant mercredi 02/05)

26 avril 2007

Sur le Trajet (chapître dix-septième)

Gilles décide donc d’attendre le retour de Manu quoi qu’il en soit. Il veut être là pour croiser son regard et voir quelle sera son explication quant à son absence nocturne.
Il imagine déjà plusieurs solutions qui permettent d’imaginer soit qu’il ne s’est pas couché et est encore dans un After fait de drogue et d’alcool, soit qu’il à dormi chez des amis, soit qu’il à dormi chez un garçon qu’il a rencontré dans la nuit.
Cette dernière solution semble la plus plausible à Gilles qui comprend que le fameux « amant » qu’il avait été au début ne va pas tarder à refaire son apparition. Mais Manu l’avait bien averti au début, ainsi Gilles était prévenu.
Simplement à cette époque il n’imaginait pas la puissance de l’amour qu’il allait porter à Manu.
Aujourd’hui tout ceci semble vain à Gilles et le vide qu’il ressent au creux du cœur est plus proche de l’abysse que du simple gouffre.

Alors Gilles se lève et décide de prendre son petit déjeuner.
Il a ainsi les idées plus claires et pour achever le tout va se jeter sous une bonne douche.
C’est pendant qu’il est sous la douche que Manu rentre enfin.
Pas seul.
Un garçon blond est avec lui.
Gilles sort de la douche et fait exprès de n’avoir qu’une serviette autour de la taille. Il croise le regard du nouveau et lui sourit. Il fournit un effort surhumain pour faire en sorte que ce sourire paraisse le plus naturel possible. Cela fonctionne sans doute car le garçon le lui rend immédiatement.
Ensuite Gilles s’approche de Manu et lui donne un baiser sur les lèvres. Juste un baiser esquissé, tendrement, naturellement, comme si de rien n’était. Manu s’imaginait qu’il allait le harceler de questions, mais Gilles fait exprès de prendre cet air détaché. Cela à l’avantage de détendre immédiatement l’atmosphère.
Pour le provoquer, Manu embrasse l’autre garçon. Un baiser profond.
Le garçon blond regarde Gilles et ne semble pas très à l’aise. Manu lui avait pourtant certainement dit qu’il y’avait quelqu’un chez lui. Mais Gilles ne s’offusque pas de la situation.
Il a décidé de faire communion avec l’esprit de Manu, donc il va jusqu’au bout.
Il s’approche à son tour du garçon, laisse tomber sa serviette et l’embrasse à son tour.
Nu contre lui, il fait durer le baiser infiniment, longuement.
Manu le regarde et sourit. Il se déshabille à son tour puis vient embrasser Gilles. Les deux amants sont nus et commencent à faire l’amour devant le nouvel ange blond aux yeux verts prénommé Luc.
L’excitation monte d’un cran et Gilles à conscience de passer une limite qu’il n’a jamais franchi. Mais étrangement ce voyage commence à lui plaire et l’expectative de faire l’amour avec son amour et un inconnu l’excite énormément.
D’ailleurs, d’un point de vue purement technique cela se voit sans problème.
L’excitation se devine sans problème non plus chez Luc.
Manu lui fait signe d’approcher et commence à lui enlever son tee-shirt tandis que Gilles dégrafe sa ceinture. Sa nudité s’offre alors complètement à eux et ils commencent dès lors à faire glisser leurs mains sur le corps du garçon.
Leur langue aussi.
La peau est douce, laiteuse, légèrement salée.
A cet instant Gilles comprend que parfois, l’ombre à du bon et que c’est très bon de s’y laisser aller.

Après l’amour, les 3 garçons s’endorment enlacés. Manu est au milieu et son bras est sur Gilles. Le bras de Luc est sur Manu.
Gilles se blottit davantage contre Manu.

Dans le milieu de l’après-midi Gilles ouvre les yeux en premier et se lève doucement. Il regarde les deux corps nus. Il ne sait pas s’il doit rire ou pleurer.
Il n’est pas sur de pouvoir refaire ça finalement. L’excitation du moment l’avait sans doute aveuglé, mais maintenant, à froid, il se demande s’il a eu raison de partager Manu avec un autre.
Tout simplement parce qu’il ne veut que la marque des dents de Manu sur sa peau nu, et pas celle d’un autre !
Tout simplement pare que c’est à Manu qu’il voudrait manquer et pas à un autre !
Tout simplement parce que même s’il passe de corps en corps, c’est de son corps à lui dont il se souviendra tout le temps !

Il sort de la chambre pour aller fumer une cigarette dans la cuisine.
Quelques minutes plus tard c’est Luc qui le rejoint.
Il sourit, il lui caresse l’épaule en passant et s’assoit en face de lui.
Gilles lui demande comment il a rencontré Manu :
« Cette nuit en boite. Il m’a allumé, je l’ai trouvé super charmant et on est allé chez moi. Ce devait être presque 9h ce matin. On a baisé, puis on a pris une douche. Ensuite il a voulu rentrer alors je lui ai demandé si l’on pouvait se revoir. Il m’a simplement dit de venir avec lui, et voilà, on est arrivés ! J’ai bien compris que vous êtes ensemble depuis un moment vous deux !! Vous faîtes ça souvent à trois ?
- Non, pour tout te dire c’est la première fois. Et toi ?
- Moi je ne suis pas en couple, donc je fais pas mal de trucs différents. Mais j’aime bien faire ça avec un couple, même si je sais que c’est exceptionnel.
- A vrai dire ça l’es pour moi aussi. Hier soir Manu et moi nous sommes disputés et je suis rentré. Le fait qu’il t’amène ce matin ici c’était pour me provoquer. J’ai essayé de rester naturel et de ne pas faire de scène. De toutes façons tu n’y es pour rien, donc je ne voyais pas la nécessité de gueuler. Puis je t’ai trouvé charmant et je me suis dit que j’allais tester un truc différent. Mais je ne suis pas sur de vouloir recommencer. »


Luc devine les sentiments puissants de Gilles pour Manu et comprends sans doute la volonté qu’il lui à fallu pour ne rien dire, ne pas faire de scène et se forcer à faire quelque chose qu’il n’avait pas particulièrement envie de faire.
Gilles reprend :
« Tu sais, je ne me suis pas tant forcé que ça. Je ne peux pas dire que c’était un calvaire. Au contraire, j’étais plutôt excité, comme tu as pu le voir…
- Oui j’ai vu effectivement
- Et je ne regrette crois-le bien.
- Moi non plus t’inquiètes. J’ai bien compris les sentiments qui t’animent et je suis assez impressionné par ce que tu as réussi à faire. Cet abandon juste pour lui, je trouve ça renversant. »


Après quelques minutes de silence et de fumée de cigarette Luc se lève.
Comme Gilles il est toujours nu.
Il embrasse Gilles tendrement et lui dit qu’il va partir.
Qu’il ne reviendra certainement pas.
Il a passé un bon moment et s’il reste plus longtemps il pense ne plus avoir envie de partir.
Alors il préfère laisser Gilles et Manu seuls pour qu’ils se retrouvent avant de se perdre une nouvelle fois.

Manu dort toujours pendant que Luc se rhabille.
Une fois prêt, ce dernier redonne un baiser à Gilles qui lui ouvre la porte.
Luc part sans se retourner.
Gilles referme la porte en se disant qu’il vient de croiser le chemin d’un type bien.
Il aurait pu tomber plus mal.
Là c’était juste un mec bien, tout simplement.

Il retourne dans la chambre et s’allonge de nouveau contre Manu.
Le souffle est régulier, le corps recroquevillé. Il a froid certainement, alors Gilles le recouvre doucement.
Machinalement Manu se retourne et enveloppe Gilles de son bras et le serre contre lui.
Gilles sent son cœur battre contre son dos. Le cœur de Manu.
Ce cœur déjà bien fatigué.

Gilles le sait bien, ce cœur ne battra jamais plus comme avant.
Gilles est arrivé trop tard dans la vie de Manu.
Gilles s’endort une nouvelle fois…


A suivre...

25 avril 2007

Sur le Trajet (chapître seizième)

La lune miroite sur la surface de l’eau et le silence se fait sur les bas-ports du fleuve. Le brouhaha de la ville s’étouffe avant d’atteindre les deux garçons qui cheminent dans l’obscurité.
Manu est proche du bord et marche en équilibre le long de la berge. Un faux pas et il bascule dans l’eau glacée.
Il titube un peu moins de toutes manières. L’épisode du videur à dessaoulé quelque peu Manu qui se perd dans ses pensées tandis qu’il arpente le pavé.
Gilles commence à avoir un peu froid. Après tout ce n’est que le mois d’avril et la fraîcheur est encore bien présente dans l’air du soir.

« Manu, je crois que l’on ferait mieux de rentrer non ? Je suis gelé et j’ai envie de dormir… »
« Fais comme tu veux, tu connais le chemin ! »


La réponse de Manu claque dans le silence.
Elle est sans appel.
Ce soir Gilles va rentrer seul et Manu ne rentrera pas avant qu’il ne soit poussé à le faire par la fatigue ou une ivresse trop lourde à porter.

Gilles fait donc un effort surhumain pour ne pas chercher à tenter de le ramener à la raison et il tourne les talons pour remonter vers la route qui longe le quai de la Saône.
Arrivé en haut, il pivote la tête et aperçoit la silhouette de Manu.
Son ombre se découpe sous la lueur de la lune si pleine, et il semble le fixer depuis là-bas, comme pour le défier de partir véritablement.
Manu pense sans doute que Gilles va rester sur la route en attendant qu’il veuille bien remonter.
Mais il n’en est rien.
Gilles lui sourit, même s’il sait qu’à cette distance Manu ne pourra pas déceler le moindre mouvement sur ses lèvres. De toute façon, c’était un sourire triste.
Un sourire qui veut dire « Tant pis mon amour, je te laisse à ta nuit et je rentre à la mienne.
Je sais que nos nuits ne seront jamais les mêmes.
Les tiennes sont trop pleines de souffrance et d’angoisse.
Tes nuits sont prisonnières de 4 murs, prisonnières d’un virus qui te fait penser qu’un jour prochain tu n’auras plus la force de voir une nouvelle aube.
Pourtant, moi, je suis là et je peux t’accompagner jusqu’au bout du chemin, si seulement tu pouvais juste accepter que quelqu’un puisse t’aimer.
Car tu es aimable ô combien.
Tu à juste ces doutes qui te consument, une histoire lourde de « l’anamour ».
Ce manque de cœur dont les gens ont fait preuve à ton égard.
Aujourd’hui je te donne tout si tu l’acceptes.
Je te donne mes rires, mes larmes, mes peurs, mes joies, mes envies, mes folies, mes failles, mes remords.
Je dépose tout ça à tes pieds car en faisant ça je me livre simplement.
Je laisse tomber les masques enfin.
Tout ça pour n’être qu’à toi, rien qu’à toi…
Il suffit juste que tu le veuilles mon Manu ! »


Mais le sourire de Gilles s’efface en même temps qu’il tourne la tête pour rentrer dormir. Il va se coucher sachant que son sommeil sera fébrile, car il attendra le bruit des clés dans la serrure, les pas de Manu sur le parquet, le son léger des vêtements qui tombent et du corps nu qui se glisse sous les draps.
Gilles aime à penser que malgré tout, avant de s’endormir, Manu glissera son bras autour de lui et que dans un silence de chambre, ce geste fera oublier son attitude de ce soir.
Ce soir n’était qu’un mauvais soir comme il y’en a parfois.
Ce n’est rien de plus qu’une petite faille dans l’émail de leur histoire.
Un petit éclat sur la surface lisse.

