31 mai 2007

Sur le Trajet (chapître trente huitième)

Les derniers invités partent aux alentours des 4 heures et Sylvie va dormir chez Rachel. On dirait qu’elle à compris qu’il fallait laisser l’appartement libre aux garçons ce soir.
Ils terminent tous les trois de débarrasser les assiettes et laissent le tout dans l’évier.
La vaisselle ce sera pour demain.
Les trois garçons se rendent dans la chambre et Gilles s’allonge après s’être déshabillé. Il conserve un sous-vêtement.
Manu et David en font autant et s’allongent à leur tour.
Manu est au milieu.
David pose la main sur la poitrine de Manu.
Gilles pose la main sur la main de David.
Manu prends les mains qui sont sur sa poitrine dans la sienne.
Puis il tourne la tête vers Gilles et l’embrasse.
Gilles sait que c’est la dernière fois qu’il fait l’amour avec Manu.
Et Manu sait qu’il le sait.
La présence de David ne les gêne pas.
Au contraire, lorsqu’ils auront terminés de faire l’amour, cela rendra la séparation des corps moins douloureuse, car moins conventionnelle.
Tandis que Manu et Gilles continuent de s’embrasser, David dénude totalement Gilles.
Il commence à lui prodiguer des caresses qui ont pour effet immédiat une excitation des plus tendues.
La langue de David est chaude.
Son corps tout autant.

Les trois garçons restent nus lorsqu’ils ont terminés de faire l’amour.
Ils se mettent sous les draps et s’endorment doucement.
C’est Gilles qui est au milieu maintenant.
Et il se sent bien entre les deux autres garçons.
Il sent le souffle de David sur son épaule et les battements de cœur de Manu contre ses phalanges.
Sa peau est toujours laiteuse, presque transparente.
Le corps est un peu amaigri semble t’il à Gilles.
Celui de David est plus costaud pourtant, et la peau plus colorée.
Juste avant de s’endormir, David chuchote un « merci » à l’oreille de Gilles. En guise de réponse, ce dernier l’embrasse tendrement sur le front.
Enfin le silence se fait.
Les trois respirations deviennent harmonieuses et régulières.

Il est presque 13h quand Gilles ouvre un œil. Il se lève doucement et prends le combiné téléphonique pour appeler Madame Mère afin de la rassurer.
Celle-ci ne s’inquiétait pas. Néanmoins elle dit n’en plus pouvoir des appels répétés de Fabrizzio qui semble très étonné que Gilles ne soit pas levé à cette heure-ci.
En effet, Madame mère à menti et ne lui a pas dit que Gilles avait découché.
Gilles lui en est reconnaissant, car il n’aurait pas voulu affronter une crise au téléphone.
Ainsi il pourra garder secrète cette dernière nuit avec Manu.
Elle sera juste à lui.
En raccrochant il rappelle donc Fabrizzio qui était certainement dans l’attente de son appel au vu de la rapidité avec laquelle il décroche :

« Allo ?
- Salut Fabrizzio, c’est moi…
- Enfin !!
- Désolé mais la soirée s’est terminée tard et l’on m’a ramené en voiture vers 6h ce matin.
- Effectivement, c’était plutôt une longue soirée.
- Oui, dit Gilles, une très longue et très belle soirée…
- Et il te voulait quoi alors ton ex ?
- Rien… Juste s’assurer que nous pouvions rester amis.
- Tu l’as envoyé se faire foutre j’imagine ? Après ce qu’il t’a fait !!
- Non pas du tout. On s’est expliqué. Il a fait ce qu’il avait à faire et il voulait surtout me protéger de plein de choses…
- Comme quoi ?
- Des choses qui ne concernent que lui et moi ! Bon tu voulais quoi en m’appelant ce matin 3 fois de suite ?
- Juste te parler et savoir quand nous allions pouvoir nous voir.
- Je ne sais pas encore. Je te rappelle plus tard.
- Tu n’as plus envie de me voir ?
- Mais si !!! Mais pas dans l’instant !! Allez, à plus !!
- Gilles ?
- Quoi ?
- Tu me manques…
- …
- Vraiment, tu me manques beaucoup ! insiste Fabrizzio.
- C’est gentil de dire ça. Moi aussi j’ai pas mal pensé à toi ces derniers jours. Allez, je te tel en fin d’après-midi pour voir si l’on peut se voir ce soir.
- Promis hein ?
- Oui, promis !! »


En raccrochant, Gilles se dit qu’il à eu de la chance que le subterfuge fonctionne, sans l’intervention de Madame Mère cela aurait été plus compliqué que ça.
Au moment où il est dans ses pensées, David fait son apparition.
Il donne à Gilles un merveilleux sourire qui illumine d’emblée cette nouvelle journée.
Ce dimanche 3 juillet 87 pas comme les autres s’annonce chaud car la luminosité qui pénètre par les fenêtres augure une chaleur extérieure assez terrible.
David est toujours nu.
Il reste planté devant Gilles sans bouger avec un sourire malicieux.
Gilles fait courir sa main le long des cuisses de David, glisse entre ses jambes.
Il le renverse sur la table et l’embrasse sur chaque centimètre carré de peau. Sa langue glisse sur la peau légèrement salée de son bas-ventre. David commence à se masturber.
Il n’ya plus de préservatifs, et ils ne peuvent pas en faire davantage, mais la sensualité de l’instant, la chaleur du dehors et le silence du dimanche après-midi font de cet échange un moment privilégié.
David jouit doucement tandis que Gilles l’embrasse au même moment.
Ils se regardent, et les yeux de David sont légèrement humides.
Il dit à Gilles qu’il comprend mieux maintenant pourquoi Manu lui avait parlé de lui dans de tels propos.

Gilles emmène David sous la douche.
Il le lave avec précaution, lui masse les épaules et le dos.
Manu arrive sur ces entrefaites.
Il sourit devant le tableau qui s’offre à lui.
Il entre aussi sous la douche et Gilles lui prodigue les mêmes soins.
Puis c’est aux deux garçons de masser Gilles et de le laver.
Une fois secs, les trois amants d’un jour se rhabillent.
Manu met de la musique.
Il choisit Jane Birkin.
Gilles le regarde dans les yeux.
Il se souvient d’une chanson, il y’a quelques mois.
Ils terminent ensemble la vaisselle de la veille et prennent un petit déjeuner à la fenêtre, sous le soleil d’été.

Manu veut sortir le soir dans un bar gay.
Il veut faire connaître le milieu de la nuit à David.

« On y va tous les trois en semble ? demande David.
- Pourquoi pas ! dit Manu. Tu veux venir avec nous Gilles ? »


Gilles regarde les deux garçons tour à tour.
Ils semblent avoir vraiment envie qu’il vienne avec eux.

« Bien sur que je viens… Je ne vais pas vous lâcher comme ça ! Je vais rentrer me changer et je repasse vous prendre vers 19h ? Ca ira ?
- Impec mon poulet, dit Manu dans un sourire »


David est ravi aussi.
Gilles les embrasse tous les deux et prend congé.
Dans la rue, il marche tranquillement, l’esprit léger.
Il se dit qu’il va falloir appeler Fabrizzio pour lui dire que ce soir il ne pourra pas le voir non plus.
Il se dit qu’il va encore en faire un drame.
Il se dit qu’il s’en fout. Ils ne sont pas ensemble de toute façon et il fait encore ce qu’il veut de sa vie.

