29 mai 2007

Sur le Trajet (chapître trente cinquième)

Gilles reprend doucement ses esprits en buvant un thé brulant.
Son cœur bat toujours la chamade à tout rompre.
Manu est revenu. Il veut le voir. Gilles se sent comme sur un nuage. Même s’il ne sait pas pourquoi Manu veut le voir, le fait de pouvoir de nouveau l’avoir en face de lui, le toucher après plus d’un mois, ça le fait décoller complètement.
Il ne pense même pas à Fabrizzio tant la nouvelle est inattendue.
De toute façon il ne devait pas appeler avant que Gilles ne le fasse d’abord. Aussi il attendra son tour. Il est clair qu’aujourd’hui, la priorité est Manu, juste Manu.
Gilles termine donc son petit déjeuner et compose le numéro de téléphone qui le met en relation avec la rue du Dauphiné.
Comme au premier lendemain de leur rencontre, l’attente de ce serpentin téléphonique est trop longue. Mais aujourd’hui, l’attente est, en plus, des plus savoureuses. Juste à l’idée d’entendre le timbre de sa voix légèrement cassé, une voix chaude et grave.

« Allo ?
- c’est moi…
- Salut toi… Comment vas-tu depuis le temps ?
- Bien… C’est surtout à toi qu’il faut demander ça !
- Ca peut aller mon grand… Tu m’en veux pour ce que je t’ai fait ?
- Au début j’ai eu du mal. Biquet et Jean-Yves m’ont bien aidé. Puis j’ai compris que tu avais certainement des choses à régler… Ailleurs. Non je ne t’en veux pas. J’avais tellement d’amour pour toi que je ne pouvais pas te détester…
- Je comprends très bien. Moi aussi cet amour pour toi m’a terrassé. J’ai du partir pour ne pas te voir souffrir après et…
- Tu aurais pu m’en parler ! Tu as pris une décision pour moi, et je suis assez grand pour les prendre moi-même. Je t’ai toujours dit que j’irais au bout avec toi. C’est toi qui à décidé de ne pas faire le chemin. Pour me protéger, peut-être, mais je me suis senti en tous cas bien mis à l’écart.
- Je te demande pardon… Tu sais j’agis toujours sur des coups de tête, je suis comme ça. Je ne vais pas changer maintenant. »


Un petit silence s’installe ou l’on entend juste le bruit mêlé des deux respirations. Elles sont saccadées, comme prête à se sauter l’une sur l’autre, à traverser l’espace pour se rejoindre et entrer en communion.
Manu reprend :

« Tu peux venir ce soir ? J’ai invité Biquet, Jean-Yves, Isabelle et Amar. Sylvie sera la aussi bien entendu… J’ai des choses à vous expliquer. Avec toi aussi je veux éclaircir des points. Le manque de toi à été énorme les premiers jours, je voudrais qu’on parle de tout ça…
- Bien sur que je serai là ! J’attends ce moment depuis tellement longtemps !
- D’accord alors. Soit là vers 21h00. Il y’aura de quoi boire et manger.
- Ok… Je crois que je vais passer la journée la plus longue de ma vie en attendant ce moment…
- Oui… moi aussi…. Ecoute, viens plutôt vers 19h00, avant les autres pour qu’on ait du temps tous les deux.
- D’accord Manu, je serai là avant les autres… A ce soir
- Je t’embrasse fort. »


Gilles raccroche et reste dans sa rêverie pendant de longues minutes.
Que veut lui dire Manu ?
Pourquoi ce retour et cette soirée ?
Mais il est en même temps complètement excité à l’idée de le revoir puis de revivre une soirée avec tout ces gens qu’il fréquente assidûment depuis plus de 6 mois maintenant.
Gilles vogue entre deux sentiments étranges : l’inquiétude et la sérénité.
Deux sentiments antinomiques et pourtant si proches parfois.
Tout ça en fonction des crises de l’âme, des affres de la pensée, des tourbillons de la vie.