Alors Gilles arrive à l’appartement une demi-heure plus tard. Fatigué de la marche, il se déshabille pour prendre une douche chaude.
Sylvie n’est pas là ce week-end, il est seul dans l’appartement.
Il s’allonge et pense à cette première histoire d’amour qu’il est en train de vivre.
A cette première histoire que semble arriver à son terme.
Il n’imagine même pas comment il va faire pour affronter les gens de tous les jours, les questions de madame mère. Les nuits sans lui alors que depuis des mois il n’y a que sa peau sur sa peau.
Il n’imagine pas le retour chez ses parents et sa chambre d’enfant.
Il ne peut pas croire que tout ça puisse s’arrêter.
Sans s’en rendre compte, il laisse couler ses larmes car il ne comprend tout simplement pas, comment il va pouvoir continuer à vivre sans lui.

Pourtant, il trouve ça pathétique car après tout, que sont quelques mois dans une vie ?
Ces mois en fait sont TOUT !
Car a-t-il vécu vraiment avant ?
Est-ce la vraie vie quand le cœur ne bat pour personne ?

Gilles s’endort finalement sous la chaleur des draps bleus.
Il espère vite se réveiller à la chaleur de Manu.

La lune pâlit aux petites heures du matin.
Gilles laisse glisser sa main dans le lit.
Quand il rencontre le vide, il ouvre les yeux.
Son poing se serre.
Son cœur aussi.
Son ventre aussi.
Il a envie de vomir.

Manu n’est pas là…
Il n’a pas su fermé la porte aux démons qui l’emportent.
Cette nuit, Manu est revenu vers le sombre.

Par amour, Gilles décide de plonger dans l’ombre aussi.
C’est la seule façon de ne pas perdre celui qui brûle son âme.
A compter d’aujourd’hui, Gilles va s’oublier.
Il va inviter le Diable à danser…


A suivre...

24 avril 2007

Sur le Trajet (chapître quinzième)

Le week-end suivant, Manu et Gilles décident de sortir car la semaine à été un peu hard pour les deux. Gilles qui révise de plus en plus pour le bac qui approche trop vite et Manu qui à bossé comme un fou au café, car les terrasses se remplissent énormément en ce mois d’avril, le soleil est de la partie et les clients nombreux à en profiter après l’hiver rigoureux.

Ainsi Manu et Gilles se préparent pour faire la fête.
Aller boire un apéro quelque part, ensuite resto, ensuite un bar pour terminer sans doute dans une boîte de nuit. Bref le trajet de tout bon noctambule qui se respecte.
Alors ils passent du temps dans la salle de bain, ils se pomponnent, se chahutent l’un l’autre, se massent le dos, les jambes. Ils prennent soin l’un de l’autre. Manu à mal aux muscles et Gilles se sert de ses mains pour chasser un peu la douleur en chauffant le muscle, en le massant.
La séance est très sensuelle et Gilles et Manu ont envie l’un de l’autre. S’ils s’écoutent ils vont sauter dans le lit et tout sera à recommencer.
Mais ils sont en retard. Ils ont rendez-vous avec deux amis de Manu que Gilles ne connaît encore pas. Deux amis qui n’habitent pas à Lyon et qui sont là juste pour la soirée.

Il est 19h quand ils arrivent au « Vénus Bar ». L’endroit est déjà pas mal rempli de client mais il y’a encore de la place au comptoir. Manu et Gilles s’y installent et font mille bisous à Fifi d’amour.
Quelques minutes plus tard, Fred et Jacques (les amis de Manu) arrivent dans le bar. Ils sont immédiatement souriants et Gilles se sent à l’aise avec eux dès les premiers instants.

Jacques et Fred sont en couple depuis 7 ans et ont 10 ans d’écart. Fred étant le plus jeune. Gilles se montre très curieux et à l’écoute de leur expérience. Ils sont immédiatement dans le ton de la conversation et l’on sent très vite entre eux cette connivence de temps. Tout ce qui fait qu’un couple perdure, puisse passer les épreuves, puisse les surmonter et au final après plus de sept années, être l’un et l’autre aussi proche qu’au premier jour.
Les mots que l’un tait sont devinés par l’autre.
Les gestes que l’autre esquisse sont achevés par l’un.
L’un et l’autre font une seule entité tant la proximité de leur vie est enivrante.

Ils arrivent tous les quatre au restaurant vers 21H. C’est un restaurant que connaît bien Manu. A peine installés et l’apéro offert par le patron que Gilles repart dans une discussion avec Jacques, le plus âgé des deux.
Il l’écoute lui raconter leur première rencontre et le cheminement qui les a conduits à s’apprivoiser, à s’accepter et à faire les concessions. Les fameuses concessions dont Gilles entend parler depuis de longues années. Ces concessions qui semblent être, selon ce que Gilles à cru comprendre, la condition sinéquanone à la réussite et à la longévité d’un couple.
Gilles se prend à s’imaginer dans la même situation avec Manu dans dix ans… Mais très vite il reprend contact avec la réalité. Il sait très bien que cela ne se fera pas.
Ensuite Gilles apprend qu’ils connaissent Manu depuis deux ans. Il était serveur dans un resto ou ils dinaient souvent du temps ou ils habitaient encore à Lyon, et de fil en aiguille sont devenus très proches. Depuis leur départ ils n’ont jamais perdu le contact avec Manu qui est, à leurs yeux, un garçon en or.

Manu de son côté délire pas mal avec Fred tout en lançant quelques regards à Gilles de temps en temps et tout en servant à boire également.
Le repas se déroule en symbiose et l’alcool n’est pas en reste. D’ailleurs Manu recommande 2 fois de suite une bouteille de vin supplémentaire.
Ce soir il n’a pas la main légère lorsqu’il se sert à boire, et lorsque la fin du repas arrive, les digestifs vont s’enchaîner aussi.
Jacques et Fred n’en prennent qu’un seul, Gilles deux mais s’arrête lorsque Manu commande un troisième verre.
Pendant ce temps, Jacques s’éclipse discrètement pour aller régler la note et revient comme si de rien n’était. Il n’en faut pas plus à Manu, lorsqu’il à compris que le repas est payé, pour dire à Jacques et Fred qu’il est hors de question qu’ils se séparent comme ça et qu’il tient absolument à leur offrir un verre ailleurs.
Gilles connaît bien la phrase « On va boire un verre ? ».
Il sait que par définition, le « fameux » verre ne reste jamais seul et qu’une avalanche survient à la suite.
Une avalanche qui, en général, ne se termine jamais véritablement bien.
Une avalanche qui, en général, démontre souvent que, si certains on l’alcool joyeux, d’autres l’on nettement plus mauvais.

Après le départ de Fred et Jacques, Gilles reste avec Manu qui tient absolument à aller en boîte.
Il y’en a une toute nouvelle à St-Paul, dans le vieux Lyon.
Cette boite est le dernier endroit gay branché.
La réputation de cette boîte commence à s’étendre.
Tout le monde en effet ce soir va se rendre au « Calyxte ».
C’est comme un exode.
Gilles et Manu sortent donc du bar ou ils sont aux Terreaux et se dirigent vers la Saône dans le vent de la nuit.
Ils ne sont pas seuls sur le chemin. Les garçons sont nombreux.
Manu commence à avoir l’œil aux aguets.
Il est ivre, il titube légèrement.
Il est très distant de Gilles ce soir. Car Gilles à trop focalisé sur l’histoire de couple de Fred et Jacques.
Manu à trouvé ça ridicule que Gilles pose toutes ces questions.

Manu sent les ombres le rattraper.
Gilles sent le vent tourner.
Il est 3h du matin lorsqu’ils arrivent devant la porte. Le videur semble trouver Manu un peu ivre et ne souhaite pas le laisser entrer.
Sans crier gare, Manu le gifle violemment.
Personne n’a rien vu venir. Le videur n’a pas le temps de réagir, que Manu est déjà reparti.
Gilles n’a pas compris, il lui emboite le pas.
Manu ne se retourne pas.
Ils marchent tous les deux dans la nuit.
Gilles accélère le pas pour rattraper Manu.
Il glisse sa main dans la sienne, les doigts se serrent entre eux.
La lune est pleine et Gilles aperçoit les efforts que fait Manu pour retrouver ses esprits.
Les yeux sont hagards et le souffle court.
Ils se dirigent vers le fleuve…


A suivre...

21 avril 2007

Sur le Trajet (chapître quatorzième)

Les deux garçons partent de chez Isabelle et Amar vers les 4h du matin.
Lorsqu’ils se retrouvent tous les deux dans la rue pour rentrer à pieds, un lourd silence pèse sur leurs pas. Gilles fait mine de ne rien remarquer et tente d’amorcer un dialogue nocturne tandis qu’ils arpentent les rues mortes de la ville.
Manu répond de façon évasive, fuyante. Des onomatopées, des mots brusques, cinglants. Il regarde droit devant lui et marche assez vite. Malgré l’alcool ingurgité, il ne tangue pas.
Gilles ressent la violence contenue et se sent mal à l’aise. Il veut comprendre. Mais pour cela il faut poser de questions et quelque chose lui dit que ce n’est pas du tout le bon moment pour le faire. Alors il se contente de marcher à ses côtés et essaye de respirer calmement.
Il se profile à l’horizon un changement dans leur relation et Gilles refuse d’y penser. L’idée d’une possible dispute qui pourrait se transformer en quelque chose de plus grave lui glace déjà le sang.
Alors il n’y pense pas, il regarde devant lui aussi, lève parfois les yeux, s’accroche à une étoile et continue sa marche.

Lorsqu’ils arrivent, quelques instants plus tard, à l’appartement, Sylvie est déjà là. Elle était partie un peu plus tôt. Elle ne dort pas encore et devine tout de suite la tension entre Gilles et Manu. Mais elle connaît bien ce dernier et ne relève pas la situation. Elle se contente de regarder Gilles en lui faisant comprendre qu’elle à saisi le malaise mais qu’il vaut mieux faire silence ce soir.
Manu se déshabille sans un mot et se couche. Gilles reste planté comme un con, ne sait pas quoi faire. Partagé entre l’idée de se coucher aussi ou celle de rentrer chez ses parents. Mais le fait de se soumettre aux multiples questions de madame mère, qui ne manqueront pas d’arriver, le décourage d’avance.
Aussi reste-t-il dans la cuisine un moment à boire de l’eau et à fumer des cigarettes.