Il ne sait pas qu’il se trompe…


A suivre...

30 mai 2007

Sur le Trajet (chapître trente septième)

Quelques instants après, Gilles apprend par Manu que les retrouvailles avec ses parents se sont mal passées.
Il est d’ors-et-déjà certain de ne plus les revoir avant la fin.
Alors Gilles écoute abasourdi Manu lui raconter son arrivée chez eux le surlendemain de son départ de Lyon.

Il était arrivé la veille à Nantes vers les 5 heures du matin. Il était attendu par son frère.
Ce frère dont il n’a pas souvent de nouvelles, mais qui demeure, malgré tout, assez proche de lui. Même s’ils n’ont pas la même vie, ce frère prénommé Loïc, ne l’a jamais jugé sur ses orientations sexuelles, ses dérives, ses chutes…
Loïc était donc là ce fameux lundi matin.
Il a pris Manu dans sa voiture pour l’emmener dans son petit appartement du centre ville. Manu s’était recouché en arrivant pour ne se réveiller que très tard dans l’après-midi.
Ainsi en avait-il profiter pour parler avec son frère de leurs parents, de la vie à Nantes, du temps qui a passé trop vite sans doute et des fossés qui s’élargissent si on laisse faire la vie sans intervenir.
Ils avaient passés leur soirée tous les deux à reparler de leur enfance, puis de l’adolescence, puis du départ de Manu, départ forcé, mais départ quand même.
Loïc regrette bien sur l’attitude du père et la faiblesse de la mère.
Mais il n’avait que 15 ans à peine lorsque les parents ont chassés Manu. Que pouvait-il faire ? Il a pleuré longtemps et dès qu’il a pu il a recontacté ce frère qui lui manquait tant.
Puis une fois de plus le temps et les distances ont fait leur œuvre, et les jours passant, les contacts se firent plus rares, jusqu’aux limites de l’oubli qu’ils n’ont heureusement jamais franchis.
Loïc est donc resté à Nantes et à pris son indépendance rapidement.
Il voit plus souvent ses parents bien sur, mais uniquement le week-end, pour un déjeuner ou un diner.
Ca reste très sporadique. Et ça lui convient très bien.
Et sans doute qu’à eux aussi qui, finalement, n’ont jamais vraiment développer d’instincts parentaux très étendus.
Toujours est-il qu’aujourd’hui ils vivent seuls dans leur petit pavillon au sortir de la ville.
Un peu en retrait d’une nationale passante, ils cultivent leur petit potager et passent leurs journées entre jardinage, cuisine, vaisselle et télévision.
La plupart du temps dans un silence devenu quasi habituel.
Comme si le moindre bruit, la moindre parole pouvait bouleverser un quotidien devenu tellement terne, qu’un simple mot pouvait le raviver un court instant.
Panser les maux par des mots ; voilà ce que n’ont jamais su faire les parents de Loïc et Manu.
Les deux garçons, finalement, ont eu de la chance de ne pas rester avec leurs parents.

C’est à cette conclusion qu’ils en arrivent lorsque ce lundi de juin 87, Manu dine chez Loïc avant d’aller rendre visite, dès le lendemain, à ses tristes géniteurs.

La visite fut de courte durée comme l’apprend Gilles. Lorsque son père à ouvert la porte, il l’a fait rentrer sans un mot. La mère était en cuisine. En le voyant elle s’est mise à pleurer en le prenant dans ses bras pour lui dire bonjour.
Manu était froid.
Ils se sont assis autour de la table de la cuisine.
Ils n’ont rien proposé à Manu. ; ni à boire, ni à manger.
Manu leur a simplement dévoiler un bout de vie, sa maladie, sa mort prochaine.
Le père à simplement dit que si c’était ainsi c’est qu’il l’avait bien cherché.
La mère à simplement pleuré et secoué la tête dans son mouchoir blanc.
Manu s’est simplement levé pour aller l’embrasser sur le front une dernière fois.
Et devant le silence infâme, il s’est retourné pour franchir la porte de la maison.
Une dernière fois.
Manu ne reverrait plus jamais ses parents jusqu’à leur mort ou jusqu’à la sienne.
C’est comme ça, c’est vraiment la fin de l’enfance, la mort des jours anciens.
Il a versé des larmes en partant de chez eux et en revenant chez Loïc.
Ce dernier ne s’attendait pas à des miracles, mais aurais espéré une attitude un peu plus humaine de la part du père.
De l’eau avait coulé sous les ponts. Mais visiblement pas assez.

Manu est resté une dizaine de jours chez Loïc pour renouer une vraie relation avec ce frère qu’il aime malgré tout. Et ces dix jours furent la meilleure chose qui lui soit arrivé durant ce voyage.
Ils se sont promis de ne pas se perdre de nouveau.
Cette fois-ci ils sont grands, ils ont fait leur chemin.
S’ils se sont retrouvés, alors c’est qu’ils ne doivent plus se perdre.
C’est cette promesse qu’ils se sont faîte quand Manu est parti de chez Loïc pour aller rendre visite à des anciens amis de la région un peu perdus de vue aussi.

Il a revu Michel, un ancien amant du temps des conneries de jeunesse. Un mec qui est devenu un peu obèse mais qui s’amuse beaucoup et fait beaucoup la fête. Il à presque 40 ans. Et comme à l’époque où Manu l’avait connu, Michel est resté très attiré par les garçons plus jeunes que lui.
C’est chez lui que Manu rencontre David avec qui il va nouer une petite relation durant son séjour nantais.
C’était un soir ou Michel avait invité plusieurs garçons dont l’âge variait de 19 à 25 ans.
Une sorte de soirée ou entre alcool et drogue, les garçons se dénudent et finissent inlassablement par faire l’amour entre eux devant Michel, qui, tout voyeur qu’il est, se régale à chaque instant de cet étalage de jeune peau glabre.
Manu, qui à donc presque 26 ans à fait un peu l’amour avec David devant Michel. Puis l’un et l’autre se sont bien plus et ont décidés de se revoir. Et lors d’une autre soirée alcoolisée, Manu lui a raconté sa vie, ses amis, ses derniers mois, sa rencontre avec Gilles, sa fuite, son retour à son passé, son échec et son prochain départ pour retrouver Lyon.
Manu et David sont restés vivre chez Michel pendant presque 3 semaines et un jour Manu à décidé de rentrer à Lyon. Comme ça, sur un coup de tête.
Il avait rêvé de Gilles dans la nuit et en avait parlé à David. Ce dernier lui a proposé de l’accompagner car il voulait connaître la ville et faire connaissance de ses amis et surtout de Gilles.

Et voilà comment ils se retrouvent donc ici, ce jour, à cet instant précis.
Il est presque 20h30, et Manu n’a pratiquement pas arrêté de parler.
Gilles n’en reviens pas de l’attitude si distante, voire haineuse des parents de Manu.
Il est néanmoins content que son frère soit plus ouvert.

