30 mai 2007

Sur le Trajet (chapître trente septième)

Quelques instants après, Gilles apprend par Manu que les retrouvailles avec ses parents se sont mal passées.
Il est d’ors-et-déjà certain de ne plus les revoir avant la fin.
Alors Gilles écoute abasourdi Manu lui raconter son arrivée chez eux le surlendemain de son départ de Lyon.

Il était arrivé la veille à Nantes vers les 5 heures du matin. Il était attendu par son frère.
Ce frère dont il n’a pas souvent de nouvelles, mais qui demeure, malgré tout, assez proche de lui. Même s’ils n’ont pas la même vie, ce frère prénommé Loïc, ne l’a jamais jugé sur ses orientations sexuelles, ses dérives, ses chutes…
Loïc était donc là ce fameux lundi matin.
Il a pris Manu dans sa voiture pour l’emmener dans son petit appartement du centre ville. Manu s’était recouché en arrivant pour ne se réveiller que très tard dans l’après-midi.
Ainsi en avait-il profiter pour parler avec son frère de leurs parents, de la vie à Nantes, du temps qui a passé trop vite sans doute et des fossés qui s’élargissent si on laisse faire la vie sans intervenir.
Ils avaient passés leur soirée tous les deux à reparler de leur enfance, puis de l’adolescence, puis du départ de Manu, départ forcé, mais départ quand même.
Loïc regrette bien sur l’attitude du père et la faiblesse de la mère.
Mais il n’avait que 15 ans à peine lorsque les parents ont chassés Manu. Que pouvait-il faire ? Il a pleuré longtemps et dès qu’il a pu il a recontacté ce frère qui lui manquait tant.
Puis une fois de plus le temps et les distances ont fait leur œuvre, et les jours passant, les contacts se firent plus rares, jusqu’aux limites de l’oubli qu’ils n’ont heureusement jamais franchis.
Loïc est donc resté à Nantes et à pris son indépendance rapidement.
Il voit plus souvent ses parents bien sur, mais uniquement le week-end, pour un déjeuner ou un diner.
Ca reste très sporadique. Et ça lui convient très bien.
Et sans doute qu’à eux aussi qui, finalement, n’ont jamais vraiment développer d’instincts parentaux très étendus.
Toujours est-il qu’aujourd’hui ils vivent seuls dans leur petit pavillon au sortir de la ville.
Un peu en retrait d’une nationale passante, ils cultivent leur petit potager et passent leurs journées entre jardinage, cuisine, vaisselle et télévision.
La plupart du temps dans un silence devenu quasi habituel.
Comme si le moindre bruit, la moindre parole pouvait bouleverser un quotidien devenu tellement terne, qu’un simple mot pouvait le raviver un court instant.
Panser les maux par des mots ; voilà ce que n’ont jamais su faire les parents de Loïc et Manu.
Les deux garçons, finalement, ont eu de la chance de ne pas rester avec leurs parents.

C’est à cette conclusion qu’ils en arrivent lorsque ce lundi de juin 87, Manu dine chez Loïc avant d’aller rendre visite, dès le lendemain, à ses tristes géniteurs.

La visite fut de courte durée comme l’apprend Gilles. Lorsque son père à ouvert la porte, il l’a fait rentrer sans un mot. La mère était en cuisine. En le voyant elle s’est mise à pleurer en le prenant dans ses bras pour lui dire bonjour.
Manu était froid.
Ils se sont assis autour de la table de la cuisine.
Ils n’ont rien proposé à Manu. ; ni à boire, ni à manger.
Manu leur a simplement dévoiler un bout de vie, sa maladie, sa mort prochaine.
Le père à simplement dit que si c’était ainsi c’est qu’il l’avait bien cherché.
La mère à simplement pleuré et secoué la tête dans son mouchoir blanc.
Manu s’est simplement levé pour aller l’embrasser sur le front une dernière fois.
Et devant le silence infâme, il s’est retourné pour franchir la porte de la maison.
Une dernière fois.
Manu ne reverrait plus jamais ses parents jusqu’à leur mort ou jusqu’à la sienne.
C’est comme ça, c’est vraiment la fin de l’enfance, la mort des jours anciens.
Il a versé des larmes en partant de chez eux et en revenant chez Loïc.
Ce dernier ne s’attendait pas à des miracles, mais aurais espéré une attitude un peu plus humaine de la part du père.
De l’eau avait coulé sous les ponts. Mais visiblement pas assez.

Manu est resté une dizaine de jours chez Loïc pour renouer une vraie relation avec ce frère qu’il aime malgré tout. Et ces dix jours furent la meilleure chose qui lui soit arrivé durant ce voyage.
Ils se sont promis de ne pas se perdre de nouveau.
Cette fois-ci ils sont grands, ils ont fait leur chemin.
S’ils se sont retrouvés, alors c’est qu’ils ne doivent plus se perdre.
C’est cette promesse qu’ils se sont faîte quand Manu est parti de chez Loïc pour aller rendre visite à des anciens amis de la région un peu perdus de vue aussi.