Environ une demi-heure plus tard, Manu entre dans la pièce.
Il a mal à la tête. Gilles lui sort ses cachets magiques d’aspirine à 1000 mg.
Manu avale la mixture en faisant la grimace et s’assoit en face de lui. Il le fixe de son regard bleu métal.
Gilles en fait autant.
Manu sait que Gilles ne comprend pas et il sait qu’il meure d’envie de poser des questions.
Et il sait également qu’il ne le fait pas pour éviter un clash qui ne manquerait pas d’arriver.
Manu comprends dès lors combien ce garçon tient à lui.
Il comprend qu’il est devenu pour Gilles un pilier de vie, de sa vie, des ses nuits, de ses jours.
Il n’a pas l’habitude de ça Manu. Ca lui fait peur de devenir essentiel à quelqu’un.
Lui qui n’a jamais été vraiment aimé par quiconque.
Lui qui s’est perdu plus jeune après avoir perdu l’amour des siens.
Lui qui s’est perdu dans la drogue et la violence.
Lui qui a passé des années entre quatre murs sans l’amour de personne.
Seul, toujours seul dans son cœur Manu.
Que peut-il bien faire de tout cet amour que ce jeune garçon lui offre ?
Comment on fait pour rendre cet amour au centuple ?
Comment on fait pour ne pas décevoir l’autre ? Lui qui se dit que de toutes façons l’autre est toujours déçu un jour ou l’autre…
L’amour n’est-il pas fait pour se terminer un jour ? Après tout, si l’amour à des ailes, n’est-ce pas pour s’envoler ?
Comment il va faire Manu pour résister à l’envol ?
Il sait que les ailes commencent à se rouvrir dans sa tête.
Pourtant, si avant cela ne lui posait pas de problème, aujourd’hui c’est différent.
La différence c’est qu’il est amoureux bien sur et qu’il est aimé en retour aussi fort.
Alors tout ça lui fait peur à l’ange blond aux yeux piscine.
Puis ce mal de tête qui n’en finit pas !!

Gilles lit tout ça dans le regard de son amour.

Manu tend la main par-dessus la table et caresse la main de Gilles.
Il à des larmes au coin des yeux Manu.
Ca fait boum dans la poitrine de Gilles et il se jette sur lui, l’embrasse fort, si fort.
Il ouvre le peignoir blanc de Manu car il est nu dessous.
Il laisse glisser sa langue le long du ventre, il à envie de le dévorer tellement ce qu’il ressent est d’un désir d’une violence insondable.
Il se fait peur Gilles, mais il n’a plus de limite.
L’étreinte est spasmodique, les vêtements de Gilles glissent rapidement au sol.
L’orgasme est déconcertant de rapidité.
C’était comme une évidence qu’il fallait qu’ils aient leur plaisir au même instant.

Les cœurs cognent entre eux tandis que Gilles à son visage posé sur le cou de Manu.
La table de cuisine est dévastée par leurs gestes animaux.
Ils ont la respiration saccadée et la bouche sèche.
Manu commence à rire légèrement… Il pense à Sylvie de l’autre côté du mur qui à du profiter de tous les bruits.
Gilles rit également tout en se redressant.
Comme pour répondre à ça, Sylvie laisser échapper un « Vous êtes toujours vivants ? » qui achève de libérer la franche séance de rigolade qui s’ensuit.
Manu n’a plus mal à la tête, l’orgasme l’en a délivré.
Ils foncent sous la douche tous les deux puis descendent une bouteille d’eau avant d’aller se coucher.
Une bise à une Sylvie qui ronchonne et au lit !

Les deux amoureux s’endorment au petit jour naissant.
Dans les bras l’un de l’autre ils se réchauffent.
Gilles sourit, même s’il vient de comprendre que forcément, ce soir ce n’était qu’un début.
Que l’histoire va se répéter forcément, qu’elle va se déliter obligatoirement.
Car toutes les questions que se posent Manu trouveront réponses s’il le veut vraiment.
Mais pour le vouloir, il va devoir se mettre en danger.
Manu n’est pas apte à ce danger du cœur, à celui des sentiments.
Gilles le sait.
Gilles le sent.
Ce soir c’est le début d’une fin annoncée…


A Suivre...

20 avril 2007

Sur le Trajet (chapître treizième)

Nous sommes en avril, le soleil se fait plus perçant.
Gilles est content de lui, il a réussi son bac blanc, il part donc avec plus d’assurance pour clore l’année scolaire. Et s’il réussit, il à d’ors-et-déjà l’envie de se diriger vers le culturel. Pour lui, l’idéal serait de faire de la critique cinématographique. Quoi de mieux pour lui qui devient de plus en plus un cinéphile avertit et qui, par ailleurs, aime beaucoup la littérature et l’écriture. Ainsi, il ferait d’une pierre deux coups.
Il s’est renseigné, et la faculté des « Lettres et des Arts » peut l’amener, au bout de 2 ans d’études à intégrer « l’Institut de la Communication » qui dispense lui-même des cours d’histoire et de sciences de l’audio-visuel et de la cinématographie. Il a aussi l’envie de s’essayer à la photographie et à l’analyse des scénarios. Bref, toute sortes d’envie qui lui tape dans la tête.
Il y’a bien longtemps qu’il n’a eu une envie forte et déterminée de ce qu’il voulait pour lui plus tard. Aujourd’hui il a l’esprit clair. Sa décision est prise.
Il va en parler à ses parents rapidement.
Manu, quant à lui, connaît les passions qui animent Gilles, et le pousse évidemment à suivre sa propre étoile. Car quand Gilles lui parle de tel ou tel film qu’il aime ou qu’il n’aime pas, Manu l’écoute toujours avec attention. Gilles se souvient que lors d’une soirée avec les amis de Manu, ce dernier avait pris sa défense en arguant que le simple fait que Gilles avait aimé le film suffisait à lui donner envie d’aller le découvrir par lui-même. C’est ainsi que Gilles lui fit découvrir deux de ses films favoris « Sunset Boulevard » de Billy Wilder et « Imitation Of Life » de Douglas Sirk. De grands classiques, certes, mais des œuvres qui ne laissent pas indifférents, des œuvres coups de poings. Ca emporte comme une déferlante, et l’on en ressort pas vraiment indemne.
Manu a été pris par cette vague et depuis lors fait une confiance aveugle en Gilles pour choisir les films qu’ils vont voir ensemble.

Un soir ils vont diner chez Isabelle et Amar.
Deux amis de Manu qui étaient là à la première soirée de Gilles quelques mois auparavant.
Elle est prof de danse contemporaine et lui travaille sur des chantiers.
Il est l’hétéro type dont tombe fous les homos ; extrêmement beau, cool et d’une tolérance à toute épreuve. Quant à elle, grande, élancée, brune, le visage fin et l’œil vert pâle. Bref, un couple divin. Ils sont adorables, ils aiment la fête, ils aiment les bonnes choses, et par-dessus-tout, ils aiment Manu et, de fait, ils aiment Gilles.
Car ils sentent que depuis qu’il est entré dans la vie de Manu, ce dernier va mieux et ils lui en sont reconnaissants
.
D’ailleurs Isabelle prépare un spectacle à La Maison de la Danse (à l’époque, elle était à La Croix Rousse et non pas dans le 8ème arrondissement de Lyon). Elle cherche un jeune danseur et propose à Gilles de la rejoindre dans sa troupe. Gilles lui fait bien comprendre qu’il n’a jamais dansé, mais peu importe pour elle, il lui manque un garçon pour monter « Alice au pays des merveilles » et elle à jeté son dévolu sur Gilles.
Elle tâte sa cuisse, il est jeune et élancé à cette époque, aussi il se laisse faire.
La cuisse est ferme et il y’a un muscle sur le côté qui fait penser à Isabelle que la jambe pourra se lever sans problème. Bref, elle le veut, un point c’est tout !
La partenaire d’Isabelle se nomme Régine, et c’est elle qui va commencer par les bases classiques pour assouplir le corps de Gilles, le rendre un peu plus virevoltant...
Gilles, sans le vouloir se trouve entraîné dans une aventure qui va durer plus d’un an.
Ils conviennent qu’il intègrera la troupe à la rentrée, en septembre.
A raison de dix heures par semaine, en plus des cours, il va trimer dur le jeune garçon.
Gilles est content de cette expectative finalement. Il ne sait pas trop dans quoi il se dirige, mais bon, après tout cela ne peut être qu’intéressant, et ça lui fera faire de l’exercice, ça c’est sur.
D’ailleurs il n’imagine même pas à quel point encore !!

Toujours est-il que cette soirée est tout à fait réussie. Gilles s’amuse pleinement et parle également beaucoup avec le couple homo quadragénaire, Biquet et Jean-Yves. Ils sont terriblement drôles et font la gloire de ces petites soirées de quartier.
Eric de Paris est là également ainsi que Sylvie qui est toujours aux petits soins avec Gilles.
Il y’a aussi Hélène, une prof d’anglais rousse et totalement déjantée. Un vrai délire de parler avec elle également.
L’alcool aidant, tout ce petit monde s’amuse vraiment.
A l’exception d’un seul toutefois…

Manu est dans son coin, et bois un peu plus vite que les autres.
Manu commence à se demander pourquoi les gens vont si souvent vers Gilles.
Manu commence à comprendre que Gilles prend de plus en plus d’importance dans sa vie, mais aussi dans la vie des « siens »
Manu commence à étouffer légèrement.
Manu se ressert un autre verre…


A suivre...

Sur le Trajet (chapître douzième)

Manu avait cette facilité à se sentir bien en toutes circonstances et à avoir une aisance particulière en société. Dans ses paroles, il ne cherchait pas à enrober les choses, il les disait simplement, naturellement. Ce qui amenait ceux qui l’écoutait à le détester d’emblée ou, au contraire, à l’apprécier immédiatement. Il n’y avait pas de juste milieu avec Manu. Soit ça passait, soit ça cassait.
Avec les parents de Gilles, inutile de préciser que c’est passé immédiatement.
La soirée s’est déroulé dans une pure harmonie et Manu fascinait son auditoire en racontant ses anecdotes de barman lorsqu’il travaillait dans certains restaurants huppés tandis qu’il était plus jeune. Il n’avait pas son pareil pour relater les faits. S’il avait pu le faire, Gilles en est certain, il aurait pu écrire de jolies choses.
Gilles se dit qu’il pense cela sans doute parce qu’il est raide dingue de lui, mais au vu de la réaction de ses parents, il se dit qu’il doit être un peu dans le vrai tout de même.
La spécialité de madame mère, le civet de lapin aux olives et le gratin dauphinois maison, fait l’admiration de Manu qui n’hésite pas à accepter une seconde tournée. Gilles quant à lui se contente d’une seule assiette, il faut comprendre qu’il adore ce plat, mais qu’il en mange régulièrement depuis presque 15 ans.
A la fin du repas, monsieur père sort quelques bouteilles de digestifs et raconte l’histoire de cette bouteille d’eau de vie de poire, avec un véritable fruit à l’intérieur, scellée à la cire.