David revient à cet instant, avec quelques bouteilles dans les mains.
Gilles s’aperçoit qu’il est venu les mains vides et décide d’aller acheter aussi de quoi boire.
Tandis que Manu se remet à sa vaisselle, David dépose les bouteilles sur la table.
Il fait un rapide bisou à Manu et propose à Gilles de l’accompagner au magasin, il à oublié quelque chose.
Gilles accepte sa compagnie. Après tout, David à fait tout ses kilomètres aussi pour le connaître.
Ils se retrouvent tous les deux à marcher dans la rue.
David ralentit le pas :

« Pas trop éprouvant ces retrouvailles après un mois de séparation ?
- Si, quand même pas mal. Mais ça va mieux. On s’est dit beaucoup de choses, on a éclairci les points d’ombres. Presque deux heures qu’on parle sans discontinuer… A propos, merci de t’être éclipsé.
- De rien, de toute façon on avait décidé ça avec Manu. Il voulait rester seul avec toi. C’est mieux comme ça. Je suis bien content que vous soyez restés en bons termes. Mais vu ce que m’avait dit Manu sur la force de tes sentiments, je pensais bien que tu n’allais pas lui en vouloir de sa fuite.
- Non, c’est vrai. Mais il t’a vraiment raconté les choses en détails là-bas, à Nantes ?
- Avec pas mal de détails oui, dit David, des détails émouvants. Des attitudes qui l’ont marqué, des gestes, des tendresses, et l’abnégation dont tu fais preuve et ton courage face à sa maladie.
- Et toi tu en penses quoi David ? Il parait que tu avais envie de me connaître…
- Oui, car je n’ai pas trouvé à Nantes de personnes comme toi, à qui j’ai le courage de dire ce que je suis et qui m’accepte tel quel, alors que j’ai à peine 19 ans…
- Comment ça ? Que veux-tu dire ? »


Gilles voit alors le jeune garçon, qui a le même âge que lui, fondre en larmes en plein milieu du trottoir.
Ce dernier arrive cependant à répondre entre deux sanglots :

« Un mec de mon âge, si jeune, avec le sida… Je suis séropositif depuis mes 17ans… Mon Sida est déclaré depuis moins d’une semaine… J’ai tellement peur »

Gilles n’oubliera jamais le regard de ce jeune homme ce jour là.
Un regard que la somme de toutes les peurs rendait étonnamment lucide…
Etonnamment mature…
Etonnamment résigné…

Gilles ne sait pas pourquoi il s’approche de David à cet instant et dépose un baiser sur ses lèvres.
C’est plus fort que lui. Il a éprouvé ce besoin irrépressible.
David reste muet.
Ses pleurs s’atténuent.
Gilles le prend par la main :

« Viens ! Le magasin va être fermé si on ne se presse pas ! »

David sourit en séchant ses larmes.
Gilles sourit en le trainant derrière lui.
Manu sourit en ouvrant la porte aux premiers invités qui arrivent.
La rue du Dauphiné retrouve, le temps d’un soir, les fastes d’avant et les rires résonnent dans la petite cour intérieure par le biais des fenêtres ouvertes.
Biquet et Jean-Yves sont heureux de revoir Manu et Gilles.
Isabelle et Amar sont resplendissants.
Sylvie aussi. Elle est avec Rachel sa nouvelle conquête.

Gilles regarde Manu
Manu regarde David.
David regarde Gilles.
Tout trois savent très bien comment la nuit va se poursuivre.
Tout trois savent très bien, que cette nuit, ils ne feront qu’un…


A suivre...

Sur le Trajet (chapître trente sixième)

David apparaît d’emblée sympathique à Gilles qui à pourtant du mal à lui rendre son sourire. Néanmoins il fait un effort surhumain pour en donner une esquisse.
Il pénètre dans l’appartement et se dirige vers la cuisine d’où lui parviennent des bruits de vaisselle.
Manu est là, devant l’évier en train de laver divers ustensiles dont il s’est servi pour préparer divers plat pour la soirée.
Quand leurs deux regards se croisent, après plus d’un mois d’absence d’iris, les yeux se fixent et les pupilles s’agitent de bas en haut.
Les corps restent tendus, comme paralysés, suspendus dans un espace limité.
Entre quatre murs plus trop blancs qui furent, pendant plusieurs mois, les témoins de leur amour.
Il y’a quelques mois, Gilles se souvient de l’amour brut qu’ils firent à même la table dans cette même cuisine. C’est comme un flash qui revient.
On ne sait pourquoi.
Gilles se demande même si Manu à le même en cet instant tandis que leurs regards respectifs se dirigent au même moment vers la fameuse table.

David, le nouveau venu, sent la tension dans l’air et préfère s’éclipser en prétextant aller acheter du vin pour ce soir.
Le silence demeure jusqu’à ce qu’il parte.
Manu et Gilles s’approchent.
Les yeux des deux garçons brillent.
Les cœurs battent.
Les visions se troublent.
Ils sont maintenant l’un devant l’autre.
Si près qu’ils peuvent sentir leurs souffles.
Ils se prennent dans les bras et se serrent tellement fort qu’ils en ont mal.
Un mal pour le bien de se retrouver, le bien de tuer enfin ce manque qui était là, tapis dans les méandres de l’esprit.
Gilles laisse aller ses larmes.
Doucement, tout doucement… Pas de hoquets violents, juste les muscles qui se tendent et les joues qui se strient.
Gilles devine à la cadence de son souffle, que Manu aussi lâche sa peine d’être partie et sa joie d’être de retour.
Les deux garçons restent enlacés inlassablement, le temps semble s’être arrêté.
Plus rien n’existe alentour.
Les amants se sont retrouvés… Enfin !

Mais il n’est plus question d’amants n’est-ce pas ?
C’est la réflexion que se fait Gilles en même temps qu’il desserre son étreinte pour rentrer dans le vif du sujet.
Après tout, il est là pour ça :

