27 juin 2007

Sur le Trajet (chapître quarante huitième)

Gilles raccompagne donc Manu jusque chez lui.
Il monte avec lui pour se désaltérer.
Finalement il a chaud et la marche pour revenir de la gare lui à donné soif.
Manu finit de ranger la vaisselle de la veille.
Gilles met de la musique et l’aide à terminer.
Tout cela se fait dans un silence religieux qui n’a rien de tendu au contraire, c’est plutôt un calme nécessaire, un besoin de non-paroles. L’absence est lourde à porter et est lourde à verbaliser.
Alors les deux garçons enchaînent les gestes mécaniques d’ouverture de placards, d’empilement d’assiettes, et d’essuyage de verres.
Une fois la corvée terminée, Manu semble un peu fatigué.

« Tu n’as pas l’air bien… dit Gilles.
- Non ça va, un petit coup de fatigue… Je vais aller m’allonger un peu.
- Tu veux que je te laisse ?
- Non. J’aimerai que tu restes ici si ça te dérange pas. Je me sens mieux si je te sais là et j’ai pas trop envie de rester seul. On s’allonge simplement… Tu veux bien ?
- Evidemment, aucun problème. Je resterai autant que tu voudras. Allez vas-y, je te rejoints. »


Manu disparaît dans la chambre et Gilles allume une cigarette.
Non ! Ne pas replonger avec Manu.
Faire attention. Garder ses distances. Mettre des barrières.
Son cœur s’accélère tellement à chaque fois que Manu est à côté qu’il à peur de se laisser emporter de nouveau. Il sait cependant que Manu le remettra dans le droit chemin si toutefois cela risquait de se produire.
Il lui à dit lui-même. Il veut qu’il soit son ami, son confident, son garde-fou.
Ainsi Manu ne laissera pas les choses basculer.
Gilles écrase son mégot et va dans la chambre.
Manu est allongé. Il a juste enlevé ses chaussures.
Gilles se met à côté de lui et fait de même. Il écoute le souffle de Manu qui semble régulier et laisse à croire que déjà, il s’est laissé glisser dans le sommeil.
Il murmure un léger « Tu dors ? » suivit d’un silence.
Ainsi s’est-il endormi.

Gilles l’observe et sent que son corps est fatigué. En frôlant légèrement son front, il constate qu’il est chaud. La chaleur ambiante n’est certainement pas étrangère à cela, mais Gilles devine autre chose.
Cette saloperie de microbe en forme de hérisson qui investit jour après jour les défenses immunitaires de Manu et cela n’augure rien de bon.
Ces phases de montée de température reflètent des infections normalement bénignes chez la plupart des gens mais il en est tout autre chose pour les personnes séropositives.
Gilles sent un nœud se former au creux de son estomac.
Il essaye de se calmer et passe un bras autour de Manu puis ferme les yeux.
Il ne parvient pas à s’endormir mais reste là, simplement immobile, à écouter dormir celui qu’il aime toujours.
Et qu’il aimera toujours à n’en pas douter.

Quelques minutes plus tard, un bruit dans la serrure annonce le retour de Sylvie. Cela fait quelques jours qu’elle n’est pas rentrée du fait de sa liaison avec Rachel.
Gilles se lève et va à sa rencontre.