Il a revu Michel, un ancien amant du temps des conneries de jeunesse. Un mec qui est devenu un peu obèse mais qui s’amuse beaucoup et fait beaucoup la fête. Il à presque 40 ans. Et comme à l’époque où Manu l’avait connu, Michel est resté très attiré par les garçons plus jeunes que lui.
C’est chez lui que Manu rencontre David avec qui il va nouer une petite relation durant son séjour nantais.
C’était un soir ou Michel avait invité plusieurs garçons dont l’âge variait de 19 à 25 ans.
Une sorte de soirée ou entre alcool et drogue, les garçons se dénudent et finissent inlassablement par faire l’amour entre eux devant Michel, qui, tout voyeur qu’il est, se régale à chaque instant de cet étalage de jeune peau glabre.
Manu, qui à donc presque 26 ans à fait un peu l’amour avec David devant Michel. Puis l’un et l’autre se sont bien plus et ont décidés de se revoir. Et lors d’une autre soirée alcoolisée, Manu lui a raconté sa vie, ses amis, ses derniers mois, sa rencontre avec Gilles, sa fuite, son retour à son passé, son échec et son prochain départ pour retrouver Lyon.
Manu et David sont restés vivre chez Michel pendant presque 3 semaines et un jour Manu à décidé de rentrer à Lyon. Comme ça, sur un coup de tête.
Il avait rêvé de Gilles dans la nuit et en avait parlé à David. Ce dernier lui a proposé de l’accompagner car il voulait connaître la ville et faire connaissance de ses amis et surtout de Gilles.

Et voilà comment ils se retrouvent donc ici, ce jour, à cet instant précis.
Il est presque 20h30, et Manu n’a pratiquement pas arrêté de parler.
Gilles n’en reviens pas de l’attitude si distante, voire haineuse des parents de Manu.
Il est néanmoins content que son frère soit plus ouvert.

David revient à cet instant, avec quelques bouteilles dans les mains.
Gilles s’aperçoit qu’il est venu les mains vides et décide d’aller acheter aussi de quoi boire.
Tandis que Manu se remet à sa vaisselle, David dépose les bouteilles sur la table.
Il fait un rapide bisou à Manu et propose à Gilles de l’accompagner au magasin, il à oublié quelque chose.
Gilles accepte sa compagnie. Après tout, David à fait tout ses kilomètres aussi pour le connaître.
Ils se retrouvent tous les deux à marcher dans la rue.
David ralentit le pas :

« Pas trop éprouvant ces retrouvailles après un mois de séparation ?
- Si, quand même pas mal. Mais ça va mieux. On s’est dit beaucoup de choses, on a éclairci les points d’ombres. Presque deux heures qu’on parle sans discontinuer… A propos, merci de t’être éclipsé.
- De rien, de toute façon on avait décidé ça avec Manu. Il voulait rester seul avec toi. C’est mieux comme ça. Je suis bien content que vous soyez restés en bons termes. Mais vu ce que m’avait dit Manu sur la force de tes sentiments, je pensais bien que tu n’allais pas lui en vouloir de sa fuite.
- Non, c’est vrai. Mais il t’a vraiment raconté les choses en détails là-bas, à Nantes ?
- Avec pas mal de détails oui, dit David, des détails émouvants. Des attitudes qui l’ont marqué, des gestes, des tendresses, et l’abnégation dont tu fais preuve et ton courage face à sa maladie.
- Et toi tu en penses quoi David ? Il parait que tu avais envie de me connaître…
- Oui, car je n’ai pas trouvé à Nantes de personnes comme toi, à qui j’ai le courage de dire ce que je suis et qui m’accepte tel quel, alors que j’ai à peine 19 ans…
- Comment ça ? Que veux-tu dire ? »


Gilles voit alors le jeune garçon, qui a le même âge que lui, fondre en larmes en plein milieu du trottoir.
Ce dernier arrive cependant à répondre entre deux sanglots :

« Un mec de mon âge, si jeune, avec le sida… Je suis séropositif depuis mes 17ans… Mon Sida est déclaré depuis moins d’une semaine… J’ai tellement peur »

Gilles n’oubliera jamais le regard de ce jeune homme ce jour là.
Un regard que la somme de toutes les peurs rendait étonnamment lucide…
Etonnamment mature…
Etonnamment résigné…

Gilles ne sait pas pourquoi il s’approche de David à cet instant et dépose un baiser sur ses lèvres.
C’est plus fort que lui. Il a éprouvé ce besoin irrépressible.
David reste muet.
Ses pleurs s’atténuent.
Gilles le prend par la main :

« Viens ! Le magasin va être fermé si on ne se presse pas ! »

David sourit en séchant ses larmes.
Gilles sourit en le trainant derrière lui.
Manu sourit en ouvrant la porte aux premiers invités qui arrivent.
La rue du Dauphiné retrouve, le temps d’un soir, les fastes d’avant et les rires résonnent dans la petite cour intérieure par le biais des fenêtres ouvertes.
Biquet et Jean-Yves sont heureux de revoir Manu et Gilles.
Isabelle et Amar sont resplendissants.
Sylvie aussi. Elle est avec Rachel sa nouvelle conquête.

Gilles regarde Manu
Manu regarde David.
David regarde Gilles.
Tout trois savent très bien comment la nuit va se poursuivre.
Tout trois savent très bien, que cette nuit, ils ne feront qu’un…


A suivre...

1 Comments:

Blogger Dragibus Rinpoché said...

rahhh la la...du sourire aux larmes cette histoire....

11:00 AM  

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