« David est ton nouveau mec si j’ai bien compris ?
- Je l’ai rencontré à Nantes. Tu sais comme je suis. Je ne peux pas m’empêcher de séduire. Il était là. Il m’a écouté. Je lui ai tout raconté un soir de beuverie. Il te connaît par cœur. Il sait qui tu es pour moi, ce que tu représentes…
- Et qu’est-ce que je représente exactement aujourd’hui ? demande Gilles.
- Tu représentes ce qu’il y’a de plus important pour moi. Je n’ai jamais aimé quelqu’un comme toi. Et certainement, je t’aime encore. Mais je ne veux plus de notre histoire car je veux partir seul lorsque le moment sera venu. Je ne veux pas t’entraîner dans ma mort. Je veux te mettre derrière une barrière pour que tu ne glisses pas avec moi. J’ai été malade de nouveau à Nantes. Les choses vont empirer Gilles. Et je ne veux pas être accompagné au bout. Je veux y aller seul !
- David le sait ?
- Oui. Mais David ce n’est qu’un passage. Il le sait. Il est juste venu ici pour une semaine. Connaître le coin, et connaître un peu de ces gens dont je lui ai parlé souvent depuis deux semaines. On s’est rencontrés à une soirée, j’ai logé chez lui la plupart du temps. On baise de temps en temps, mais c’est plus un ami-amant. Quelqu’un qui passe. Quelqu’un qui part. Mais pas quelqu’un qui reste. Pas comme toi. Toi tu es resté en moi pendant toute cette absence. Gilles, je t’assure que tu reste pour moi l’essentiel de tout ce qui fait ce que je suis aujourd’hui. Je veux simplement que tu te détaches de moi, que tu construises une autre histoire. Pour autant, je n’ai pas envie de te perdre complètement. J’ai envie de continuer à te voir. D’une autre manière… D’une autre façon… Je ne sais pas si tu me comprends…
- Si Manu, je te comprends. Je sais que tu veux me protéger. Ca me touche beaucoup. En fait je vais rester un ami, un confident en quelque sorte ? Quelqu’un de proche avec qui tu pourras partager tes doutes, tes peurs, tes joies…
- Oui, quelqu’un qui compte vraiment !
- Pour autant, j’assisterai donc à ta chute si tout doit empirer. Je ne vois pas ce que ça change !!
- Si tu n’es pas seul… Si tu as un mec dans ta vie, cela sera moins dur à gérer que si tu me perdais alors que nous sommes ensemble. Je ne veux pas. Mais si tu ne te sens pas capable de rester cet ami que je souhaite, je comprendrai bien sur. Je ne t’en voudrai pas. C’est simplement que les choses seront plus faciles pour moi si je te sais là, pas loin, et surtout si je te sais accompagné… Je crois avoir compris que tu avais fait une rencontre la semaine dernière ?
- Sylvie t’en a parlé ? Oui… C’est quelque chose qui se profile pour l’instant. Rien encore de sûr. La personnalité est un peu trouble. J’ai besoin d’y voir plus clair.
- Très bien, dit Manu. Il faut surtout que tu prennes ton temps, que tu ne te précipites pas. Je sais que je t’ai fait du mal et je m’en veux suffisamment comme ça, sans qu’en plus tu te mettes en danger pour me chasser de ton esprit. Je sais que je suis ta première histoire d’amour et que j’ai compté pour toi, tout comme je continue à compter maintenant. Et je suis vraiment heureux d’avoir été ton premier amour. En général on ne l’oublie pas celui-là. Ca me rassure de savoir que pendant longtemps, très longtemps certainement après que je ne sois plus là, je serai encore dans les pensées de quelqu’un, en l’occurrence dans les tiennes pour toujours.
- Arrête de parler comme ça, je vais recommencer à pleurer… Mais, je crois que tu as raison. Tu resteras pour toujours en moi. Caché dans un tiroir secret. Personne ne t’effacera. Alors oui, Manu ! Oui je reste bien sur avec toi. Comment pourrais-je faire autrement ? Je te promets d’être là et je te promets que je me protégerais. Je te promets de n’être pas seul le jour ou… »


Gille ne finit pas sa phrase qui se meurt dans un murmure. Manu l’entoure de nouveau de ses bras. Cette fois-ci Gilles pleure de nouveau, mais d’une façon plus violente. Sa poitrine sursaute avec violence.
Manu lui, le serre, le serre, le serre…
Il ne pleure pas.
Il pense à cet instant qu’il à de la chance d’avoir rencontré ce garçon.
Tout comme lui restera pour Gilles sa première belle rencontre, Gilles restera pour lui, sa dernière belle rencontre.
Certainement sa dernière, car plus les jours passent, plus il se sent faible.
Il a peur Manu.
Alors il serre Gilles.

Encore…
Encore…
Encore…


A suivre...

29 mai 2007

Sur le Trajet (chapître trente cinquième)

Gilles reprend doucement ses esprits en buvant un thé brulant.
Son cœur bat toujours la chamade à tout rompre.
Manu est revenu. Il veut le voir. Gilles se sent comme sur un nuage. Même s’il ne sait pas pourquoi Manu veut le voir, le fait de pouvoir de nouveau l’avoir en face de lui, le toucher après plus d’un mois, ça le fait décoller complètement.
Il ne pense même pas à Fabrizzio tant la nouvelle est inattendue.
De toute façon il ne devait pas appeler avant que Gilles ne le fasse d’abord. Aussi il attendra son tour. Il est clair qu’aujourd’hui, la priorité est Manu, juste Manu.
Gilles termine donc son petit déjeuner et compose le numéro de téléphone qui le met en relation avec la rue du Dauphiné.
Comme au premier lendemain de leur rencontre, l’attente de ce serpentin téléphonique est trop longue. Mais aujourd’hui, l’attente est, en plus, des plus savoureuses. Juste à l’idée d’entendre le timbre de sa voix légèrement cassé, une voix chaude et grave.

« Allo ?
- c’est moi…
- Salut toi… Comment vas-tu depuis le temps ?
- Bien… C’est surtout à toi qu’il faut demander ça !
- Ca peut aller mon grand… Tu m’en veux pour ce que je t’ai fait ?
- Au début j’ai eu du mal. Biquet et Jean-Yves m’ont bien aidé. Puis j’ai compris que tu avais certainement des choses à régler… Ailleurs. Non je ne t’en veux pas. J’avais tellement d’amour pour toi que je ne pouvais pas te détester…
- Je comprends très bien. Moi aussi cet amour pour toi m’a terrassé. J’ai du partir pour ne pas te voir souffrir après et…
- Tu aurais pu m’en parler ! Tu as pris une décision pour moi, et je suis assez grand pour les prendre moi-même. Je t’ai toujours dit que j’irais au bout avec toi. C’est toi qui à décidé de ne pas faire le chemin. Pour me protéger, peut-être, mais je me suis senti en tous cas bien mis à l’écart.
- Je te demande pardon… Tu sais j’agis toujours sur des coups de tête, je suis comme ça. Je ne vais pas changer maintenant. »


Un petit silence s’installe ou l’on entend juste le bruit mêlé des deux respirations. Elles sont saccadées, comme prête à se sauter l’une sur l’autre, à traverser l’espace pour se rejoindre et entrer en communion.
Manu reprend :

« Tu peux venir ce soir ? J’ai invité Biquet, Jean-Yves, Isabelle et Amar. Sylvie sera la aussi bien entendu… J’ai des choses à vous expliquer. Avec toi aussi je veux éclaircir des points. Le manque de toi à été énorme les premiers jours, je voudrais qu’on parle de tout ça…
- Bien sur que je serai là ! J’attends ce moment depuis tellement longtemps !
- D’accord alors. Soit là vers 21h00. Il y’aura de quoi boire et manger.
- Ok… Je crois que je vais passer la journée la plus longue de ma vie en attendant ce moment…
- Oui… moi aussi…. Ecoute, viens plutôt vers 19h00, avant les autres pour qu’on ait du temps tous les deux.
- D’accord Manu, je serai là avant les autres… A ce soir
- Je t’embrasse fort. »


Gilles raccroche et reste dans sa rêverie pendant de longues minutes.
Que veut lui dire Manu ?
Pourquoi ce retour et cette soirée ?
Mais il est en même temps complètement excité à l’idée de le revoir puis de revivre une soirée avec tout ces gens qu’il fréquente assidûment depuis plus de 6 mois maintenant.
Gilles vogue entre deux sentiments étranges : l’inquiétude et la sérénité.
Deux sentiments antinomiques et pourtant si proches parfois.
Tout ça en fonction des crises de l’âme, des affres de la pensée, des tourbillons de la vie.

