03 juillet 2007

Sur le Trajet (chapître cinquante deuxième)

Après l’amour, et après le champagne, les deux garçons passent sous la douche et se rhabillent.
Il est temps de partir diner et après avoir dépensés des calories, Gilles et Fabrizzio sont affamés.
Ainsi ils partent en direction du « Quai des Brumes ».
Gilles avait tellement aimé la première fois qu’il a souhaité y retourner.
Le patron les accueille toujours aussi chaleureusement et les place à une table en retrait de la salle, plus isolée avec vue sur la Saône.
Comme la dernière fois, le service est parfait et le repas se déroule tout au champagne.
Fabrizzio semble réellement ravi d’être en tête à tête avec Gilles et ce dernier se dit que cette relation a vraiment évolué bizarrement depuis qu’ils se sont rencontrés dans ce bar, quelques semaines auparavant.
Entre désir sexuel, colère, emportement, tendresse et gentillesse mais aussi sensualité, inquiétude…
Gilles pense que cela fait certainement partie d’un tout et que la personnalité de Fabrizzio est plus complexe qu’il n’y parait et qu’il faudra certainement du temps pour la comprendre réellement.
Après le repas, Fabrizzio soumet l’idée d’aller reboire un verre à l’endroit ou ils se sont rencontrés : «Le JM Pub ».
Pourquoi pas se dit Gilles, il est tout juste minuit.

Sur place, Laurent, le barman les reconnaît d’emblée et semble très content de les revoir.
Avec son ami, Yves, ils ont décidés d’ouvrir ce bar il y’a quelques mois et semblent ravis du résultat.
En effet, Gilles et Fabrizzio peuvent constater qu’il y’a pas mal de monde dans le bar.
Il faut dire que les bars sont rarement désert un vendredi soir.
C’est l’ouverture du week-end, donc le début des festivités diverses et variées.
Gilles commande deux coupes de champagne. Ils continuent sur leur lancée de bulles et c’est très bien comme ça.
Fabrizzio raconte à Laurent qu’ils fêtent le bac de Gilles.
Il n’en faut pas plus au barman pour remettre une tournée dès que le premier verre est terminé.
Yves, le second patron arrive sur ces entrefaites. Il se présente tout de suite à Gilles et Fabrizzio qui ne l’avaient encore jamais vu.
Gilles remarque immédiatement que le regard d’Yves sur lui n’est pas innocent.
Il y’a dans sa façon de le regarder, dans sa façon de sourire et dans la façon qu’il à eu de lui serrer la main quelque chose de volontairement séducteur.
Dès que Yves à posé son regard sur Gilles, son attitude s’est légèrement modifiée.
Gilles se demande s’il se fait des idées et, si ce n’est pas le cas, si les autres ont remarqués ce changement.
Yves remet aussi une autre tournée.
Il semble décidé à retenir Gilles et Fabrizzio au bar pour le moment.
Gilles se dit que c’est plutôt agréable de se faire offrir des verres et de se faire draguer subtilement en même temps.

Fabrizzio est en grande conversation avec Martine, une jeune femme hétéro qui sort très souvent dans les bars homos et qui aime par-dessus tout danser sur scène et chanter lors de spectacles transformistes.
Elle est plus connue sous le nom de « La Marquise » et enchante régulièrement les soirées spectacles du bar.
Il se trouve, justement, que ce soir le spectacle est prévu sur la petite scène du bar vers 1h30.
Fabrizzio demande à Gilles si ça lui dit de rester pour le spectacle, mais ce dernier n’a pas le temps de répondre puisque Yves leur fait comprendre qu’il est hors de question qu’ils partent avant et sort carrément une bouteille de champagne.
Gilles se dit qu’il en fait trop.
Mais personne ne semble s’en offusquer et du coup, Gilles, Fabrizzio, Yves et Laurent trinquent tous les quatre.
La Marquise se joint à eux juste avant de se rendre dans les loges pour se changer.
Fabrizzio se penche vers Gilles pour l’embrasser.
Gilles se rapproche de lui.
Yves et Laurent servent des verres à d’autres clients.

« Ca vas bébé ? Tu passes une bonne soirée ? demande Fabrizzio.
- Oui bien cool. Je vais être un peu saoul je pense, mais tant pis. Puis j’ai bien envie de voir ce spectacle.
- Si tu es ivre, je vais pouvoir abuser de toi en rentrant alors ?
- Tu pourras me faire tout ce que tu voudras.
- Me dis pas ça maintenant, sinon je vais pas pouvoir me tenir…
- Tu pourras user de mon corps comme tu le voudras, tout t’appartiendras ! insiste Gilles.
- Arrête bébé, tu me fais monter la pression !
- Je vois ça ! dit Gilles en passant sa main sur l’entre-jambe de son amant. »


Dans le même instant, la lumière du bar se fait plus faible tandis que la scène s’illumine annonçant le début du spectacle.
Les clients, rompus à cet exercice, prennent place sur les canapés restant disponibles tandis que les autres s’assoient par terre.
Gilles et Fabrizzio décident de rester au bar. Ils voient tout aussi bien et sont un peu en retrait des autres.
Pendant le spectacle, Laurent ne sert pas au bar et Yves est en loges pour aider à changer les décors et les costumes durant la prestation.
La bouteille de champagne est toujours sur le bar, ainsi les deux garçons se resservent un verre tandis que le premier numéro débute.