Cette bouteille à été offerte aux parents par monsieur F, le grand-père maternel de Gilles. Celui-ci à offert cette bouteille en 1968, le jour de la naissance de Gilles.
Ce dernier n’a guère de souvenirs de monsieur F, celui-ci étant décédé d’une pleurésie en 1969. Maladie très dure à soigner en cette époque, surtout que monsieur F n’était pas vraiment un fervent « fréquenteur » de docteurs en tous genres, qu’il habitait, de plus, dans un village d’Ardèche, la plupart du temps « ravitaillé par les corbeaux » pour reprendre l’expression populaire.
Ainsi s’est-il éteint rapidement cette année-là. Miss Marie, sa femme, prit le deuil pendant un an, mais, toujours poussée par une fougue de vie, ne cessa jamais de vivre les choses à fond. C’est elle qui consola madame mère car cette dernière était très atteinte par la mort de son père. Miss Marie la prit sous son aile bienveillante et lui redonna le sourire, puis le fait que Gilles arrivait sur ses 1an, fut l’occasion d’organiser une fête pour de nouveau espérer de beaux lendemains.

Pour en revenir à la dite bouteille, il avait été conclu de l’ouvrir pour les 30 ans de Gilles.
Celui-ci n’osait imaginer le gout que pouvait avoir un fruit entier immergé dans un alcool à plus de 45°, privé d’oxygène durant plus de trente années. Mais pour le savoir, et bien il fallait qu’il attende encore douze ans. Après tout, que sont douze ans dans toute une vie ?
D’autres alcools font donc le bonheur de l’assemblée ce soir-là et vers les 1h du matin, Manu et Gilles prennent congés, un peu éméchés.
Monsieur père se demande sans doute pourquoi Gilles rentre avec Manu, cependant il n’en laisse rien paraître, et depuis ce soir là, Gilles est persuadé que monsieur père sait ce qu’il en est, mais que même s’il ne souhaite pas aborder le sujet de front, il est néanmoins content d’avoir rencontré Manu, et ce, quelle que soit la relation qu’il entretient avec son fils. Et même s’il imagine très bien qu’ils ne passent pas leurs soirées à « enfiler des perles » pour reprendre une autre expression populaire tout aussi imagée !

Gilles et Manu sautent dans un taxi, et vont boire un verre dans le bar de leur rencontre « Le Vénus Bar ». Ce bar ferme à 3h00 du matin les samedis, ils ont donc largement le temps de s’enivrer un peu plus.
Il faut dire que Manu à cette faculté à lever le coude de façon intempestive. Et même si Gilles commence également à apprécier cela, il ne peut s’empêcher de s’inquiéter par rapport à ça. En effet, parfois les réactions de Manu deviennent assez agressives l’alcool aidant, et Gilles, dès lors, se sent un peu mal dans ces situations.
Ceci-dit ce soir il n’en sera rien, car Manu est enchanté par la soirée, il est heureux et l’alcool ne fera pas changer cet état de fait.
Ils entrent dans le bar vers 1h30 tandis que le comptoir et les fauteuils sont pleins à craquer. Sur le « lasergraphe » du bar passe un vidéoclip. Tout le monde est fou de ce clip à l’époque et le milieu gay n’est pas en reste. Madonna et son « Like a Prayer » fait se déchaîner les hanches de toutes les jouvencelles de la ville. Elles deviennent quasi « Christiques », prêtent à vous donner l’absolution en toutes circonstances.
Gilles et Manu jouent du coude et parviennent à se mettre au comptoir. Fifi d’amour, le barman, leur saute dessus avec un sourire radieux. Il est adorable Fifi d’amour, c’est un peu un confident pour beaucoup ici, et sa gentillesse n’est jamais feinte.
Il sert deux gin-tonic aux garçons et les laisse parler au milieu du brouhaha.

Manu étant très connu dans ce milieu est amené à dire bonjour à plusieurs garçons toute la soirée. Mais il ne laisse jamais Gilles à l’écart, le présentant à chaque fois aux garçons en question. Ceux-ci font mine d’être ravis de faire sa connaissance, tandis que leurs yeux, disent au contraire « Ton mec me plaît mon grand, fais bien attention à ne pas le perdre »… Mais Gilles est déjà rompu depuis longtemps à ce genre de regard et son regard à lui, si tant est que l’on sache y lire, leur répond également dans un sourire « Toi mon grand je ne t’aime pas et je suis sur que c’est réciproque mais je m’en tape royalement. Passes ton chemin, tu ne fais que croiser notre route car il y’a des embouteillages » !
D’ailleurs après deux-trois banalités échangées, Manu se retourne vers Gilles et reprend leur conversation à bâton rompus.
Les verres s’enchaînent et le bleu des yeux de Manu commence à se troubler. Il est 3h00 passé et le bar n’est toujours pas fermé. Il ne devrait pas tarder.
Gilles commence à avoir envie de partir. Manu voit qu’il commence à s’agiter. Gilles sent que Manu remarque son agitation et tente de se calmer un peu.
Manu lui prend la main à ce moment là, il demande à Fifi d’amour ce qu’on lui doit et lui demande d’appeler un taxi.
Gilles lui sourit avec toute la tendresse du monde.
Ils partent tous les deux dans la nuit pour se nourrir de leur peau.

Ce soir-là Manu a fait l’effort de ne pas pousser la nuit jusqu’à son terme.
Mais les efforts seront de plus en plus vains.
Les démons s’annoncent de nouveau.
Ils guettent dans l’ombre.
Ils se sont reposés depuis plusieurs mois, et sont à l’apogée de leur forme.
Et Gilles ignore qu’il n’a pas les armes pour les combattre, il va juste tenter de survivre à ça…


A suivre...

19 avril 2007

Sur le Trajet (chapître onzième)

C’est vers la fin du mois de mars que Gilles et Manu vont chercher ensemble les résultats des analyses de ce dernier. Puis ils vont chez le médecin qui leur explique que l’état de Manu s’est un peu affaiblit. Il faudrait qu’il accepte de commencer un traitement par AZT pour essayer d’avoir une chance de combattre le virus.
Manu refuse catégoriquement comme l’imaginait Gilles. D’ailleurs Gilles ne cherche pas à le faire changer d’avis. Lui aussi a vu les effets désastreux de l’AZT pour certains et il ne se sent pas capable de conseiller ce genre de traitement à quiconque.
Nous sommes aux balbutiements de la recherche et tout ceci est assez terrifiant.
Les sarcomes, les cachexies, les vomissements…
Manu est loin d’en être là et Gilles ne souhaite pas qu’il prenne le risque d’accélérer les choses.
Manu à la peau douce, Manu à une libido au-delà de toutes imaginations et Manu, plus que tout, à toujours le sourire aux lèvres et l’œil pétillant.
Avec ce traitement dont personne ne connaît véritablement les effets secondaires, il risque de perdre tout ça, et Gilles ne veut surtout pas ça !
Alors tant pis, ils repartent ensemble et Manu, qui va déjà mieux, prendra un peu plus soin de lui que la normale. Il ne laissera pas traîner une fièvre, un rhume. Il se soignera plus régulièrement et ne s’exposera pas inutilement au froid.
En fait, ce sera une attention redoublée de chaque instant, mais c’est le prix à payer pour ne pas devenir cobaye avec le risque de vomir ses tripes chaque jour.
Manu en est conscient et semble prêt à jouer le jeu.

Le temps s’est radoucit, le printemps est là depuis une petite semaine et Manu à complètement recouvrer la santé. Il a envie de bouger et de reprendre le travail. Il va donc prospecter chez ses potes barmans qui ont toujours des plans pour l’orienter vers quelqu’un qui cherche à recruter.
Aussitôt dit, aussitôt fait.
Manu trouve une place de serveur au Café du Golf, dans le parc de la Tête d’Or. Un endroit sous les arbres, de grandes terrasses ombragées et un cadre idyllique.
Quand Gilles n’est pas en cours, il va régulièrement prendre un verre là-bas l’après-midi avec des amis.
Par ailleurs les horaires sont bien car le café ne sert pas le soir, donc au plus tard Manu et Gilles se retrouvent vers les 19h.
Ils se racontent leur journée respective, marchent dans la ville et rentrent doucement dans le crépuscule naissant.
Plus les jours passent, plus la température est douce.
Parfois le soir ils rejoignent Sylvie à la terrasse d’un bar puis ensuite vont diner au restaurant tous les trois, parfois en tête-à-tête.

Début avril Manu fait une rechute et ne peut pas aller travailler. Comme Gilles à fait un peu de service, il va le remplacer pour la journée. Le patron est ok et Gilles connais bien Erik, le collègue de travail de Manu. Si il y’a un souci, il sera toujours là pour lui venir en aide.
Mais il n’y a pas de soucis particuliers. Ils n’ont pas été débordés par les commandes, loin de là !
En plus Gilles est en vacances scolaires, donc ce petit remplacement lui permet de se faire un peu d’argent et Manu se repose ainsi 3 jours de suite.
Il se remet sur pieds pendant ce laps de temps et reprends ses fonctions de nouveau.
Gilles l’a aidé à conserver sa place pendant ce temps.
C’est comme une équipe tous les deux… Un couple qui forme équipe.

La mère de Gilles cherche à savoir comment se déroule la vie de son fils qu’elle croise vraiment de plus en plus occasionnellement. Elle voit bien qu’il est en pleine forme, mais elle aimerait connaître davantage ce garçon qu’elle à juste croisé quelques mois auparavant. Cette petite gueule d’amour aux cheveux blonds.
Elle demande donc à Gilles de faire venir diner Manu un soir de la semaine avec eux. Elle s’arrangera avec le père pour que cela passe comme une simple invitation, d’un copain de leur fils, à diner.
Gilles est tout ahuri devant cette expectative et en parle immédiatement à Manu.
Il dit OK illico pour l’invitation et Gilles est ravi de cette acceptation si prompte. Même pas une hésitation.
Décidément, ils sont fait l’un pour l’autre ces deux là.
Le diner est prévu pour le lendemain.
Manu veut faire bonne impression et va s’acheter quelques fringues pour l’occasion.
Gilles est, quant à lui, excité comme une puce.

Madame mère prépare sa spécialité et y met tout son cœur.
Monsieur père sort les bouteilles d’apéritif se demandant tout de même pourquoi tout ce remue-ménage juste pour une invitation à diner d’un copain de son fils.
Mais monsieur père ne perd jamais une occasion de faire une petite fête et la soirée s’annonce des plus plaisantes.

Il est 20h lorsque les deux garçons sonnent à l’entrée.
Madame mère, vêtue de bleu ouvre la porte sur un grand sourire.
Manu précède Gilles et pénètre dans le hall d’entrée.
Gilles referme la porte.
Les quatre protagonistes se saluent.
Manu embrasse les parents de Gilles tout naturellement.
La mère sourit, le père aussi.
La soirée peut commencer…


A suivre...

Sur le Trajet (chapître dixième)

Quelques jours plus tard, Gilles doit passer son bac blanc. Il a donc dormi chez lui car ses cours sont en grande partie sur son bureau et il avait besoin d’être seul pour une dernière révision et dormir tôt.

