18 avril 2007

Sur le Trajet (chapître neuvième)

Les semaines se suivent et ne se ressemblent pas dans le petit appartement de Manu, rue du Dauphiné dans le 3è arrondissement de Lyon.
Petite rue magique où les commerçants nombreux se côtoient toujours dans une bonne humeur égale. La rue jouxte une grande avenue en travaux de rénovation, ce qui fait qu’il y’a souvent beaucoup d’agitation diurne dans ce quartier.
Cependant, quand vient la nuit, le sommeil de Gilles est toujours des plus doux dans les bras de Manu.
Toujours ce besoin inextinguible de sentir sa peau contre la sienne.
Elle est douce sa peau, toujours légèrement chaude, comme une petite fièvre qui ferait corps avec lui à chaque instant de vie.

Manu présente, un soir, Eric à Gilles.
Eric est parisien et est le véritable locataire de l’appart de la rue du Dauphiné. Simplement, Eric devant partir travailler à Paris à préféré sous-louer son appartement à Manu et Sylvie. Tout cela n’est pas très conventionnel, mais ce n’est pas les conventions qui étouffent tout ce beau monde dans la fin des années 80.
Eric donc est un petit bonhomme rigolo. Plus âgé que Manu, il apparaît tout d’abord comme quelqu’un de très hautain, voir méprisant. Mais très vite Gilles se rend compte que ce n’est qu’un petit masque qui tombe très vite lorsqu’il se sent en confiance et découvre finalement une vraie douceur intrinsèque et une vraie personnalité forte et cultivée.
En effet il est journaliste et critique littéraire au « Monde ». Donc pas n’importe quoi se dit Gilles, il est d’ailleurs très impressionné. Il dirige également plusieurs rubriques dans le premier journal gay fondé au début des années 80 « Gai-Pied Hebdo ». Un journal révolutionnaire en son temps et Eric à bien en lui également ce même esprit frondeur et bouillonnant.
C’est encore et toujours la lutte pour les discriminations sexuelles en cette année 87, et Gilles sait déjà que la route sera encore longue pour que l’homophobie soit enfin enrayée.
D’ailleurs il n’est pas certain qu’elle le soit un jour.
De fait il s’intéresse de près à la petite vie d’Eric et le questionne sur toutes sortes de choses, et notamment sur la vie Parisienne que Gilles ne connaît toujours pas.
Manu d’un regard amusé suit les conversations de Gilles et Eric et semble très content que, décidément, Gilles s’entende bien avec tout le monde.

Mais il est comme ça à cette époque. Le fait d’être bien avec lui-même, d’être dans une phase de découverte de soi et de nouveaux rapports aux autres, font de Gilles un vampire de connaissances nouvelles. Une sangsue à la nouvelle personne qui va lui être présentée, pour peu qu’elle l’intéresse humainement parlant au préalable bien entendu.
Gilles n’aime pas, très vite, d’autres personnes bien sur.
Des gens rencontrés dans le milieu gay lorsqu’il sort avec Manu.
Certains sont glaçants, cassants, provocants, agaçants. Mais Manu fait très attention à Gilles et prends bien soin de le mettre en garde contre certains qui ne semblent pas très nets et qui semblent prendre du plaisir à pratiquer le mensonge pour blesser les plus fragiles.
« Juste pour rire » comme ils disent…

Gilles à la chance lui, d’avoir rencontré la bonne personne, celle qui lui a permis d’avancer.
Depuis plusieurs semaines, la vie de Gilles semble changer du tout au tout.
Lui d’habitude timide et en retrait, devient plus sur, plus mordant.
Lui d’habitude toujours en noir, ose des couleurs, des formes plus amples.
Lui d’habitude toujours dans le silence dans les classes, devient plus intervenant, entreprenant.
Enfin, lui si solitaire, se retrouve au milieu de la multitude et adore s’y noyer et garder une part de chacun.

Voilà presque 4 mois que cette histoire à commencé.
Nous sommes aux alentours de mi-mars. L’hiver est très froid et les couvertures sont bien épaisses lorsque Gilles et Manu s’endorment au creux de l’un ou de l’autre.
Le souffle de Manu est régulier et Gilles n’aime rien de mieux que de regarder dormir celui qu’il aime.
C’est dans cet abandon de sommeil que l’on prend conscience de la confiance que l’on donne à l’autre.
Car l’on est fragile à cet instant, un peu comme à la merci de l’autre.
Mais Gilles se contente de caresser les cheveux blonds de son p’tit amour pendant son sommeil, il se nourrit de son souffle et écoutant attentivement la régularité de sa respiration.
Cette douceur qui, petit à petit le berce.
Il étend la main pour éteindre la petite lampe rouge, effleure des ses lèvres le front de Manu et se laisse envahir pas un sommeil réparateur.
Juste avant de partir dans le monde des rêves, il se dit qu’il est heureux ici et maintenant.
Puis un sourire et il s’endort.
Il ne sait pas que là, juste à côté, quelque chose change dans le corps de Manu…


A suivre...