Le téléphone sonne quelques minutes plus tard et Gilles décroche machinalement :

« Oui ?
- ah ben ça y’est, t’es réveillé ?
- Fabrizzio ?
- Ben oui, qui veut tu que ce sois ? Ta mère t’a pas passé mon message ?
- Si, si… Mais je suis levé depuis peu. Puis ne devais-je pas t’appeler en premier ?
- Je me souviens plus mais peu importe maintenant. Tes épreuves sont finies et François est reparti hier soir…
- Comment ça s’est passé entre vous ? demande Gilles.
- Comme d’hab ! Rien à dire. C’est pas important de toute façon. L’important c’est toi ! Tu te ramènes à l’appart ce soir ?
- Mmh… Non, ce soir je suis déjà pris.
- Tu fais quoi ?
- …
- Alors ? Tu fais quoi ? s’impatiente Fabrizzio.
- Manu est rentré, il fait une soirée ce soir et souhaite me voir…
- Ah oui ? Et toi tu accoures comme un petit chien dès qu’il sonne la cloche de son retour ?
- Non je n’accoure pas, sinon je serai déjà chez lui en ce moment pour tout te dire !
- Qu’est-ce qu’il te veut ??
- Je sais pas. Me parler… On sera plusieurs, avec ses amis également !!
- Alors tu viens après !
- Non ça va durer tard. On me raccompagnera en voiture chez moi je pense !
- Oui… ou tu peux dormir là-bas si ça te chante ! Je m’en tape !!! »


Bip…bip…

Une fois de plus Fabrizzio à raccroché violemment, et Gilles se retrouve une nouvelle fois déconcerté à l’autre bout du fil…
Tant pis ! Gilles décide de ne pas rappeler. Il le laisse se calmer et reprendre ses esprits.
Il le rappellera demain…
Peut-être…
Gilles ne sait pas quoi faire pour faire passer le temps plus vite. Il décide de se mettre devant un bon film. Il pioche dans sa vidéothèque et il opte pour regarder pour la millième fois « Le Roman de Mildred Pierce ». Un de ses films noirs américains favoris. Joan Crawford est absolument sublime dans le rôle d’une femme d’affaire qui va se retrouver confrontée à un crime.
C’est du pur diamant noir, comme les aime Gilles.
Il n’est pas loin de 13h00 et Gilles se prépare une salade de crudités.
Il s’installe devant la télé et lance le film.
Comme à chaque fois, il ne voit pas le temps passer et se retrouve avec le mot ‘FIN’ sur l’écran en ayant été complètement happé par cette histoire bouleversante.

Il est 15h00 passées et Gilles à encore 4 heures à tuer.
Il s’allonge sur son lit car il à les yeux un peu lourd.
Il s’endort dans les cinq minutes qui suivent.
Il rouvre les yeux en grand subitement.
Il vient de dormir deux heures.
Il se lève tandis que ces parents sont rentrés.
Il leur annonce que Manu est revenu et qu’il doit passer la soirée chez lui.
Madame mère lui lance un petit regard qui veut tout dire, qu’il faut qu’il se protège, qu’il ne retombe pas dans ses bras ce soir.
Gilles le sait.
Mais Gilles n’est pas sur de résister si Manu le reprend dans ses bras.
Pourtant, une petite voix, au fond de son esprit, lui murmure que cela ne sera pas le cas !!
Que cela ne sera plus le cas… comme avant !
Gilles s’en fout.
Ce soir il revoit Manu.

Fin prêt, à 18h30 il se dirige vers l’arrêt du bus qui le conduit sur le trajet de l’appart de Manu.
Dans le bus Gilles à la tête ailleurs.
Il est en train de flotter dans une mer ouatée, les sons lui parviennent assourdis.
Aussi met-il son walk-man sur ses oreilles et enclenche la lecture.
‘Dépêche Mode’ investit ses tympans et Gilles se laisse porter par la musique.
Il descend à l’arrêt ‘Manufacture des Tabacs’ et finit le trajet à pieds.
Il pousse la porte de l’allée du 49 rue du Dauphiné.
Il traverse la petite cour intérieur jusqu’à l’escalier bis.
Il monte les 2 étages.
Il est 19h00 précises et Gilles frappe à la porte avec le petit heurtoir de cuivre.

Tatum… Tatum… Tatum !!!
Le bruit de son cœur…
La porte s’ouvre sur un inconnu aux cheveux chatains

« Bonjour… Je suis David, l’ami de Manu… Je suppose que tu es Gilles ? »

Dès lors, le bruit du cœur de Gilles se suspend …
Il avance d’un pas …


A suivre...

Sur le Trajet (chapître trente quatrième)

Durant les jours qui suivent, Gilles se met au travail et plonge littéralement dans les dernières révisions.
Les dernières épreuves s’approchent de plus en plus.
Il se sent serein par rapport à tout ça et les derniers bouleversements dans sa vie lui servent de tremplin pour aller de l’avant. Il n’en revient pas de trouver l’énergie et la concentration pour aller au bout de cette année scolaire.
Cela le rend plus fort, étrangement.
Depuis trois jours il passe son temps chez lui entre le bureau et les repas avec ses parents.
Il ne met pratiquement plus le nez dehors.

Néanmoins quand il prend un peu de temps, surtout le soir au coucher, pour laisser son esprit vagabonder, c’est vers Manu, en premier lieu, que vont ses pensées.
Un mois qu’il est parti. Un mois qu’il a planté Gilles dans un gouffre de solitude, et toujours aucune nouvelles.
Gilles à d’ailleurs appelé Sylvie aujourd’hui. Elle était heureuse de l’entendre. Elle lui a confirmé qu’aucune nouvelles ne lui étaient parvenues. Elle travaille beaucoup et n’est pas souvent à l’appart. Elle préfère car d’avoir vécu à 3 plusieurs mois et se retrouver seule lui mine le moral.
Gilles et Sylvie prévoient de se voir un soir pour diner après les examens du bac.
Elle veut l’inviter à diner à l’appart.
Gilles accepte, même s’il à une boule de tristesse à l’idée de revoir l’appartement de la rue du Dauphiné.
Revoir la salle de bains, la cuisine et enfin la chambre de ses premiers émois.
Revivre le temps d’un soir les images d’avant. Imaginer Manu sur le lit, le voir faire la cuisine, le voir servir des verres de vins, le voir sourire et rire tout en captant la tendresse d’un regard furtif qu’il avait envers Gilles lors des soirées pleines d’amis présents.

