07 juin 2007

Sur le Trajet (chapître quarante quatrième)

Il fait chaud dans la grande chambre de Fabrizzio.
L’appartement n’est pas climatisé, ainsi les deux corps en sueur glissent peau contre peau.
Les draps se trempent petit à petit et les souffles halètent.
Il faut faire une pause ou les cœurs vont lâcher.
Il faut faire glisser tout le long du gosier un liquide froid et désaltérant.
Mais pour autant, les deux garçons ne parviennent pas à s’arrêter.
Gilles va et vient entre les reins de Fabrizzio qui s’accroche dès qu’il le peut à ses doigts.
Il les enserre, les croise.
Les mains se fondent les unes dans les autres.
Les phalanges se cognent.
En ralentissant le mouvement, Gilles laisse sont torse reposer sur le dos de Fabrizzio. A travers la chair, les deux palpitations cardiaques semblent prêtent à rompre, car trop rapide, trop fortes.
Gilles reprend ses mouvements tandis que Fabrizzio laisse échapper un orgasme trop bruyant, Gilles s’abandonne sans un bruit.
Juste des paupières closes, un souffle suspendu, et l’échine tendue.

Enfin les deux corps se séparent et se laissent rouler sur les draps souillés.
L’air frappe la poitrine de Gilles et le dos de Fabrizzio.
Même sans fraicheur, l’instant latent leur donne un peu froid.
Mais très vite la chaleur reprend ses droits.
Fabrizzio installe un lourd ventilateur noir au pied du lit et branche le souffle maximum.
Il apporte également une bouteille d’eau glacée.
Il en boit quelques gorgées puis laisse glisser de ses lèvres quelques goutes sur le corps de Gilles qui sursaute sous la sensation glacée qui coule le long de son ventre.
Fabrizzio se rallonge à ses côtés et tous les deux profitent de l’air dispensé par le ventilateur bienfaiteur.
Nous sommes en plein milieu de l’après-midi.
Les sons à l’extérieur sont comme assourdis par une chape de plomb. Comme si la chaleur faisait office de filtre au bruit ; la vie semble fonctionner au ralenti, les gens marchent doucement, ils frôlent les immeubles pour rechercher une petite part d’ombre qui serait susceptible de leur donner une fraîcheur légère pendant juste deux ou trois secondes.
La canicule est là. Elle assoiffe, elle étouffe, elle tue aussi parfois.
Ce sont ces après-midis qui sont les plus propices aux siestes évanescentes.
C’est d’ailleurs dans ce genre de sommeil que Gilles et Fabrizzio se laissent glisser naturellement sous le doux ronronnement des pales tournoyantes et bienfaisantes.

Quand Gilles se réveille, plus de 2 heures se sont écoulées.
Il est seul dans le grand lit et se dit que Fabrizzio est dans la salle de bain s’il en croît le bruit de la douche qui s’écoule. Aussi, il se lève et part rejoindre son amant, tout en se disant que sexuellement, leur entente est vraiment parfaite. Tout comme avec Manu.
C’est déjà une bonne chose, mais si seulement il pouvait arrêter d’être aussi possessif…
Aussi colérique.
Gilles pénètre dans la salle de bains.
Fabrizzio est là, devant le grand miroir.
A ses pieds, de multiples mèches noires sont éparpillées comme le vestige d’une chevelure de jais définitivement mise au rebus.
Méticuleusement et mèche par mèche Fabrizzio s’est coupé les cheveux. Il est presque rasé à blanc.
Gilles à du mal à le croire, mais le voir ainsi, le fait ressembler à une autre personne. Comme si l’apparition de ce crâne sous jacent laissait apparaître un être nouveau, radicalement différent.
Plus brute.
Plus dur.

Fabrizzio croise le regard de Gilles dans le miroir et semble lire dans ses pensées :

« Ca me change hein ?
- C’est le moins que l’on puisse dire… mais c’est plutôt pas mal. Excitant même !
- C’est vrai t’as encore envie ?
- Non, pas tout de suite, mais je te trouve très attirant comme ça ?
- Pourquoi t’as pas envie ? Moi ça reprend, regarde !! »


En effet, Fabrizzio laisse une érection l’envahir et, tandis qu’il est nu au milieu des mèches mortes, il commence à avancer.
Il pose le rasoir sur le lavabo, et jette un dernier regard sur son nouveau visage.
Et il poursuit les quelques pas qui le sépare de Gilles.
Gilles lui sourit et s’assoit sur la lunette baissée des toilettes.
Fabrizzio pénètre la bouche de Gilles et commence un doux mouvement d’avant en arrière.
Gilles prend soin de lui donner le plaisir qu’il aime à prodiguer en de telles situations.
Néanmoins, le mouvement devient plus rapide et sans crier gare Fabrizzio jouit dans la bouche de Gilles qui n’a pas le temps de se retirer tandis que le liquide chaud envahit sa langue.
Il se dégage violemment et crache dans les toilettes tout en retenant une irrépressible envie de vomir.
Il n’a jamais fait ça, et cette première fois le dégoute !
Il se relève et regarde froidement Fabrizzio.

