30 mai 2007

Sur le Trajet (chapître trente sixième)

David apparaît d’emblée sympathique à Gilles qui à pourtant du mal à lui rendre son sourire. Néanmoins il fait un effort surhumain pour en donner une esquisse.
Il pénètre dans l’appartement et se dirige vers la cuisine d’où lui parviennent des bruits de vaisselle.
Manu est là, devant l’évier en train de laver divers ustensiles dont il s’est servi pour préparer divers plat pour la soirée.
Quand leurs deux regards se croisent, après plus d’un mois d’absence d’iris, les yeux se fixent et les pupilles s’agitent de bas en haut.
Les corps restent tendus, comme paralysés, suspendus dans un espace limité.
Entre quatre murs plus trop blancs qui furent, pendant plusieurs mois, les témoins de leur amour.
Il y’a quelques mois, Gilles se souvient de l’amour brut qu’ils firent à même la table dans cette même cuisine. C’est comme un flash qui revient.
On ne sait pourquoi.
Gilles se demande même si Manu à le même en cet instant tandis que leurs regards respectifs se dirigent au même moment vers la fameuse table.

David, le nouveau venu, sent la tension dans l’air et préfère s’éclipser en prétextant aller acheter du vin pour ce soir.
Le silence demeure jusqu’à ce qu’il parte.
Manu et Gilles s’approchent.
Les yeux des deux garçons brillent.
Les cœurs battent.
Les visions se troublent.
Ils sont maintenant l’un devant l’autre.
Si près qu’ils peuvent sentir leurs souffles.
Ils se prennent dans les bras et se serrent tellement fort qu’ils en ont mal.
Un mal pour le bien de se retrouver, le bien de tuer enfin ce manque qui était là, tapis dans les méandres de l’esprit.
Gilles laisse aller ses larmes.
Doucement, tout doucement… Pas de hoquets violents, juste les muscles qui se tendent et les joues qui se strient.
Gilles devine à la cadence de son souffle, que Manu aussi lâche sa peine d’être partie et sa joie d’être de retour.
Les deux garçons restent enlacés inlassablement, le temps semble s’être arrêté.
Plus rien n’existe alentour.
Les amants se sont retrouvés… Enfin !

Mais il n’est plus question d’amants n’est-ce pas ?
C’est la réflexion que se fait Gilles en même temps qu’il desserre son étreinte pour rentrer dans le vif du sujet.
Après tout, il est là pour ça :

« David est ton nouveau mec si j’ai bien compris ?
- Je l’ai rencontré à Nantes. Tu sais comme je suis. Je ne peux pas m’empêcher de séduire. Il était là. Il m’a écouté. Je lui ai tout raconté un soir de beuverie. Il te connaît par cœur. Il sait qui tu es pour moi, ce que tu représentes…
- Et qu’est-ce que je représente exactement aujourd’hui ? demande Gilles.
- Tu représentes ce qu’il y’a de plus important pour moi. Je n’ai jamais aimé quelqu’un comme toi. Et certainement, je t’aime encore. Mais je ne veux plus de notre histoire car je veux partir seul lorsque le moment sera venu. Je ne veux pas t’entraîner dans ma mort. Je veux te mettre derrière une barrière pour que tu ne glisses pas avec moi. J’ai été malade de nouveau à Nantes. Les choses vont empirer Gilles. Et je ne veux pas être accompagné au bout. Je veux y aller seul !
- David le sait ?
- Oui. Mais David ce n’est qu’un passage. Il le sait. Il est juste venu ici pour une semaine. Connaître le coin, et connaître un peu de ces gens dont je lui ai parlé souvent depuis deux semaines. On s’est rencontrés à une soirée, j’ai logé chez lui la plupart du temps. On baise de temps en temps, mais c’est plus un ami-amant. Quelqu’un qui passe. Quelqu’un qui part. Mais pas quelqu’un qui reste. Pas comme toi. Toi tu es resté en moi pendant toute cette absence. Gilles, je t’assure que tu reste pour moi l’essentiel de tout ce qui fait ce que je suis aujourd’hui. Je veux simplement que tu te détaches de moi, que tu construises une autre histoire. Pour autant, je n’ai pas envie de te perdre complètement. J’ai envie de continuer à te voir. D’une autre manière… D’une autre façon… Je ne sais pas si tu me comprends…
- Si Manu, je te comprends. Je sais que tu veux me protéger. Ca me touche beaucoup. En fait je vais rester un ami, un confident en quelque sorte ? Quelqu’un de proche avec qui tu pourras partager tes doutes, tes peurs, tes joies…
- Oui, quelqu’un qui compte vraiment !
- Pour autant, j’assisterai donc à ta chute si tout doit empirer. Je ne vois pas ce que ça change !!
- Si tu n’es pas seul… Si tu as un mec dans ta vie, cela sera moins dur à gérer que si tu me perdais alors que nous sommes ensemble. Je ne veux pas. Mais si tu ne te sens pas capable de rester cet ami que je souhaite, je comprendrai bien sur. Je ne t’en voudrai pas. C’est simplement que les choses seront plus faciles pour moi si je te sais là, pas loin, et surtout si je te sais accompagné… Je crois avoir compris que tu avais fait une rencontre la semaine dernière ?
- Sylvie t’en a parlé ? Oui… C’est quelque chose qui se profile pour l’instant. Rien encore de sûr. La personnalité est un peu trouble. J’ai besoin d’y voir plus clair.
- Très bien, dit Manu. Il faut surtout que tu prennes ton temps, que tu ne te précipites pas. Je sais que je t’ai fait du mal et je m’en veux suffisamment comme ça, sans qu’en plus tu te mettes en danger pour me chasser de ton esprit. Je sais que je suis ta première histoire d’amour et que j’ai compté pour toi, tout comme je continue à compter maintenant. Et je suis vraiment heureux d’avoir été ton premier amour. En général on ne l’oublie pas celui-là. Ca me rassure de savoir que pendant longtemps, très longtemps certainement après que je ne sois plus là, je serai encore dans les pensées de quelqu’un, en l’occurrence dans les tiennes pour toujours.
- Arrête de parler comme ça, je vais recommencer à pleurer… Mais, je crois que tu as raison. Tu resteras pour toujours en moi. Caché dans un tiroir secret. Personne ne t’effacera. Alors oui, Manu ! Oui je reste bien sur avec toi. Comment pourrais-je faire autrement ? Je te promets d’être là et je te promets que je me protégerais. Je te promets de n’être pas seul le jour ou… »


Gille ne finit pas sa phrase qui se meurt dans un murmure. Manu l’entoure de nouveau de ses bras. Cette fois-ci Gilles pleure de nouveau, mais d’une façon plus violente. Sa poitrine sursaute avec violence.
Manu lui, le serre, le serre, le serre…
Il ne pleure pas.
Il pense à cet instant qu’il à de la chance d’avoir rencontré ce garçon.
Tout comme lui restera pour Gilles sa première belle rencontre, Gilles restera pour lui, sa dernière belle rencontre.
Certainement sa dernière, car plus les jours passent, plus il se sent faible.
Il a peur Manu.
Alors il serre Gilles.

Encore…
Encore…
Encore…


A suivre...