Le téléphone sonne quelques minutes plus tard et Gilles décroche machinalement :

« Oui ?
- ah ben ça y’est, t’es réveillé ?
- Fabrizzio ?
- Ben oui, qui veut tu que ce sois ? Ta mère t’a pas passé mon message ?
- Si, si… Mais je suis levé depuis peu. Puis ne devais-je pas t’appeler en premier ?
- Je me souviens plus mais peu importe maintenant. Tes épreuves sont finies et François est reparti hier soir…
- Comment ça s’est passé entre vous ? demande Gilles.
- Comme d’hab ! Rien à dire. C’est pas important de toute façon. L’important c’est toi ! Tu te ramènes à l’appart ce soir ?
- Mmh… Non, ce soir je suis déjà pris.
- Tu fais quoi ?
- …
- Alors ? Tu fais quoi ? s’impatiente Fabrizzio.
- Manu est rentré, il fait une soirée ce soir et souhaite me voir…
- Ah oui ? Et toi tu accoures comme un petit chien dès qu’il sonne la cloche de son retour ?
- Non je n’accoure pas, sinon je serai déjà chez lui en ce moment pour tout te dire !
- Qu’est-ce qu’il te veut ??
- Je sais pas. Me parler… On sera plusieurs, avec ses amis également !!
- Alors tu viens après !
- Non ça va durer tard. On me raccompagnera en voiture chez moi je pense !
- Oui… ou tu peux dormir là-bas si ça te chante ! Je m’en tape !!! »


Bip…bip…

Une fois de plus Fabrizzio à raccroché violemment, et Gilles se retrouve une nouvelle fois déconcerté à l’autre bout du fil…
Tant pis ! Gilles décide de ne pas rappeler. Il le laisse se calmer et reprendre ses esprits.
Il le rappellera demain…
Peut-être…
Gilles ne sait pas quoi faire pour faire passer le temps plus vite. Il décide de se mettre devant un bon film. Il pioche dans sa vidéothèque et il opte pour regarder pour la millième fois « Le Roman de Mildred Pierce ». Un de ses films noirs américains favoris. Joan Crawford est absolument sublime dans le rôle d’une femme d’affaire qui va se retrouver confrontée à un crime.
C’est du pur diamant noir, comme les aime Gilles.
Il n’est pas loin de 13h00 et Gilles se prépare une salade de crudités.
Il s’installe devant la télé et lance le film.
Comme à chaque fois, il ne voit pas le temps passer et se retrouve avec le mot ‘FIN’ sur l’écran en ayant été complètement happé par cette histoire bouleversante.

Il est 15h00 passées et Gilles à encore 4 heures à tuer.
Il s’allonge sur son lit car il à les yeux un peu lourd.
Il s’endort dans les cinq minutes qui suivent.
Il rouvre les yeux en grand subitement.
Il vient de dormir deux heures.
Il se lève tandis que ces parents sont rentrés.
Il leur annonce que Manu est revenu et qu’il doit passer la soirée chez lui.
Madame mère lui lance un petit regard qui veut tout dire, qu’il faut qu’il se protège, qu’il ne retombe pas dans ses bras ce soir.
Gilles le sait.
Mais Gilles n’est pas sur de résister si Manu le reprend dans ses bras.
Pourtant, une petite voix, au fond de son esprit, lui murmure que cela ne sera pas le cas !!
Que cela ne sera plus le cas… comme avant !
Gilles s’en fout.
Ce soir il revoit Manu.

Fin prêt, à 18h30 il se dirige vers l’arrêt du bus qui le conduit sur le trajet de l’appart de Manu.
Dans le bus Gilles à la tête ailleurs.
Il est en train de flotter dans une mer ouatée, les sons lui parviennent assourdis.
Aussi met-il son walk-man sur ses oreilles et enclenche la lecture.
‘Dépêche Mode’ investit ses tympans et Gilles se laisse porter par la musique.
Il descend à l’arrêt ‘Manufacture des Tabacs’ et finit le trajet à pieds.
Il pousse la porte de l’allée du 49 rue du Dauphiné.
Il traverse la petite cour intérieur jusqu’à l’escalier bis.
Il monte les 2 étages.
Il est 19h00 précises et Gilles frappe à la porte avec le petit heurtoir de cuivre.

Tatum… Tatum… Tatum !!!
Le bruit de son cœur…
La porte s’ouvre sur un inconnu aux cheveux chatains

« Bonjour… Je suis David, l’ami de Manu… Je suppose que tu es Gilles ? »

Dès lors, le bruit du cœur de Gilles se suspend …
Il avance d’un pas …


A suivre...