C’est La Marquise qui ouvre le bal, déguisée en danseuse orientale sur le hit de l’époque « Im Nin hallu », chanson arabisante qui connaît un vrai succès cette année là.
Par la suite les numéros défilent les uns derrière les autres et les protagonistes s’amusent à être quelqu’un d’autre le temps d’une scène.
Ils aiment à changer d’apparence, d’identité et à se lâcher dans une interprétation où souvent le trait est forcé mais qui à le mérite d’être, à chaque fois, des plus drôles.
Sans fioritures ni ambages, ils ne se prennent pas au sérieux et le seul mot d’ordre est l’humour.
L’assistance est des plus enjouées et les bravos fusent sous les boules à facettes.
Lorsque le final arrive, les clients sont survoltés et l’ambiance des plus bruyantes ; la musique bat son plein et tous les intervenants se retrouvent ensemble sur la petite scène qui, du coup, se trouve complètement bondée. Chacun y va de son petit speech tandis que les maquillages coulent sous l’effet de la chaleur et que tout le monde attend impatiemment la réouverture du bar.
En ce qui les concerne, Gilles et Fabrizzio ont mis la bouteille de champagne KO.
Ils n’ont de choix que d’en recommander une autre évidemment.
L’horloge indique 02h55 du matin. Le bar étant censé fermer à 3h, les garçons hésitent à recommander une bouteille.
Yves ne manque pas l’occasion de faire savoir qu’une fois l’établissement fermé, les clients peuvent encore rester à l’intérieur sans toutefois faire trop de bruit.
Une bonne partie de la clientèle s’en va mais tous les participants au spectacle restent encore, aussi Gilles et Fabrizzio décident d’en faire autant.
Yves continue de fixer Gilles d’un regard insistant. Mais Gilles fait celui qui ne remarque rien.

Peu avant 4 heures, les deux garçons décident tout de même de rentrer et prennent congés de La Marquise, d’Yves et de Laurent.
En embrassant Gilles pour lui dire au revoir, Yves frôle de très près les lèvres du jeune garçon qui continue à feindre l’innocence.
Les deux patrons leur disent qu’ils espèrent les revoir très vite et qu’un autre spectacle est prévu dimanche soir.
Gilles et Fabrizzio ne promettent pas d’être là, mais feront leur possible pour venir boire un verre avant la fin du week-end.
Une fois dans la rue, Fabrizzio prend une grande inspiration puis se retourne brusquement et plaque Gilles contre une porte cochère en laissant glisser ses doigts dans le caleçon de ce dernier.
L’effet est immédiat et les deux garçons, au mépris du danger, commencent à faire l’amour debout dans l’ombre d’une allée inconnue.
Gilles se remémore sa petite expérience des deux jours auparavant.
La situation est excitante aussi malgré le fait qu’il ne soit pas avec un inconnu.
En fait l’excitation semble venir essentiellement du fait de la possibilité de se faire découvrir par quelqu’un… Les pantalons sont aux chevilles, les tee-shirts sont relevés et les peaux moites.
Les murs de l’allée sont froids et l’odeur est un curieux mélange de nourriture mêlée à celle de l’urine que les noctambules éparpillent allègrement dans les immeubles au gré de leurs pérégrinations nocturnes alcoolisées.
Les deux garçons sont au comble de l’excitation quand la porte de l’allée s’ouvre soudainement tandis que la lumière s’allume.

Un jeune homme rentre chez lui par cette fin de nuit d’été.
Il sursaute dans un premier temps.
Il est ensuite surpris.
Puis finalement il sourit devant le spectacle qui s’offre à lui.
Gilles et Fabrizzio remontent instantanément leurs vêtements tout en étant pour le moins gênés.

« Désolé de vous déranger les gars, mais faut vraiment que je rentre chez moi !
- Pas de problèmes dit Gilles. On va rentrer aussi je crois…
- Si vous voulez finir ça maintenant, vous pouvez profiter de mon appart, vous serez plus au calme ! Moi ça ne me dérange pas, puis je suis un peu voyeur sur les bords. Et j’ai jamais vu deux mecs baisés ensemble. Je voudrais pas mourir trop con !
- Euh… merci mais je pense qu’on préfère rentrer tranquillement hein Fab ? demande Gilles.
- Oui… c’est mieux, mais merci pour la proposition tout de même.
- Comme vous voulez, termine l’inconnu. Une prochaine fois si ça vous dit, je suis au premier étage, porte de droite.
- Ok… Bonne fin de nuit à toi mec… »


Les deux garçons ressortent en courant et se dirigent vers l’appartement de Fabrizzio tout en riant à gorge déployée. Ils n’en reviennent pas d’être tombés sur un tel énergumène et d’avoir eu à entendre une telle proposition.
Ils se disent que décidément, les tabous sont de moins en moins présents dans la tête de certaines personnes et que parfois leur ouverture d’esprit confine à l’incroyable.
Evidemment, cela reste tout de même une petite minorité, mais les deux garçons pensent vraiment, en cette année 1987, que les mentalités évoluent.

Gilles et Fabrizzio montent se coucher tandis que les premières lueurs de l’aube surviennent
Ils ont l’ivresse de leur jeunesse.
Ils ne voient pas le mal autour d’eux.
Ils ont le cœur léger et le foie imbibé.
Ils s’endorment nus sur les draps éparpillés.
Ils sont main dans la main et tête contre épaule.
Ils ont le sourire aux lèvres.

Il est 5h30 du matin.
A quelques centaines de kilomètres de là, à Nantes très exactement, un garçon met fin à sa vie.
Il s'appelle David.


A suivre...