Gilles parle également de Fabrizzio à Sylvie. Il lui fait part de ses sentiments par rapport à cette nouvelle rencontre. Sylvie est dans un premier temps très heureuse de voir Gilles dans une perspective de reconstruction d’une histoire avec une nouvelle personne. Cependant elle lui dit de rester prudent, car Gilles lui fait part de ses inquiétudes face à certaines réactions excessives de Fabrizzio dans certains cas de figure.
Elle lui dit que ce genre d’attitude peut révéler une véritable schizophrénie latente et qu’il vaut mieux rester prudent.
Gilles l’avait déjà bien cerné ainsi, mais de se le voir confirmé le rassure, et l’inquiète en même temps.

Pourtant, certains soirs, lorsqu’il ne pense pas à Manu, les pensées de Gilles glissent vers Fabrizzio et son regard si sombre, son corps si parfait.
Gilles commence à avoir envie de lui. Il se dit qu’il sera heureux de le revoir et il espère que ces quelques jours de séparation auront fait avancer les choses, qu’il y verra plus clair.
Peut-être sera-t-il prêt à passer à autre chose.
Repartir à la chasse aux papillons, ces papillons qu’il sent dans son ventre quand il se met à penser à son bel italien. C’est un signe qui ne trompe pas Gilles, et lorsqu’il le perçoit, il se dit qu’une ouverture est proche.
Il lui suffit juste de patienter encore un peu.
Quelques jours, juste quelques jours…

Voilà, c’est le jour J de la reprise des épreuves.
Aujourd’hui les langues étrangères et l’histoire.
Dans 2 jours les maths et la physique.
Deux jours de plein stress.
Gilles passe donc chacune des épreuves du mieux qu’il le peut. Il n’a pas trop l’impression d’être en difficultés, sauf en maths qui n’est pas sa matière préférée, loin de là.
Gilles se sent plus littéraire, mais il fait contre mauvaise fortune bon cœur. Il va au bout de l’exercice, et rend à chaque fois une copie dans les temps.
Il à mit à profit chacune des minutes à passer sur chacune des épreuves.
Deux jours plus tard, Gilles est lessivé.

Il rentre chez lui aux alentours de 18h. Madame mère à d’ors-et-déjà sorti le champagne et Monsieur père fait péter le bouchon.
Non, on ne fête pas la victoire bien entendu, mais seulement la fin des épreuves, car c’est déjà une bonne chose de faîte !
Ce n’est pas le genre de la famille de vendre la peau de l’ours avant de l’avoir tué, mais le genre est plutôt à faire la fête dès qu’une occasion se présente.
Ainsi les trois membres de la famille, réunis ce soir là, boivent le nectar des dieux tout en dégustant de bons petits plats spécialement cuisinés pour l’occasion.
Gilles fait le vide, laisse retomber la pression.
Maintenant, les jeux sont faits. Che sera, sera…
Légèrement ivre, et totalement repus, Gilles se couche vers minuit.
Il n’a même pas le temps de laisser son esprit vagabonder que le sommeil, déjà, l’envahi.
Morphée se soir n’a pas traînée. Elle l’a embarqué lui et toutes ses pensées.
Il dort sans discontinuer jusqu’au lendemain.

Presque midi, ‘le tour du cadran’ comme le dit souvent Madame mère.
Gilles se lève dans le silence de l’appart.
Ses parents sont partis déjeuner dehors et l’ont laissé dormir.
De toute façon il avait coupé la sonnerie du téléphone de sa chambre pour ne pas être dérangé.
Il entre dans la cuisine pour se faire un thé.
Deux morceaux de papiers sont sur la table.
Le premier dit «9h15 - Fabrizzio à appelé, faut que tu le rappelles en te réveillant »
Le second dit « 9h40 - Manu a appelé, il veut te voir ce soir »

Gilles à juste le temps de s’asseoir avant que ses jambes ne se dérobent.
Gilles sent son cœur au bord de l’explosion.
Gilles regarde par la fenêtre, le soleil est à son zénith…


A suivre...

25 mai 2007

Sur le Trajet (chapître trente troisième)

Peu après 3h00 du matin Gilles et Fabrizzio rentrent dans l’appartement.
Ils sont dans la cuisine et boivent un grand verre d’eau. Il fait un peu chaud cette nuit et cette chaleur laisse déjà présager un été rude.
Gilles prend place sur une chaise :

« Tu sais, dit-il, je ne sais pas ou va mener cette histoire moi non plus. J’ai vécu un amour infini ces six derniers mois avec un garçon que j’aime encore. Pour tout te dire, je n’avais pas prévu une rencontre avec une poursuite derrière. Mais tu m’as plus aussi. Tu me plais tout simplement. J’aimerai simplement que tu me laisses du temps pour voir comment je vais évoluer. Cela fait à peine trois semaines que Manu est parti et je ne suis pas encore disponible émotionnellement pour commencer quelque chose tout de suite. Puis je passe mon bac en ce moment et j’ai besoin d’air pour y faire face tout en gérant ma rupture. Je ne peux pas non plus rajouter la gestion d’une nouvelle rencontre… Tu comprends ?
- Oui je comprends bébé. Je sais que tu as été chamboulé en peu de temps et s’il le faut, et bien j’attendrais. Mais je ne veux pas attendre pour de fausses promesses. Tu me dis ne pas savoir aujourd’hui ? Ok ! Mais je veux que tu me dises franchement ce qu’il en est quand tu auras pris ta décision. Je ne veux pas être dans le non-dit. Tu pense que c’est faisable ?
- Bien sur que c’est possible. Je ne suis pas là pour te faire du mal ou te faire espérer des chimères. Je veux simplement que tu me laisses du temps. Que tu ne m’appelles pas tout de suite lorsque je serai parti demain. Car demain je rentre chez moi. Tu t’en doutes forcément. Et je vais mettre un peu ma vie entre parenthèses en attendant la fin des épreuves. Tu penses pouvoir être assez patient ?
- Oui, je te le promets. François rentre à la fin de la semaine de toute façon. Donc dans l’absolu si l’on ne se revoit pas avant vendredi et bien il faudra attendre encore une bonne dizaine de jours avant de pouvoir le refaire. Donc, dans l’absolu, tout ceci nous mène à la fin du mois. Cela tomberait pile pour la fin de tes exams non ?
- Oui effectivement… Alors on fait comme ça ? Demain je pars et on reprend contact à la fin juin ? C’est moi qui t’appellerai ok ?
- Comme tu voudras bébé, l’important c’est que je te revois car tu me manques déjà… Mais je te promets, je ferai un effort et ne pas te déranger pendant cette période. Mais elle va être dure à vivre pour moi car je n’aurai que toi en tête et que François en face !
- Evade-toi dans ta tête alors, et le temps passera plus vite, dit Gilles »


Fabrizzio, comme touché par cette dernière phrase s’approche et prends Gilles dans ses bras. Il le sert si fort contre lui qu’il peine à respirer. Il sent que Fabrizzio pleure doucement. Alors il lui caresse les cheveux tendrement. Il prend la tête de ce dernier entre ses mains et lui embrasse les yeux. Doucement, un par un, il sèche ses larmes par le contact de ses lèvres.
A cet instant Fabrizzio semble redevenir un enfant fragile. Il a dans les yeux toutes les peurs de l’enfance, de l’abandon, de la solitude.
Ce regard emplit Gilles d’une vraie tendresse, et il comprend que, petit à petit, quelque chose est en train de germer en lui. Une petite boule de chaleur qui le pousse à garder le jeune homme contre lui. Pour le protéger, le mettre à l’abri.

