26 juin 2007

Sur le Trajet (chapître quarante septième)

Gilles, en arrivant chez lui est saisi par le silence ambiant.
Ses parents sont couchés et aucun bruit ne filtre de l’extérieur.
Il est rentré à pieds pour se remettre les idées en place et profiter de la fraicheur de la nuit.
L’orage à rafraichit l’atmosphère.
Après les journées de fournaise cela lui fait le plus grand bien.
Il se couche immédiatement.
Il n’a même pas le temps de laisser son esprit vagabonder.
Tant mieux car les pensées n’auraient pas été des plus gaies.
Le départ de David le touche beaucoup plus qu’il ne l’aurait imaginé.
Il se revoit encore 4 jours plus tôt lorsque ce dernier lui ouvrait la porte et qu’il se demandait qui il était et ce qu’il faisait là.
Il était tellement heureux de revoir Manu qu’il avait mal jugé cet « intrus ». Mais finalement sa candeur, sa gentillesse ont fait qu’il à vu en ce garçon un peu de lui, un peu de Manu. Un tout qui à fait qu’ils sont devenus très proche très rapidement.
Ca lui arrive rarement à Gilles de s’attacher si vite.
Mais là, c’était quelque chose d’évident, d’inévitable.

Gilles s’endort.
Le sommeil est lourd.
La tristesse intime rend toujours le sommeil très profond.
Et c’est très bien, cela permet de s’évader, de se ressourcer véritablement.

Vers midi il se réveille. La clarté de l’extérieur est faible, ce qui laisse présager un temps couvert.
Au moins cela va permettre de ne pas suer sang et eau toute la journée et de pouvoir respirer un peu avant le retour de la chaleur et des nuits étouffantes.
Il se dirige vers la cuisine.
Ses parents sont déjà partis. En courses certainement ou pour déjeuner à l’extérieur. Il n’en sait rien mais finalement il est plutôt content d’être seul ce matin. Il n’a pas envie de parler, de raconter sa soirée, de parler de ce départ qui le mine, de ce garçon qu’il ne reverra plus et qui reste gravé en lui.
Ses cheveux noirs, ses yeux noirs, sa jeunesse déjà tant marquée.
La douceur de sa peau, de ses gestes, de ses lèvres.
Et cette vie qui sera immanquablement trop courte.

Gilles se reprend, il ingurgite un grand verre de jus de fruit et se jette sous une douche des plus bienfaisantes. Puis il se fait un petit déjeuner consistant car l’heure est bien avancée et qu’il a envie d’aller prendre l’air rapidement.
Dans deux jours les résultats du bac seront connus. Il a confiance en lui et espère ne pas se tromper.
Si les résultats sont ceux qu’il espère il se dit qu’il aimerait bien partir se mettre un peu « au vert » comme on dit et retrouver son cousin dans l’Ardèche.
Ce havre de paix qu’il connaît depuis sa plus petite enfance. Cette grande maison dans un petit village isolé de tout.
Ses amis qui vivent là-bas et qu’il voit régulièrement.
Stéphane, un jeune lyonnais qui est parti vivre à la campagne. Loin de tout. Fidèle à ses idées un peu « bab », les cheveux longs, son potager, ses barrettes de « chit » et ses joints multiples.
Frank, Claudie et Mark. Trois hollandais installés là-bas également avec qui il partage régulièrement des journées de baignade et des folles soirées dans leur grande demeure qui surplombe une grande vallée au sommet du Col de La Fayolle.
Puis Coco, une marseillaise qui passe ses vacances régulièrement avec eux aussi. Une grande chevelure brune et frisée. Le sourire aux lèvres sans cesse.