Car lorsqu’il dort chez Manu, il ne peut que s’endormir tard du fait des longues discussions pendant le diner, des digestifs qui s’en suivent, puis les longs moments d’amour, quelques cigarettes, encore d’autres instants volés de cœurs et de corps et souvent c’est vers 2h du matin que les deux garçons s’endorment.
Manu ne travaille pas en ce moment, il a quitté la brasserie. Il est comme ça Manu, dès qu’il en à marre d’un endroit il s’en va. Puis de toutes manières, en tant que serveur-barman, il retrouve un travail en 48h s’il le souhaite.
Gilles lui, est debout aux aurores car ses cours débutent à 8h en cette année de terminale. Ainsi, et même s’il n’a pas besoin de beaucoup d’heures de sommeil pour récupérer, Gilles n’est cependant pas toujours en phase avec les cours.

C’est pourquoi, ce soir là Gilles appelle Manu avant de se coucher. Cela fait bien longtemps qu’ils n’ont pas dormis séparés. Ca fait drôle ce soir de se retrouver seul.
Il compose le numéro depuis sa chambre.
C’est au bout de plusieurs sonneries que la voix de Manu se fait entendre. Une voix fatiguée, vidée.
Gilles se souvient que ce matin en partant en cours de chez lui, il n’avait pas trouvé Manu en grande forme. Mais il était en retard et à donc laissé Manu se rendormir après son départ.
Ce soir, l’impression du matin survient de nouveau. Il écoute le souffle tendu de son homme, le bruit est sifflant et il parle doucement.
Il raconte à Gilles qu’il à de la fièvre depuis ce matin et les jambes en coton. Qu’il à tout le temps soif et à du mal à respirer, qu’il transpire beaucoup, bref « une bonne crève » comme il dit.
Gilles est inquiet après avoir raccroché le téléphone. Il essaye de se tranquilliser néanmoins. Après tout il fait très froid et personne n’est à l’abri d’un rhume ou d’une grippe.
Non, personne n’est à l’abri, cependant certains le sont encore moins que d’autres. Quand les défenses immunitaires chutent, c’est la porte ouverte à tous les microbes.
Gilles parvient tout de même à s’endormir malgré l’inquiétude.

Le lendemain matin, il part en temps et en heure pour se rendre au lycée et commencer les premières épreuves. Ces dernières s’enchaînent pendant quatre heures et vers midi Gilles n’a qu’une heure pour déjeuner. Il fonce à la boulangerie pour s’acheter un sandwich et se précipite chez Manu.

Quelques jours avant, Manu lui avait fait une surprise. Le matin, avant que Gilles ne parte à son lycée Manu avait glissé dans sa main un trousseau de clés. Les clés de son appart. Il lui avait murmuré à l’oreille qu’il était ici chez lui et qu’il pouvait venir quand bon lui semblait. Même quand Manu n’était pas là, si Gilles voulait juste se reposer, prendre une douche, faire une pause, il faisait comme il voulait. Manu et Sylvie en avaient parlé et ils étaient tombés d’accord pour que Gilles fasse chez eux comme chez lui.
Le cœur de Gilles à failli imploser à ce moment. C’était le plus beau cadeau que Manu puisse lui faire. Il l’a embrassé si fort qu’il a bien cru s’en décrocher la mâchoire !

Ainsi en ce jour de bac blanc et le sandwich au bec, Gilles ouvre la porte du petit appartement ou il se sent maintenant comme chez lui.
Tout est sombre, les volets baissés et une odeur de médicaments.
Manu est encore couché, il est réveillé cependant et offre à Gilles le plus beau des sourires. A travers ce sourire, ce dernier lit tout l’amour du monde, toute la tendresse d’un garçon qui est heureux de voir arriver celui qui fait chanter sa vie.
Gilles va le rejoindre et l’embrasse profondément. Tant-pis si lui aussi choppe la crève, mais il ne peut pas faire autrement. C’est plus fort que lui. Toujours ce besoin de le toucher, de l’entourer…
Mais il est encore chaud, son visage, son front. Puis il n’a rien mangé depuis la veille. Il dit qu’il n’a pas faim. Gilles redescend à la boulangerie et lui achète un énorme pan-bagnat, ces énormes sandwichs bourrés de légumes de toutes sortes, il achète également une grande bouteille d’eau pétillante, des fruits et des yaourts. Il remonte en quatrième vitesse et l’oblige à se nourrir un peu.
Au final, Manu dévore le sandwich et avale deux yaourts et un kiwi. Il avoue se sentir un peu mieux finalement. Gilles est tout content de sa petite prestation de soigneur. Il insiste toutefois pour que Manu appelle son médecin dans la journée si la fièvre ne baisse pas.
Manu lui promet de faire le nécessaire.
Rassuré, Gilles l’embrasse de nouveau et file reprendre le cours de sa journée et de son bac blanc. Il ne reste qu’une épreuve de trois heures et ensuite il a fini. Il doit boire un café après l’épreuve avec ses copains de classe, mais il sait déjà qu’il ne s’éternisera pas avec eux.
Dès qu’il aura fini, il ira rejoindre son doux malade.

Vers 18h, Gilles revient de nouveau à l’appart. Il arrive en même temps que Sylvie qui est ravie de le voir arriver. Elle s’inquiète pour Manu et est contente de ne pas être toute seule ce soir pour s’occuper de lui. Ils montent tous les deux ensembles.
Manu est assis sur le bord du lit, son médecin à côté est en train d’écrire une ordonnance. Quelques cachets, du sirop, des antibiotiques et une prise de sang.
Il faut vérifier le taux de T4 dans le sang. Une maladie opportuniste peut être très dangereuse dans le cas de Manu. Il ne faut pas laisser traîner les choses.
Gilles assure au médecin qu’il l’accompagnera au labo que ça lui plaise ou non. Manu le regarde en faisant une moue boudeuse puis se met à sourire immédiatement.
Et oui Manu, Gilles veille sur toi comme toi tu veilles sur lui.
Il est prêt à tout pour toi.

Il oublie juste de se protéger lui-même.
De se mettre des barrières.
Il oublie qu’un jour ou l’autre il y’aura une échéance fatale.
En fait, il se peut qu’il n’oublie pas, mais qu’il veuille simplement ne pas y penser.
C’est plus simple sans doute.
Enfin c’est ce qu’il croit à ce moment-là…


A suivre...

18 avril 2007

Sur le Trajet (chapître neuvième)

Les semaines se suivent et ne se ressemblent pas dans le petit appartement de Manu, rue du Dauphiné dans le 3è arrondissement de Lyon.
Petite rue magique où les commerçants nombreux se côtoient toujours dans une bonne humeur égale. La rue jouxte une grande avenue en travaux de rénovation, ce qui fait qu’il y’a souvent beaucoup d’agitation diurne dans ce quartier.
Cependant, quand vient la nuit, le sommeil de Gilles est toujours des plus doux dans les bras de Manu.
Toujours ce besoin inextinguible de sentir sa peau contre la sienne.
Elle est douce sa peau, toujours légèrement chaude, comme une petite fièvre qui ferait corps avec lui à chaque instant de vie.

Manu présente, un soir, Eric à Gilles.
Eric est parisien et est le véritable locataire de l’appart de la rue du Dauphiné. Simplement, Eric devant partir travailler à Paris à préféré sous-louer son appartement à Manu et Sylvie. Tout cela n’est pas très conventionnel, mais ce n’est pas les conventions qui étouffent tout ce beau monde dans la fin des années 80.
Eric donc est un petit bonhomme rigolo. Plus âgé que Manu, il apparaît tout d’abord comme quelqu’un de très hautain, voir méprisant. Mais très vite Gilles se rend compte que ce n’est qu’un petit masque qui tombe très vite lorsqu’il se sent en confiance et découvre finalement une vraie douceur intrinsèque et une vraie personnalité forte et cultivée.
En effet il est journaliste et critique littéraire au « Monde ». Donc pas n’importe quoi se dit Gilles, il est d’ailleurs très impressionné. Il dirige également plusieurs rubriques dans le premier journal gay fondé au début des années 80 « Gai-Pied Hebdo ». Un journal révolutionnaire en son temps et Eric à bien en lui également ce même esprit frondeur et bouillonnant.
C’est encore et toujours la lutte pour les discriminations sexuelles en cette année 87, et Gilles sait déjà que la route sera encore longue pour que l’homophobie soit enfin enrayée.
D’ailleurs il n’est pas certain qu’elle le soit un jour.
De fait il s’intéresse de près à la petite vie d’Eric et le questionne sur toutes sortes de choses, et notamment sur la vie Parisienne que Gilles ne connaît toujours pas.
Manu d’un regard amusé suit les conversations de Gilles et Eric et semble très content que, décidément, Gilles s’entende bien avec tout le monde.

Mais il est comme ça à cette époque. Le fait d’être bien avec lui-même, d’être dans une phase de découverte de soi et de nouveaux rapports aux autres, font de Gilles un vampire de connaissances nouvelles. Une sangsue à la nouvelle personne qui va lui être présentée, pour peu qu’elle l’intéresse humainement parlant au préalable bien entendu.
Gilles n’aime pas, très vite, d’autres personnes bien sur.
Des gens rencontrés dans le milieu gay lorsqu’il sort avec Manu.
Certains sont glaçants, cassants, provocants, agaçants. Mais Manu fait très attention à Gilles et prends bien soin de le mettre en garde contre certains qui ne semblent pas très nets et qui semblent prendre du plaisir à pratiquer le mensonge pour blesser les plus fragiles.
« Juste pour rire » comme ils disent…

Gilles à la chance lui, d’avoir rencontré la bonne personne, celle qui lui a permis d’avancer.
Depuis plusieurs semaines, la vie de Gilles semble changer du tout au tout.
Lui d’habitude timide et en retrait, devient plus sur, plus mordant.
Lui d’habitude toujours en noir, ose des couleurs, des formes plus amples.
Lui d’habitude toujours dans le silence dans les classes, devient plus intervenant, entreprenant.
Enfin, lui si solitaire, se retrouve au milieu de la multitude et adore s’y noyer et garder une part de chacun.

Voilà presque 4 mois que cette histoire à commencé.
Nous sommes aux alentours de mi-mars. L’hiver est très froid et les couvertures sont bien épaisses lorsque Gilles et Manu s’endorment au creux de l’un ou de l’autre.
Le souffle de Manu est régulier et Gilles n’aime rien de mieux que de regarder dormir celui qu’il aime.
C’est dans cet abandon de sommeil que l’on prend conscience de la confiance que l’on donne à l’autre.
Car l’on est fragile à cet instant, un peu comme à la merci de l’autre.
Mais Gilles se contente de caresser les cheveux blonds de son p’tit amour pendant son sommeil, il se nourrit de son souffle et écoutant attentivement la régularité de sa respiration.
Cette douceur qui, petit à petit le berce.
Il étend la main pour éteindre la petite lampe rouge, effleure des ses lèvres le front de Manu et se laisse envahir pas un sommeil réparateur.
Juste avant de partir dans le monde des rêves, il se dit qu’il est heureux ici et maintenant.
Puis un sourire et il s’endort.
Il ne sait pas que là, juste à côté, quelque chose change dans le corps de Manu…


A suivre...