Enfin, au bout de quelques minutes, Fabrizzio se reprend et dit à Gilles qu’il est temps d’aller dormir.
Cette dernière nuit avant la fin du mois il veut en profiter pour être contre Gilles, se nourrir de la chaleur de ses bras et lui donner la sienne en retour.
Les deux garçons s’endorment donc tout simplement dans les bras l’un de l’autre.
La nuit s’écoule entre mouvements désordonnés d’un sommeil lourd et du souffle léger de leur respiration respective.

Vers les neuf heures du matin, le téléphone les sort de leur sommeil.
Le répondeur s’enclenche, il est dans la chambre :

« Allo Fab, c’est moi. Je te rappelle que je rentre vendredi à midi. Je compte sur toi pour être là à mon arrivée. Je t’embrasse ! »

Fabrizzio tourne la tête vers Gilles, l’œil encore empreint de sommeil.
Il à un sourire triste.
Il propose tout de même un petit déjeuner à Gilles qui accepte.
Après la douche, ce dernier le rejoint en cuisine pour manger.
Ils ingurgitent un thé et des toasts de confiture.
Le silence est lourd et palpable.
Gilles sent qu’il est temps de partir.
Il se lève et déjà Fabrizzio à les yeux qui s’affolent, mais il se reprend.
Il fait contre mauvaise fortune bon cœur et se force à faire un petit sourire en coin, même si la tristesse que l’on peut lire dans ses yeux en dit long quant à sa douleur intime de le laisser partir et de rester seul.

Gilles enfile son sac à dos et donne un baiser au garçon dont les mains tremblent sur la table. Ils se disent ‘aurevoir’ et Gilles disparaît derrière la porte qui se clos lourdement sur ses pas dans l’escalier.
Il se retrouve dans la rue, et déjà la chaleur est suffocante.
Il se dirige vers son bus sans se retourner.

Au dernier étage de l’immeuble auquel il tourne le dos, un garçon brun l’observe derrière les rideaux lourds. Le garçon en question est né en Ombrie il y’a plus de vingt ans.
Ce garçon a les yeux si noirs que l’on peut s’y mirer à la lumière du jour.
Ce garçon s’agrippe aux rideaux pour ne pas tomber.
Il a tellement mal au ventre de laisser partir son nouvel amant qu’il sent qu’il va se sentir mal.
Le garçon ferme les rideaux quand son amant à disparu de son champs de vision.
Il se laisse glisser le long du mur, et, accroupi par terre dos au mur, il laisse aller sa tête d’avant en arrière…
Elle heurte le mur de plus en plus fort.
Fabrizzio étouffe un cri.
Fabrizzio n’aime pas qu’on le quitte…


A suivre...

Sur le Trajet (chapître trente deuxième)

Le repas s’avère excellent, et le tout au champagne comme il se doit. Pas de mélange dans les alcools permet à Gilles de rester l’esprit assez clair tout de même. De son côté, Fabrizzio demeure également serein. L’alcool ne leur monte donc pas à la tête.
Toutefois, une fois le café terminé, Fabrizzio propose un petit digestif différent. Gilles le laisse choisir et ils se retrouvent donc avec un petit verre glacé empli d’une vodka à l’herbe de bison. Une vodka plus teinté que la normale et dégageant un goût très particulier. Elle se boit très glacée et son onctuosité n’en est que plus flagrante.
Les deux garçons trinquent ensemble et croisent leurs bras l’un dans l’autre avant de porter le verre à leurs lèvres. C’est Fabrizzio qui à initié le geste, Gilles l’a suivi naturellement. Ils vident donc le verre rapidement en fumant une dernière cigarette. Le patron qui connaît bien Fabrizzio remet une tournée de cette divine vodka. Cette fois-ci ils la dégustent plus lentement tout en savourant le goût du tabac se mélangeant divinement avec celui de cet alcool particulier.

Gilles se remémore un peu les confidences de la soirée et Fabrizzio semble très enclin aux confidences. Il lui a avoué que ses parents habitaient donc l’Ombrie et qu’il ne les voyait pas très souvent.
Il est avec son mec, François, depuis un peu plus d’un an.
Un mec bourré d’argent.
Fabrizzio ne ment pas quant à son affectif auprès de François.
Et François sait très bien ce qu’il en est.
Il sait que lorsqu’il n’est pas là, Fabrizzio à des aventures, mais que lorsqu’il est là il est tout à lui.
En retour il alimente son compte régulièrement pour ses dépenses.
Fabrizzio avoue à Gilles qu’il reçoit un virement de 10.000 francs tous les 15 jours sur son compte.
Il a conscience d’être un petit gigolo, mais 20.000 francs par mois sans autres frais, c’est que du bonheur. Il ne paye pas de loyer, aucun frais concernant l’habitation, donc tout bénef pour lui !
Il dit aussi en mettre beaucoup de côté sur un autre compte.
Car il ne va pas continuer longtemps avec François.
Faire l’amour avec lui le dégoute à chaque fois.
Il pense à autre chose.
De son côté François, ne demande rien, se contente de prendre son pied avec le corps de Fabrizzio.
Il n’y a pas forcément de tendresse entre eux. Comme un contrat pré-établit. Le dialogue est minimaliste. De toute façon François passe la plupart de son temps à l’étranger. Entre Berlin et Moscou le plus souvent.
Il revient au maximum 10 jours par mois, parfois moins. Donc le reste du temps Fabrizzio est libre de faire ce qu’il veut dans ce grand appartement et de dépenser à loisir l’argent que François lui transfert.
Mais il ne dépense presque rien. Il prépare en fait un départ prochain. Il recommencera à travailler. Il est serveur.
Gilles se dit que, décidément les serveurs gays sont légion.
Il va prendre un appart avec l’argent accumulé et pourra enfin se détacher de François.
Il attendait juste une occasion pour le faire…

Gilles et Fabrizzio sont les yeux dans les yeux tandis qu’ils terminent le petit verre d’alcool.
Fabrizzio approche son visage de celui de Gilles :

« Je pense que l’occasion de partir s’est présentée ! Pour toi j’ai envie de décider de le quitter. J’ai assez d’argent de côté pour voir venir et je peux trouver un job dans un bar super rapidement ! Qu’en dis-tu ? »

Gilles est abasourdi et n’en crois pas ses oreilles.
Il sait très bien qu’un serveur trouve un travail rapidement, Manu en était l’exemple le plus récurent.
Il sait très bien que Fabrizzio à beaucoup d’argent de côté.
Mais ce qu’il ne sait pas c’est s’il à envie de porter cette responsabilité là !!
Tuer la poule aux œufs d’or pour une histoire d’amour qu’il n’est pas sur qu’elle soit réciproque. En effet Gilles ne peut pas dire, à ce moment précis, s’il a envie de nouer une vraie relation avec Fabrizzio.
Cela fait à peine 48 heures qu’ils se connaissent, et déjà l’italien lui fait le coup d’un désir d’engagement.
Gilles est désarçonné tant cette proposition lui semble hors de propos.