C’est un endroit magique ce petit village. Magique car perdu dans la montagne.
La maison est grande et elle sent la campagne dans ce qu’il y’a de meilleur.
L’odeur des châtaigniers en fleurs, des genêts d’un jaune éclatant et du vent des collines.
Il y’a les chats de la maisonnée qui lézardent au soleil sur le petit mur de pierre juste devant l’entrée.
Les habitants du village, pour la plupart âgés qui ont dans leur attitude toute la fatigue d’une vie paysanne et toute la sagesse d’une vieillesse oubliée de tous.
A cette époque de juillet, le village reprend une petite vie estivale dans la mesure ou une grande colonie de vacances prend place dans les grands bâtiments, prévus à cet effet, à l’orée du bois de la plaine. Un bois qu’il faut traverser pour se retrouver au sommet d’une petite colline sur laquelle une grande plaine d’herbe sauvage domine le panorama des vallées environnantes.
C’est un peu comme le toit d’un petit monde que Gilles aime à retrouver à chaque fois.
Souvent il retrouve ses amis là-haut autour d’un feu de camps, sous les étoiles.
Il y’a dans l’ombre, le chant des grillons qui accompagne les notes de guitare que Stéphane ne manque jamais de jouer.

Oui, Gilles se dit qu’il a véritablement envie d’aller là-bas se ressourcer cette fin de semaine.
Et plus il y pense, et plus cela devient vital.
S’il à le bonheur d’avoir réussi du premier coup son diplôme sans avoir à aller au rattrapage, c’est ce qu’il fera.
Pour le moment, il décide de s’habiller et part marcher dans la ville au hasard des rues.
Il repense à Fabrizzio qu’il à laissé la veille dans l'après-midi et se demande ce qu’il peut bien faire. Si son mec est encore là.
Il a bien envie de le revoir.
Cela l’aidera à laisser aussi ses pensées nostalgiques de côté.
Il entre dans une cabine et compose le numéro de téléphone :

« Allô ?
- Fab ?
- Oui !! C’est toi bébé ?
- Ben oui !! Tu peux parler ?
- Oui, François est descendu faire des courses, ça tombe à pic !
- Il n’a rien dit hier quand j’ai sonné à l’interphone ?
- Non, il à gobé ma version. D’ailleurs bravo, tu as compris tout de suite ce qui se passait ?
- Ben oui, j’ai eu un flash juste avant d’appuyer une seconde fois sur la sonnette. Heureusement !
- C’est sur ! Mais je suis comme un fou qu’il soit rentré à l’improviste. J’ai trop envie de te voir, tu me manques et j’ai pas arrêté de penser à toi.
- J’ai envie de te voir aussi. Il repart quand ?
- Normalement après-demain, vendredi.
- Ben c’est le jour de mes résultats du bac !! Ce serait bien !!
- Ah oui !! Si tu es admis, je t’invite au resto vendredi soir. Si François s’est barré bien entendu !
- Cela va de soi ! Et bien j’accepte ton invitation mais j’apporte le champagne chez toi avant pour fêter ça !
- Ca marche bébé. Je vais faire le maximum pour qu’il soit parti ! Ca fait long encore deux jours, mais après on aura tout le temps pour nous.
- Euh… Normalement je dois partir dans ma famille en Ardèche si j’ai le bac !
- Longtemps ?
- Ben une ou deux semaines, mais je peux partir que lundi, comme ça on passe le week-end ensemble !
- Tu préfères pas passer la semaine complète avec moi plutôt ? demande Fabrizzio.
- Tu sais, j’ai vraiment envie de me reposer et prendre l’air. Là-bas c’est un peu vital pour moi…
- Ok, bon on en discute vendredi soir. Je t’appelle vendredi midi pour te dire. Tu auras déjà tes résultats ?
- Oui, j’y vais dès le matin.
- A vendredi alors mon bébé !!
- Ok, bisous. »


Gilles est content de cette expectative de week-end mais il ne reviendra pas sur sa décision de partir en Ardèche, il en a trop besoin.
Que cela plaise à Fabrizzio ou non !