« Tu aurais pu me prévenir non ? Tu connais pas les risques de ce genre de pratique ?
- T’inquiètes pas bébé, j’ai toujours fait attention avec qui je couchais !
- Ah oui ? Tu leur demandais un certificat médical avant ?
- Mais non, t’es con !! Je vois bien qui est malade ou pas. Ca se sent ce genre de trucs !
- Tu penses vraiment ce que tu dis ? Demande Gilles atterré …
- Mais oui… Puis j’ai fait un test le mois dernier, j’avais rien, donc t’as rien à craindre.
- Ben ça me rassure qu’à moitié tu vois ! En plus j’aime pas être forcé à faire les choses. Tu aurais pu me demander avant.
- Désolé bébé, mais j’étais tellement excité que j’ai pas pu me retenir.
- Ben fais attention la prochaine fois ! »


Gilles se dit qu’il va falloir qu’il aille faire un test quand même pour vérifier. Mais malgré tout il se dit que Fabrizzio n’aurait pas menti à ce sujet et qu’il est certainement négatif.
Mais maintenant, il à une petite angoisse qui lui noue l’estomac, et le fait d’être obligé d’attendre plusieurs mois avant de savoir le panique légèrement.
Il se reprend toutefois et va se rincer la bouche.

« Tu ne trouves pas ça bien de faire une pipe intégrale ?
- J’ai pas trouvé ça super excitant non !
- C’est parce que tu n’as pas essayé dans l’autre sens.
- Comment ça ?
- Ejaculer dans la bouche c’est mille fois plus excitant que n’importe quoi d’autre. La chaleur de la bouche, l’agilité de la langue, c’est absolument dément !
- …
- Tu veux essayer ? Tu va voir je fais ça très bien !
- Ah parce qu’en plus t’es un habitué du fait ? Ca me rassure complètement quant à ton statut sérologique tu vois. Là, vraiment je suis super serein !!
- Mais non, je ne fais pas ça tout le temps, a chaque fois que je l’ai fait, le mec était sain et pas plus de 2 ou 3 fois, mais chaque fois, les mecs ont trouvés ça super bien fait !
- Oui, ben c’est pas ça qui me tranquillise. Bon, de toutes façons faut que je parte »


Gilles passe donc sous la douche en vitesse et part dans la chambre se rhabiller.
Fabrizzio ramasse doucement les mèches de cheveux pour les jeter à la poubelle.
Il replie le rasoir et le glisse dans un tiroir.
Puis il enfile son bermuda et suit Gilles dans la chambre.

« Tu m’en veux pas hein ? demande Fabrizzio.
- Non, et on va dire que je te fais confiance, mais là j’ai besoin de prendre un peu l’air.
- Ok, je comprends… Tu reviens ce soir ?
- Peut-être oui… »


Fabrizzio précède Gilles à l’entrée et remet la clé en place.
Il se dit que cela ne sert à rien de le retenir ici, car il risquerait de se braquer encore plus.
Alors subrepticement il sort la clé de sa cachette et, comme si de rien n’était, il fait jouer le penne de la serrure afin que la porte s’ouvre.
Gilles passe devant lui et lui dépose un bisou sur le coin de la bouche.
Il s’élance dans les escaliers.

Fabrizzio le regarde s’éloigner et il se dit qu’il faut vraiment qu’il se calme, qu’il apprenne à gérer ses émotions, que Gilles n’est pas aussi malléable que les autres et qu’il faudra certainement plus de temps avec lui.
Mais il arrivera à devenir essentiel à sa vie.
Il va tout faire pour être le seul dans ses pensées.
Il a toujours réussi jusqu’à présent.
Il n’y a pas de raison pour que ça change.
Certes le garçon est plus radical que les autres, mais c’est à cause de son histoire passée.
Fabrizzio va l’attendrir, lui ensevelir le cœur.
Son cœur au bout du compte ne sera qu’à lui, rien qu’à lui.
Il faut juste patienter un peu…


A suivre...