« Hé ! Coucou ! Comment vas-tu ? lui demande-t-elle.
- Et bien assez bien… Enfin ça pourrait être mieux, mais je ne me plains pas !
- Y’a un souci ?
- Pas particulièrement… David est parti aujourd’hui, et ça m’a plus touché que ce à quoi je pensais. Manu aussi d’ailleurs. Là il dort à côté, j’ai l’impression qu’il à un peu de fièvre.
- Ah… Effectivement, je comprends mieux ! Mais David ne devait pas repartir plus tard ?
- Si, mais visiblement sa mère est malade donc il a préféré rentrer. Puis c’est mieux ainsi, c’était tellement dur déjà, que je n’imagine pas ce que cela aurait pu être dans quelques jours. Ce type m’a vraiment marqué au cœur, et pourtant, tu imagines bien l’apriori négatif que j’avais le premier jour ou je l’ai vu ici !!
- Oui, c’est sur ! Je regrette de ne pas l’avoir connu davantage que lors de la soirée de samedi dernier, il m’a paru très gentil en tous cas.
- Oui, vraiment un garçon très bien… A tous points de vue !
- Mmmmmouais !! J’imagine bien à quoi tu te réfères !! plaisante un peu Sylvie.
- Oui !! Mais pas que !! Je t’assure !!
- Je te crois et je n’en doute pas une seule seconde… Tu restes avec nous ce soir ? Moi je dors ici car Rachel est en déplacement et ça me fera pas de mal de retrouver un peu mon petit lit douillet !
- Oui, je pense rester. Manu me l’a demandé, puis de toute façon je n’ai rien de prévu et ça m’aidera à faire passer le temps en attendant les résultats du bac après-demain.
- Ah oui c’est vrai… T’inquiètes, tu verras, c’est dans la poche !
- J’aimerais avoir ta foi.
- Tu verras, je suis persuadé que tu t’en es bien sorti.
- On verra… Sinon, ça se passe bien avec Rachel ?
- Ouiiiiiiiiii, le pied complet. On est sur la même longueur d’ondes à tous points de vue, c’est hallucinant. J’essaye de tempérer, mais je vais pas tarder à me laisser aller complètement je crois… Ca faisait longtemps !!
- T’as raison, profites de l’instant présent et vas-y à fond. Après on regrette toujours de n’avoir pas fait ce qu’il fallait au moment donné. Puis c’est trop tard…
- Oh… Allez, on va parler d’autres choses ! Ce soir c’est petite soirée sympa, rien que nous trois… Comme avant !
- Ok cocotte !!! »


Une voix venu de l’autre côté du mur lance un « C’est pas bientôt fini cette conversation de mongoliennes ?
- Oh oh !! Il est réveillé le bougre et il semble aller un peu mieux on dirait ! dit Sylvie.
- Oui, cela semble être le cas… Tu sais ce qu’elles te disent les mongoliennes ? »


Gilles se précipite dans la chambre et attrape un gros oreiller au passage et le jette sur la tête de Manu, lequel se redresse d’un coup et entame avec Gilles une tendre bataille bientôt rejoints par Sylvie qui, telle la lesbienne type, se rue complètement sur les garçons pour leur tordre le cou !!
Après quelques minutes, les trois énergumènes essoufflés se calment enfin en se souriant mutuellement.
C’est étrange les sentiments.
Comment en une fraction de minute, on peut passer de la nostalgie à la franche rigolade. C’est certainement dû au fait de n’être pas seul dans ces moments là. Et le fait qu’ils se retrouvent tous les trois ce soir, même si c’est le fruit du hasard, est vraiment bénéfique pour chacun.

Bientôt 18 heures. Manu se lève et se déshabille complètement devant Gilles et Sylvie puis se jette sous la douche. Sylvie joue la fille choquée, Gilles se dit que décidément, il a un beau cul ! Il combat l’envie de le suivre et trouve l’idée d’aller faire des courses pour diner ce soir.

« Qu’est-ce que vous voulez manger ce soir ? Je vais aller faire des courses.
- Trouve-moi des pièces de bœuf que tu fais hacher par le boucher. Je nous ferai des bons steaks tartares ! lance Manu.
- Très bonne idée !! confirme Sylvie
- Ok, et je vais prendre du vin, je crois qu’on à tout liquidé hier soir !
- Oui, je le confirme ! continue Manu. Prends de l’argent dans mon jean et achètes du champagne. J’ai envie de bubulles ce soir !!
- Oui, moi aussi ! Rajoute Sylvie. Tiens, je t’en donne aussi, comme ça tu en prends deux ! Au diable l’avarice et vive les bulles d’air ! »


Gilles se met à rire, récupère les oboles et se met à descendre les escaliers dans un état de semi-légèreté qu’il n’aurait pas soupçonné avoir deux heures auparavant.

Dans la rue les gens sourient en croisant Gilles. Il se dit qu’il doit avoir sur le visage un air joyeux qui leur donne envie de sourire.
Il se dit que c’est très bien.
Il se dit qu’il faut en profiter.
Il sait bien que cela ne durera pas…


A suivre...