Sur le Trajet (chapître huitième)

La mère de G engagea la conversation tandis qu’ils étaient tous deux assis en train de commencer de manger :

- « Alors ? Comment va ta vie en ce moment ? On se croise entre deux portes la plupart du temps et l’on a jamais véritablement le temps de parler. Les études… ?
- Ca peut aller. Je me maintiens dans une bonne moyenne. J’ai un bac blanc dans quelques semaines. C’est sur ça que je bossais ce matin ; ça devrait bien se passer.
- Et c’est qui cette copine chez qui tu passes presque toutes tes nuits ?
- Une copine, c’est tout. Elle habite à côté du lycée, c’est pratique. Puis on s’entend bien…


G cherche à changer de sujet illico-presto :

- Sinon, ce week-end je ne pourrais pas aller chez les cousins, j’ai un truc de prévu, une soirée…
- Encore une soirée ? J’ai l’impression que tous les soirs sont des « soirées » en ce moment !
- Ben oui c’est vrai, puis j’ai l’impression que c’est pas prêt de s’arrêter !
- Que veux-tu dire ?
- Et bien que j’ai rencontré pas mal de nouvelles personnes ces derniers temps et l’on s’entend plutôt bien.
- C’est bizarre, je te trouve différend depuis quelque temps. Tu as changé, tu es plus sur de toi qu’avant, moins dans le retrait.
- Peut-être… Après tout j’ai 18 ans, faut bien que je grandisse un peu !


Le plat terminé, G débarrasse les assiettes et sort le fromage. Madame mère ne bouge pas pour l’instant et semble perdue dans ses pensées. Elle reprend :

- Je pense que c’est lié à autre chose que le simple fait d’avoir 18 ans. Je pense que tu as rencontré quelqu’un et que cela influe sur ta personnalité.
- Ben oui je viens de te dire que j’ai rencontré plusieurs personnes dernièrement !
- Je ne te parle pas de plusieurs personnes ! Je te parle d’UNE personne. Et cette personne n’est pas une copine de lycée. Cette personne c’est la p’tite gueule d’amour qui vient de sortir d’ici ! Cette personne est un garçon dont tu es en train de tomber amoureux !


Silence….

- Alors ? J’ai raison ou bien j’ai raison ?
- Oui… tu as raison !


Autre silence… Puis la mère reprend :

- Tu sais mon chéri, je ne suis pas tombé de la dernière pluie. Depuis cette lointaine époque où j’avais lu la lettre, je n’ai jamais sortie ça de mon esprit. J’ai toujours su que ça referai surface un jour. Si tu sais, si tu es sur, si tu n’a aucun doute sur le fait que tu sois homosexuel et bien il faut continuer ainsi. Rien n’est plus important pour moi que de te savoir heureux. En plus il à l’air bien ce garçon… Une première impression est souvent la bonne. Et moi il m’a fait bonne impression. Je te demande simplement de faire attention à toi. Cette maladie qui ravage tout et surtout le milieu homo, il faut t’en protéger. Tu t’en protèges hein ?
- Oui maman, ne t’inquiètes pas. Je n’aurais jamais imaginé cette réaction de ta part.
- Je ne vais pas sauter de joie, je ne te le cache pas. Dans l’absolu, il faut que je me fasse à l’idée de n’avoir jamais de petits enfants. C’est surement ça le plus difficile. Mais c’est comme ça. Il faut accepter les choses. Ce n’est la faute de personne. C’est la nature, un point c’est tout.
- Oui surement… En tout cas je me sens mieux maintenant que tu le sais.
- J’imagine. Par contre je ne suis pas sur que ton père réagisse de la même façon. Faut attendre un peu. On va l’éduquer en douceur.
- Ok maman ! Merci.
- Je t’aime comme tu es.


G retourne dans sa chambre et appelle immédiatement M au téléphone. Il lui raconte toute l’histoire de la conversation avec sa mère, de son envie d’en parler à ses plus proches amis, de commencer à relever la tête et à ne plus raser les murs.
M l’incite à foncer, à se libérer. M est content et est fier de G.
G se sent pousser des ailes. C’est un peu sa révolution à lui. C’est une avancée énorme qu’il jugeait impossible quelques jours auparavant et qui aujourd’hui est devenue une réalité en toute innocence.
Moins de mensonges, moins de cachotteries.
C’est une libération. Et cette libération il l’a doit à M.
Et ça il le sait, il en est certain au plus profond de son âme : il ne l’oubliera jamais !

Aujourd’hui G ne se cache plus.
Aujourd’hui il s’appelle Gilles, et aujourd’hui il est amoureux de Manu.
Aujourd’hui Gilles et Manu sont un couple et Gilles part à l’assaut.
Les jours qui suivent sont des révélations multiples à des gens en qui il tient. Et à chaque fois il reçoit des messages positifs, que cela ne change rien à leur amitié.
Certains s’en doutaient mais préféraient attendre qu’il leur en parle lui-même.
L’univers de Gilles se colore de multiples façons.
L’amour ça donne des ailes. L’amour de Manu, l’amour des siens, l’amour de ses amis.
Gilles s’envole…

Sans doute trop haut...
Sans doute trop vite...


A suivre...

17 avril 2007

Sur le Trajet (chapître septième)

Quelques jours plus tard, G quitte M un matin pour rentrer chez lui. Il n’a pas cours aujourd’hui et va en profiter pour rattraper son retard dans quelques matières et déjeuner avec sa mère.
Il prévoit néanmoins de retrouver son bel amour ce soir pour aller diner au resto. M est ravi d’autant qu’il ne travaille pas ce soir et n’a pas d’extras de prévu.
G part donc au petit matin.
Nous sommes fin janvier 1987.
G arrive chez lui et se met tout de suite au travail après avoir embrassé ses parents au préalable. Son père part travailler et sa mère faire quelques courses.
Cette dernière à arrêter de travailler depuis 2 ans et a du mal à accepter l’inactivité.
Aussi est-t-elle toujours en train de faire quelque chose, à droite, à gauche.

Peu avant midi, madame mère rentre des courses, tandis que G est toujours dans sa chambre en train de travailler. Il ne prête pas attention à la sonnette de la porte d’entrée qui retentit. Il est absorbé par ses cours. Et comme les voisins viennent souvent sonner à la porte, il ne s’en occupe pas.
Pourtant, 2 minutes plus tard, sa mère ouvre la porte de la chambre en lui disant qu'un ami est venu le voir.
G lève les yeux et derrière sa mère aperçoit le minois tout penaud de M.
G fait un effort surhumain pour rester placide et feindre la bonne surprise devant sa mère. D’ailleurs c’est une bonne surprise, mais les circonstances ne se prêtent pas à l’attendrissement et aux effusions.
G se lève pour serrer la main de M, tel le bon garçon hétéro qu’il est censé être depuis toujours.

A vrai dire depuis cette lointaine année 1981.
Cette année là, G avait tout juste 13 ans mais faisait beaucoup plus âgé du fait qu’il avait une taille grande pour son âge. Toujours est-il qu’il savait déjà vers quel sexe ses désirs le portait, et n’écoutant que son courage, avait répondu à une petite annonce dans un journal gay.
Un garçon à Lyon cherchait un autre jeune garçon. Le garçon en question avait 22 ans et G lui écrivit qu’il en avait 16.
La semaine suivante la réponse du destinataire est parvenue à G.
La lettre était posée sur son bureau, il l’ouvrit.
Le garçon disait avoir envie de rencontrer G, qu’il était content de rencontrer un jeune homo dans sa ville. Le seul problème, disait-il, c’est que comme G était mineur, il avait peur de faire une connerie…
G était content déjà d’avoir une réponse, d’autant que le garçon lui avait donné son numéro de téléphone. G allait l’appeler sans tarder et il saurait être très convaincant pour que le garçon accepte de le voir tout de même. Il en était sur : il le verrait coûte que coûte.
Fort de sa décision, il repart en cuisine pour déjeuner avec ses parents, qui, à l’époque, travaillaient tous deux.
Madame mère le regarde en coin en lui demandant de façon anodine qui lui avait écrit. Il à bien sur répondu un petit mensonge sans importance, désignant une vieille connaissance de collège qui déménageait…
La pillule devait passer ainsi.

Après le départ du père, madame mère revint à la charge à propos de la lettre et lui dit que, parce qu’elle croyait que la lettre émanait du collège, elle l’avait..ouverte !!
Le sang de G passa en une seconde de la tête aux pieds. Il avait l’impression d’avoir les jambes en plomb et ne plus pouvoir bouger.
Au vu de son jeune âge, la mère de G lui intima immédiatement de détruire cette lettre et de ne jamais rencontrer ce garçon. Car G était trop jeune pour baiser avec un mec.
C’était clair. C’était net. C’était sans appels !
G n’a jamais reparlé de cet épisode avec sa mère, et réciproquement.
Toutefois sans l’avoir jamais dit, la semaine qui à suivit l’arrivée de la lettre il a vu le garçon et à baisé avec lui. C’était purement sexuel. Il n’en pouvait plus d’envie le petit G, et ce jour là, pouvoir enfin toucher le corps d’un homme lui révéla définitivement sa vraie nature : Homosexuel !

La main de M est tiède et G lui sourit tandis que sa mère ferme la porte en les laissant seuls. M se confond en excuses mais ne savait pas comment faire autrement. N’ayant toujours pas le numéro de téléphone de G il n’avait d’autres choix de venir chez lui pour le prévenir que finalement le soir il travaillait et ne pouvait donc pas aller au resto.
G est touché que M ait fait le chemin juste pour ça. Il faut vraiment qu’il pense à lui laisser son numéro. Maintenant il sait qu’il n’a rien à craindre.
Donc tant pis pour le resto, G propose d’aller le chercher à son travail à la fin du service. Vers minuit. Il ira au ciné avant et l’attendra. M est d’accord et repart donc chez lui, non sans avoir émis discrètement un rapide baiser avant de partir au coin des lèvres de G dont le cœur bat à tout rompre.
G le raccompagne à la porte, M salue la mère de G et s’en va.
G referme la porte.
Il est midi dix.
Il est temps de se mettre à table.
Au vu du regard de madame mère, ce sera au sens propre comme au sens figuré.
Mais G est loin d’imaginer la réaction que va avoir sa mère dans quelques instants...


A suivre...