Il continue ses déambulations dans les rues.
Au loin carillonne une horloge.
Il est 15h00.
Dans une demi-heure David montera dans son train.
Il partira pour toujours.
C’est trop con décidément !!
Gilles analyse la situation. Il peut être à la gare dans moins d’un quart d’heure.
Il prend un coup de sang.
Il saute dans le premier bus qui se dirige vers la Part-Dieu.
Il a envie de le revoir encore une dernière fois.
C’est bien ? Pas bien ? Il s’en fout.
Le bus avance sans encombre, il saute du bus et court vers les quais.
Nantes. Départ 15h27. Quai C.
Gilles monte l’escalator quatre à quatre.
Il arrive essoufflé en haut des marches.
Il regarde à droite, à gauche. Sautille un peu pour apercevoir David parmi la foule qui, heureusement, n’est pas trop compacte en ce mercredi.
15h18.
Il arpente le quai dans tous les sens sous les regards un peu médusés des voyageurs en transit.
Il a peur de le rater.
Il s’agite dans tous les sens.
15h22.
Putain, plus que cinq minutes !!

« Gilles ? »

Il se retourne au son de la voix !
David est là !

« Qu’est-ce que tu fais là ?
- Excuse-moi David… Je ne sais pas, j’ai eu le besoin de te revoir encore une fois ! »


David à les larmes aux yeux.
Ils tombent une nouvelle fois dans les bras l’un de l’autre.
Les gens s’écartent au passage, sans doute gênés par cette effusion de sentiments entre deux garçons.
Mais Gilles et David s’en foutent.
Ils se serrent l’un contre l’autre comme pour se s’interdire de partir.

Un coup de sifflet retentit sur le quai…
Le train va partir…
David, dans un geste soudain s’écarte de Gilles en lui murmurant un « Merci d’être là » qui se perd dans le bruit des machines
Il monte dans le train secoué de sanglots.
Gilles le voit disparaître dans le wagon.
Lorsque les portes se referment, c’est comme une masse qui lui tombe sur la poitrine, une envie de crier qu’il retient en lui.
Il lève la main, ne sachant pas si David le voit à ce moment là.

« Adieu joli David… Reste tel que tu es.
Ne change rien.
On se retrouvera bien quelque part un jour…
Entre Dieu et Diable... »


15h32.
Gilles regarde le train disparaître au loin, il marche hagard le long du quai.
Il descend les marches de l’escalier qui le ramène dans la salle des pas perdus.
L’agitation alentour l’aide à se fondre dans la multitude.
Il ne remarque pas que Manu l’observe derrière un pilier.
Il a les larmes aux yeux aussi Manu.
Il est venu aussi dire adieu à David, Manu.
Mais à sa manière… A distance… Sans effusion, sans mouchoirs.
Il est comme ça Manu.
Il se dirige vers Gilles et marche à ses côtés.
Gilles tourne la tête et le regarde.
Il comprend qu’il était là et qu’il à tout vu.
Dans un silence ils se sourient tendrement.

Ils avancent ensemble.
Les nuages se dispersent et un rayon de soleil illumine la place de la gare.
Ils avancent ensemble.
Gilles est dorénavant l’ami intime de Manu.
Ils avancent ensemble.
Gilles décide d’avancer avec lui.
Jusqu’au bout il le suivra.
Le temps joue contre eux car la maladie avance aussi.
Manu sait qu’il peut compter sur Gilles jusqu’au bout.
Car Gilles ne laissera jamais tomber Manu.
Ils avancent ensemble.
Sur la place, une jeune fille joue du violon, un chapeau retourné est posé à ses pieds dans lequel les passants jettent quelques pièces.
Ils avancent ensemble et se mettent à chantonner légèrement.
Ils ont le sourire au coin des lèvres.
Ils se prennent la main.

Il y'a une bulle d'oxygène qui éclatent en eux...
Ils comprennent, ils respirent...
Ils feront face ensemble...
Longtemps...
Toujours...


A suivre...

1 Comments:

Anonymous Anonyme said...

SHA.....le Douglas Sirk de la toile....

3:43 PM  

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