Sur le Trajet (chapître sixième)

Les semaines suivant leur rencontre, G et M se sont vus pratiquement tous les jours. G l’a même fait venir chez lui un jour tandis que ses parents étaient absents. Il avait de plus en plus confiance en lui et cela se voyait. G était transformé et se sentait en plein accord avec lui-même.
Très souvent le soir il dormait chez M et disait à ses parents qu’il « passait la nuit chez une copine ». Ce qui voulait tout dire et rien dire, mais avec l’avantage de rassurer tout le monde.
L’appart de M était proche du lycée de G et tous les matins il partait en cours, laissant dormir son premier amour.
Il avait le cœur léger et chaque jours le besoin irrépressible de voir M ne faisait qu’augmenter.
G à fait aussi la connaissance de S, la colocataire de M. Jeune fille très férue d’histoire, elle est d’ailleurs en fac dans cette matière.
Lesbienne, brune et des yeux très bleus, S plait tout de suite à G. Cela semble, par ailleurs, réciproque. Ils parlent souvent tous les deux le soir avant d’aller se coucher. Car M travaille tard en service et rentre au creux de la nuit. Donc G et S se confient pas mal de petites choses.
Elle lui avoue qu’elle trouve M transformé depuis qu’il l’a rencontré. Avant il sortait beaucoup pour boire des verres après le travail et n’aimait pas trop s’attacher à quelqu’un qui venait si souvent à l’appart.
Cette confidence fait l’effet d’une mini-bombe à G. Car il se dit que peut-être les choses vont continuer ainsi plus longtemps que prévu.
D’ailleurs M à quitté D quelques jours plus tard. G ne l’avait vu que deux fois. Un beau brun aux yeux noirs très looké. Il avait compris ce qu’il y’avait entre M et G bien sur. Il s’en doutait de toutes façons.
G perdit donc ce jour là son titre d’amant. Il devenait officiellement le petit ami de M.

G ne put se réjouir totalement de cela. Même s’il était très heureux d’être celui qui ne se cache plus, il devenait aussi celui qui allait forcément voir arriver un jour ou l’autre un rival.
Mais peu importe, ce qui doit arriver arrivera de toutes les manières et G préfère savourer pleinement cet instant. D’ailleurs M organise un grand repas chez lui le lendemain soir pour présenter G à ses amis les plus proches.
Il y’a une dizaine de personnes à l’appart, des gens de tous âges, de toutes sexualités. Un melting-pot joyeux de personnages hauts en couleurs que G affectionne immédiatement. Il sent tout de suite l’intimité qui lie chacun d’entre eux. Ils se connaissent depuis longtemps et se voient régulièrement. Etrangement G ne se sent pas à l’écart. C’est certainement dû à la maturité de chacun car certains sont trentenaires, voire pour certains, proche des 40 ans.
C’est la première fois que G passe une soirée avec des gens plus âgés que lui et il se sent tout à fait bien. Ce mélange des genres est incroyablement sain et positif pour G. Il apprend que les différences de tous n’empêchent nullement une unicité propre. Les différences de chacun se nourrissent les unes des autres et permettent à tous d’ouvrir des horizons nouveaux.
C’est une véritable belle soirée qui s’éternise jusque tard dans la nuit. Les bouteilles de champagne et de vin se suivent, le repas préparé par tous est excellent et les rires s’enchaînent joyeusement.
Plusieurs personnes viennent voir G pendant la soirée et lui disent qu’ils sont heureux de voir M aussi bien. Que ses démons semblent s’être endormis et que, visiblement, c’est grâce à lui.
G se sent fier d’être celui qui est parvenu à redonner le sourire à celui qu’il aime et lorsque les derniers invités s’en vont, il regarde M ranger l’appart et sent monter en lui une envie de le prendre dans ses bras, de l’embrasser, de se fondre en lui.
M doit sentir son regard sur lui car il se retourne, et les deux garçons se rejoignent pour s’embrasser au milieu des bouteilles vide et de la vaisselle sale.
Ce baiser est différent des autres. Il y’a une passion dévorante, et c’est ce soir là, au milieu du désordre et des vapeurs d’alcool que G et M s’avouent mutuellement leur amour.

« Je t’aime ! »
C’est la première fois que G le dit à quelqu’un.
C’est la première fois que quelqu’un le dit à G.

Il y’a Jane Birkin qui chante sur la chaîne Hi-Fi de M
« Babe alone in Babylone »

Cette chanson restera liée pour toujours à son premier amour.
Ce soir là, G pense que la vie est belle et que l’amour est la plus merveilleuse des choses…
Ce soir là, G se berce de toutes les illusions du monde…
Ce soir là, G ne sait encore pas que les illusions, parfois, se perdent…


A suivre...

16 avril 2007

Sur le Trajet (chapître cinquième)

G ne quitte pas M du regard tandis qu’il commence à parler…

« Tu sais, je ne suis pas quelqu’un de très recommandable et ce à plus d’un titre. Il faut que tu saches que je ne suis pas très fidèle en amour. Je n’y peux rien, c’est plus fort que moi, je ne peux pas me satisfaire d’un seul corps, c’est comme ça. Pour tout te dire, je suis avec un garçon depuis plusieurs mois déjà. Il s’appelle D. Je ne te cache pas que cela ne va plus très bien entre nous et c’est certainement aussi une des raisons qui fait que tu es là aujourd’hui. Je ne pensais pas aller plus loin avec toi. Tu m’as surpris sur beaucoup de points et tu es très attachant. C’est pour ça que je te dis ces choses aujourd’hui. Je sens que tu t’attaches à moi et je sens que c’est réciproque. Mais je ne veux pas que tu ériges des espoirs et de beaux lendemains pour l’éternité. Je sais qu’un jour je te quitterai, c’est comme ça. C’est une histoire qui durera peut-être longtemps, mais un jour je partirai. Cette histoire qui commence ne sera pas éternelle… »

G s’en fout de l’éternité. Seul l’instant présent lui importe et tout ce qui peut bien arriver après il s’en fout. C’est aujourd’hui qu’il est bien avec M, c’est aujourd’hui qu’il a envie de le voir, de le toucher. Et finalement G lui est reconnaissant de cette franchise. Il ne l’en apprécie que davantage. Et le fait de savoir qu’une histoire finira obligatoirement ça peut éviter des bleus à l’âme.
De toutes façons G sait très bien qu’il va en baver à un moment ou à un autre car déjà il tombe amoureux de M. C’est rapide, c’est limpide, c’est sans appel.
Pour l’instant il est l’amant. « Amant » quel terme romantique. C’est sensuel un amant, c’est secret un amant, c’est dans l’ombre un amant, ca à un côté intouchable, un amant… Alors il est prêt G, il va foncer. Il attend ça depuis tellement de temps…

« Comme j’ai confiance en toi j’ai envie aussi de te dire des choses que tu risques d’apprendre par d’autres un jour, et je préfère que ce soit par moi.
Je n’ai pas un passé tout blanc, même plutôt gris.
Quand mes parents ont su que j’étais homo ils m’ont foutu à la porte. J’avais 19 ans à l’époque, ça fait donc un peu plus de 5 ans que je ne les ai plus revus. J’ai tenté de rappeler ma mère un jour. Elle était contente d’avoir de mes nouvelles, mais sans plus…
C’est dur d’être mis dehors de chez toi si jeune et de perdre du jour au lendemain l’amour de tes parents. Je n’ai pas compris, et j’avais de la haine à évacuer.
J’ai fait des conneries qui m’ont amené à faire 2 années de prison. Je crois que je suis marqué à vie par ces deux ans, et ça m’a bien coupé l’envie de recommencer mes conneries. J’ai ces 4 murs dans ma tête tout le temps et certaines nuits j’étouffe. Ca me réveille en sursaut, ça me terrifie encore.
Je te dis ça parce que je sens que tu ne vas pas me juger et que j’ai envie de ne rien te cacher des choses du passé.
Parce que le passé, un jour où l’autre ça te revient toujours en pleine gueule et les dégâts sont souvent irréparables… »


G s’en fout du passé. Car le passé il est derrière et il n’a qu’ à rester ou il est. G sent son cœur battre plus fort. M à des cicatrices en lui. Ces cicatrices qui forgent une personne. En bien ou en mal, certes. M à dansé avec le diable ? Et alors ? G s’en moque. On flirte tous un jour ou l’autre avec le mal. On ne marque pas à vie pour autant toutes les personnes. Puis le manque d’amour peut donner à pardonner beaucoup de fautes. Les parents de M l’ont rejeté parce qu’ils n’ont pas acceptés sa vie sexuelle. G se dit que cet acte de non amour est bien plus répréhensible que les petits larcins de M.
Puis ce petit côté voyou repenti est plutôt excitant non ?
Alors c’est pas ça qui va empêcher G de foncer.
Au contraire, G veut le serrer encore plus fort, l’étreindre et l’amener dans les étoiles…

« Maintenant je vais te parler de l’instant présent car c’est obligatoire pour moi. Puis c’est pour toi aussi…
Je suis séropositif !
J’ai choppé cette merde dans mes années sombres ou entre drogue et sexe je faisais tout et n’importe quoi. Puis de toutes façons à l’époque y’avait aucune informations et puis je m’en foutais royalement de tout. Aussi, maintenant j’ai ça en moi.
Comme ça fait deux fois qu’on fait l’amour et qu’on à pas pris de risques, je préfère te le dire tout de suite pour te donner le choix. Je comprendrais que tu ne veuilles pas aller plus loin. C’est légitime d’avoir peur, puis j’ai l’habitude de voir les gens partir quand je leur dit. Mais je trouve ça plus sain que de cacher la vérité.
J’ai décidé de ne pas me soigner. Je n’ai pas envie de prendre de l’AZT. Ca tue plus que ça ne soigne. J’en ai vu crever plus vite avec cette merde qui attaque tout à l’intérieur de toi juste pour soi-disant tuer le virus. Mais moi j’ai pas envie de faire le cobaye, l’AZT est une molécule qui est arrivé récemment, et personne ne sais ce que ça peut faire. Moi mon virus je le garde tel quel, c’est une bombe qui explosera forcément un jour, mais en attendant je veux vivre comme avant, normalement !
C’est ma vie et j’ai le droit de choisir ma mort. De toutes façons c’est inéluctable et l’on commence tous à mourir un peu le jour de notre naissance… »


G à le cœur lourd. Non pas de peur mais d’une profonde tristesse de savoir qu’il y’a une mort annoncée juste en face de lui à cet instant. Tout le monde sait que la mort est au bout du chemin, mais de savoir que le chemin ne va plus être très long doit être terrible à vivre. D’ailleurs G n’arrive même pas à imaginer comment on peut faire, ça le dépasse.
Tout ce qu’il sait c’est qu’il n’a pas peur d’aimer M. Il l’a déjà dans la peau, et en l’espace d’une heure de confidences, il sent déjà que ça va faire mal, mais que pour le moment ça fait tellement de bien qu’il ne reculera pour rien au monde.
G remercie intérieurement M de toute cette confiance, de toute cette honnêteté.
Maintenant il à toutes les cartes en mains.
Nous sommes en 1986, G à 18 ans passés, c’est bientôt Noël et G est amoureux pour la première fois.
C’est donc l’année de son premier amour.
G rapproche son visage de celui de M et l’embrasse longuement.
C’est ainsi qu’il lui annonce que rien de tout ce qu’il vient de dire ne le freine et qu’il se lance avec lui dans cette histoire naissante.
Il remonte le drap et commence à faire l’amour à son tendre voyou.

G ne le sait pas encore, mais il vient de trouver sa piste aux étoiles...
Cette piste va le bouleverser plus que tout ce qu'il imagine...


A suivre...

14 avril 2007

Sur le Trajet (chapître quatrième)

Le diner en famille se passe au mieux car G est aux anges. De plus cette époque de fin d’année et les fêtes de Noël approchant, mettent toujours le garçon dans un état d’excitation positive.
Malgré avoir fêté ses 18 ans six mois auparavant, G conserve toujours une âme d’enfant à l’approche de cette époque magique.

C’est intimement lié aux souvenirs certainement et aux grandes soirées en famille avec les paquets cadeaux et les lumières de l’arbre de Noël.
Moment privilégié que celui de la mise en place de l’arbre et de la décoration de celui-ci. Les lumières multicolores, les guirlandes soyeuses et les boules dorées.
Puis les vacances bien-sûr. L’excitation du dernier jour des cours. La sonnerie qui retentissait et tous les enfants criaient en se dirigeant vers la sortie. Ils savaient tous que ces vacances étaient particulières car le père Noël allait leur rendre visite.
G avait cessé d’y croire bien avant l’heure, mais ces instants d’avant garderont toujours pour lui, un goût de sucre. Le goût de l’enfance, à jamais disparue, mais qui submerge parfois nos sens et nous embarque pour quelques instant volés d’innocence retrouvée.

Dès le lendemain G saute du lit aux alentours des 9 heures. De bonne humeur en ce samedi matin il se jette sur le téléphone pour composer le numéro de M.
Il a rêvé de lui toute la nuit et n’a qu’une envie c’est de le revoir très vite.
Le cœur bat la chamade tandis qu’il compose le numéro. Le serpentin téléphonique n’en finit pas…

Et oui… Qui se souvient du serpentin téléphonique à l’époque ou les appareils étaient analogiques et où l’on devait patienter pour écouter la première sonnerie ?

Ainsi le serpentin s’insinuait dans la ville en direction de M.
Première sonnerie, boum-boum, boum-boum…
Deuxième sonnerie, boum-boum, boum-boum…
Troisième sonnerie : « Allo ? »
Sa voix enfin !! G balbutie, se sent un peu bête au bout du fil. En plus il le réveille en l’appelant si tôt. M à fini son service à 3h et est sorti boire quelques verres par la suite. Il est rentré tard et est un peu naze. G se sent mal de l’avoir dérangé et ne sait pas trop quoi dire. Pourtant M semble content de l’appel, d’ailleurs il fait une proposition à G qui n’en croit pas ses oreilles : « Si tu veux venir maintenant, je pourrais finir ma nuit dans tes bras ? »…
30 minutes plus tard G sonne à sa porte.
M est nu sous un peignoir blanc. Il le prend dans ses bras et le conduit au lit. Il laisse glisser le peignoir et se couche. G se déshabille et se couche à ses côtés. Le corps de M est chaud du sommeil interrompu et G se sert contre lui. Les bras de M l’entoure et comme par enchantement G se relaisse glisser dans un sommeil des plus serein.

Vers treize heures G se réveille de nouveau. Il a un peu faim. M ouvre un œil également. Sans doute tarauder par le même besoin. Les regards échangés empreints de sommeil et de sourires restent en suspens dans le cœur de G. Il se sent tellement bien que cela semble irréel. Il va se réveiller sans doute bientôt d’un sale rêve qui lui aura fait croire au bonheur.
Mais non, tout est bien vrai et M. laisse glisser sa langue sur le ventre de G et se dirige vers le bas. Les ébats sont encore empreints de douceur, de caresses, de vraies sensations d’élancements au creux du ventre, au rouge du cœur.

Après quelques instants de plaisir, les 2 garçons se regardent.
G lit dans les yeux de M une vraie tendresse, mais également des gouffres, des failles qui font que G, à cet instant précis, redoute quelque chose. Des mots qui vont arriver, des maux qui vont s’y rattacher.
G ne sait pas pourquoi il à cette intuition. Il se dit que chacun à sa part d’ombre, mais que celle de M est épaisse. D’ailleurs, les yeux de ce dernier commencent à briller.
G rapproche son visage du sien et le fixe avec toute la douceur du regard qui, sans besoin de paroles dit : « Vas-y, dis-moi ce que tu n’oses pas me confier… N’ai pas peur, car qui suis-je pour te juger ? ».
M à bien lu dans le regard de G.
Il se sent en confiance.
Il commence à parler.
Et G se dit que, non, il ne s’était pas trompé quant à la profondeur des gouffres…


A suivre...

13 avril 2007

Sur le Trajet (chapître troisième)

L’appartement, pas très grand, des murs blancs un peu passé, plusieurs affiches de photographes ou d’expos au mur, une déco sommaire rend le tout immédiatement chaleureux. G est à l’aise d’emblée et imagine sans peine les soirées qui devaient se dérouler dans ces deux pièces. A en juger par les bouteilles vides et l’évier débordant de vaisselle, le jeune maître des lieux devait souvent faire la fête ici.
M fait faire le tour du propriétaire et G voit deux grands lits. M lui précise qu’il co-loue cet appart avec une amie lesbienne. S est absente aujourd’hui mais vit avec lui ici.
Le parquet présent dans les pièces donne immédiatement un sentiment chaleureux et les couvre-lits aux couleurs ternies un sentiment d’immuabilité, une impression de temps suspendu...
« Ô temps, suspends ton vol… »
G à la bouche sèche, le cœur qui bat et les yeux qui s’affolent. M le voit et il en joue. Il sourit, il s’approche, il se colle.
Il l’embrasse.

G sent le sang lui monter à la tête et comme le disait la chanson : « il a la fièvre dans le sang, cette affaire il le sent, ne finira pas sans effusion de sang… »
Le baiser est long, langoureux… délicieux.
M commence à dévêtir G qui se laisse faire avec abandon. Lui aussi décide de mettre M à nu.
Très vite les 2 corps sont enlacés sous les draps et l’amour qui s’en suit est l’un des plus beaux que G ait connu. Sans doute parce qu’il était le premier moment d’une intime tendresse et d’un vrai désir de l’autre.
Jusqu’à présent G s’était nourri de corps inconnus, de visages d’ombre et de sombres endroits.
Aujourd’hui il y’a la douce lumière de la lampe de chevet, les draps lisses, le visage net de celui qui lui donne du plaisir et la chaleur d’une peau qui n’est pas juste frôlée sous un pull relevé.
Les corps aujourd’hui se brûlent, s’attendent, se tendent.
G et M ne font plus qu’un.
G chavire vraiment pour la première fois.

G et M somnole un peu tandis que le soir s’en vient. Brusque reprise de nos sens tandis que M sursaute et propose à G de venir sous la douche avec lui car le temps presse vraiment maintenant.
Si ça continue il va être en retard pour prendre son service.
G le suit dans sa minuscule baignoire ou, pris de rires ils se savonnent et s’arrosent l’un l’autre…
G n’y croit toujours pas : il vient de « rencontrer quelqu’un !!! » comme on dit…
M donne une serviette à G qui s’en empare. Une fois terminé de se sécher il redonne la serviette à son propriétaire. Mais M lui dit simplement de la pendre derrière la porte car elle lui resservira pour la prochaine douche ici avec lui…

Il y’aura donc une prochaine fois, et le cœur de G fait boum !!!
Il l’embrasse.
Puis une fois rhabillés, les deux garçons repartent à l’extérieur.
M à donné son numéro à G mais la réciproque n’est pas vraie. En effet G habite chez ses parents et ne veut pas s’attirer des ennuis. Après tout, il ne connaît pas M et préfère rester discret pour le moment.

Sur le trottoir ils vont prendre chacun un chemin différent.
M retourne dans le centre et G chez lui.
D’ailleurs c’est drôle cette histoire, M habite juste sur le trajet qui relie le centre à l’appart de G.
Un trajet unique.
Un même trajet.
Un trajet qui emmène déjà G la tête dans les nuages et le cœur léger.
La nuit est déjà tombée en ce soir de décembre et G rentre diner avec ses parents.
Ce soir-là, il a de l’appétit le garçon.
D’ailleurs sa faim ne va plus cesser de grandir…


A suivre...

12 avril 2007

Sur le Trajet (chapître second)

Putain quel regard !
Putain quel sourire !
Putain, le bleu de ses yeux !
Même une petite cicatrice sur la lèvre supérieur qui lui forge un sourire encore plus renversant. D'ailleurs G se cramponne au flipper dès cet instant et n'a de cesse que de faire aller ses yeux qui passent allègrement des boules du flipper aux... billes du joueur. Des billes bleues, à l'intérieur de deux orbites.
Déjà ce regard emporte G.
Dès lors, les sourire s'échangent, les regards se croisent... G est sur un nuage.
Le joueur lui propose de jouer avec lui. G n'en croit pas ses oreilles mais accepte néanmoins sans rechigner. G se présente au jeune homme, ce dernier donne son prénom aussi : c'est M.
M et G jouent donc dorénavant ensemble.
Naturellement.
Simplement.

G tente de se souvenir des mouvements appris dans l'enfance pour faire en sorte que sa prestation au flipper ne soit pas trop ridicule. Il essaye d'assurer tout en voulant rester très détaché de la situation même si dans son thorax, c'est la chamade qui porte son coeur.

M frôle souvent G lors des changements de joueurs et cette simple sensation en eveille bien d'autres, enfouïes au fond de l'âme et qui depuis tant d'années n'attendent qu'une occasion pour exploser.
Le moment du réveil n'est pas loin et G le devine à travers le regard de M. Ce regard en dit long et G sait très bien lire. Par ailleurs il répond également sans problème. Car il est temps pour G d'aller plus loin que les simples caresses de l'enfance et que l'ersatz de sexe qu'il avait connu à 13 ans avec un homme plus âgé.
Aujourd'hui G a envie de M et comme la réciproque semble vrai, la partie de flipper va s'arrêter là !

Comme s'il lisait en lui, M décide de boire un verre au bar et invite G à le rejoindre, bien entendu.
Une longue conversation s'en suit et les deux garçons déverse une rivière de confidences tant ils se sentent proches, d'emblée, l'un de l'autre.
D'ailleurs G ne pense plus du tout à sa séance de ciné. Relégué aux oubliettes la toile blanche. Rien n'a plus d'importance que l'instant présent.
L'instant qui, en plus, file à la vitesse de la lumière. G est là depuis plus de 3 heures et le temps s'évente toujours plus...

M avoue à G qu'il doit partir pour se changer car il travaille ce soir. C'est la mort dans l'âme que G se lève à son tour pour dire aurevoir à ce garçon de l'après-midi tout en espérant secrètement le revoir très vite.
G à sans doute le regard triste et M lui propose de l'accompagner chez lui pour continuer cette discussion tandis qu'il se changera avant d'aller bosser.
G pense qu'il va se passer beaucoup de choses dans cette période de déshabillage et que le changement prendra surement plus de temps.
G est brûlant. M également.
Ils montent dans le bus qui les emmènent dans l'appartement de ce dernier. La route n'est guère longue et lorsque les garçons descendent du bus, une petite pluie froide les innondent, alors ils pressent le pas, ils se sourient tout en montant les escaliers de l'allée.
Une allée sombre, un deuxième étage et M ouvre la porte.
G entre le premier...


A suivre...