Fabrizzio comprend immédiatement qu’il est allé trop vite :

« Enfin, je ne parlais pas forcément de le quitter tout de suite hein ? T’inquiètes pas, mais je me disais que si cela avait une chance de fonctionner nous deux, peut-être que d’ici quelques temps je pourrais l’envisager…
- C’est combien pour toi ‘quelques temps’ ?
- Ben je sais pas… Faut voir… Je sais très bien que c’est tout nouveau nous deux, mais j’ai eu l’impression qu’il y’avait plus que de la simple baise dans nos échanges. Et le fait que tu me plaises beaucoup à plusieurs points de vue me fait dire que j’aimerai bien avoir l’opportunité de tenter d’aller plus loin…
- Et tu n’as jamais rencontré quelqu’un qui t’ai donné envie de changer avant moi ? demande Gilles. Je veux dire que puisque tu es seul souvent, tu as du rencontrer pas mal de garçons pendant les déplacements de ton mec, non ?
- Pas tant que ça figures-toi ! Je ne suis pas doublement une pute !!
- Calme-toi, je n’ai pas voulu dire ça, c’est juste…
- Je sais très bien ce que tu sous-entends et je sais très bien qu’une fois de plus tu va me dire que je vais trop vite, que j’accélère trop les choses. Mais si on ne donne pas un coup d’accélérateur parfois, tu ne penses pas qu’on peut risquer de faire du surplace ? »


Il finit presque sa phrase dans un hurlement.
Heureusement le restaurant est vide et le patron fait comme s’il n’avait rien entendu. Sans doute est-il habitué à ce genre d’éclats de la part de Fabrizzio.
Gilles vient de penser cela naturellement, et il se dit que sous le calme du jeune italien couve un volcan qui ne demande qu’à rentrer en éruption à la moindre occasion.
La faille est là, béante, sous les yeux de Gilles.
La colère, la violence…

Devant la stupéfaction de Gilles, Fabrizzio se reprend immédiatement et s’excuse :

« Pardon bébé, excuse-moi, je suis désolé. Je m’emporte toujours trop vite… Je sais bien que tu ne voulais pas être insultant… J’ai du boire trop d’alcool… Je vais régler la note.
- C’est pas grave, tu m’as juste un peu surpris par ta réaction, j’ai pas l’habitude !
- Je m’emporte souvent pour ce qui m’importe et même si ça te semble rapide, tant pis, je te le dis : je commence à avoir beaucoup d’affection pour toi !
- J’avais remarqué, dit Gilles dans un petit sourire pour distraire l’ambiance !
- Je sais je suis trop impatient de tout… Allez, désolé encore. Tu me rejoins au var, je vais régler…
- Ok, puis merci pour le repas c’était délicieux… Vraiment !
- Etre avec toi ici, c’était, en soi, un moment délicieux également »


Fabrizzio se dirige vers le bar tandis que Gilles reprend ses affaires au vestiaire du restaurant.
Lorsqu’il parvient au bar, Fabrizzio est en train de serrer la main au patron, et Gilles en fait autant en s’approchant. Le patron le remercie en lui disant :

« Ca fait plaisir de rencontrer enfin un ami de Fabrizzio. Lui qui dine habituellement toujours seul ici !! J’espère avoir le plaisir de vous revoir très vite !
- Je l’espère aussi ! dit Gilles en jetant un œil vers Fabrizzio qui affiche un petit sourire entendu. »


Dans la rue, ils décident de marcher un peu avant de rentrer.
Gilles va donc dormir une nouvelle fois dans ce grand appart ce soir. De toute façon, il est presque 2h00 du matin et il n’a pas envie de payer une fortune pour un taxi.
Puis Fabrizzio serait certainement contrarié par un départ si soudain après une si belle invitation à diner.
Alors Gilles se contente de marcher dans la douceur de la nuit, Fabrizzio à ses côtés.
Ils traversent la passerelle du Palais de Justice et se retrouvent dans le Vieux Lyon. Les rues sont désertes en cette nuit en plein milieu de la semaine.
Fabrizzio prend une petite ruelle qui débouche sur une petite cour intérieure sombre et silencieuse.
Il se retourne vers Gilles et l’embrasse longuement.
Il glisse sa main sous les vêtements et commence à caresser le sexe de Gilles.
Doucement, à l’affût du moindre bruit, les deux garçons font l’amour vertical.
Fabrizzio dans un sursaut juste avant l’orgasme murmure à l’oreille de Gilles :

« C’est excitant la peur tu ne trouves pas ? Cette petite boule d’angoisse dans le ventre liée à la montée d’un désir qu’on ne contrôle pas ? Moi c’est ce que je préfère avant tout : le danger. »


A suivre...

24 mai 2007

Sur le Trajet (chapître trente et unième)

Gilles sonne à la porte de Fabrizzio à 20h00 tapantes. Ce dernier ouvre la porte et affiche immédiatement un sourire radieux. Gilles lui rend son sourire, même s’il à du mal à le rendre aussi radieux qu’il le voudrait. Il entre dans l’appartement et suit Fabrizzio jusqu’au salon.
Une fois de plus Gilles regarde le garçon de dos et se dit que décidément, il à un beau cul.
Sur la table de salon trône un sceau à champagne duquel dépasse une belle bouteille dorée. A côté, deux flûtes brillent sous la lumière des bougies.
Fabrizzio à sorti le grand jeu. Il sert donc deux verres et les deux garçons trinquent ensemble.
Le liquide est glacé comme il se doit et les fines bulles crépitent sur la langue. C’est un délice car ce champagne est rosé. Gilles l’adore mais se garde bien de préciser que c’est son préféré. Il ne veut pas dévoiler à Fabrizzio qu’il à mis dans le mille dès le début.

« Excellent ce champagne, dit Gilles, je ne connaissais pas…
- Oui, le champagne rosé est un peu plus rare que l’ordinaire, mais c’est mon préféré !
- Je comprends, c’est effectivement délicieux.
- Tu veux grignoter quelque chose avec ?
- Non, je préfère me réserver pour le resto dont tu m’as parlé.
- Tu verras, précise Fabrizzio, là non plus tu ne seras pas déçu. C’est juste à côté, cela donne sur le quai de Saône. Mais j’ai réservé pour 21h30, donc on a tout notre temps… »


A cet instant, Fabrizzio prend la flute de champagne des mains de Gilles et la pose sur la table basse. Il reste baissé et commence à défaire la ceinture de Gilles puis fais glisser dans le même temps le pantalon et le sous-vêtement (Lelly it’s for you).
Il n’en faut pas plus à Gilles pour laisser apparaître son excitation tandis que Fabrizzio ouvre la bouche pour donner à son invité tous les égards auxquels il à droit.
Très vite les deux garçons roule sur le tapis et se retrouvent complètement nus à faire l’amour au milieu des vêtements épars et des ombres projetées sur le mur par le biais des flammes des bougies.
Gilles est surpris par cette soudaine excitation et commence à prendre un réel plaisir à caresser ce corps qui pourtant n’est pas celui de Manu.
La peau est plus ambrée, l’odeur également. Les deux corps se frottent, les mains se découvrent, les peaux se gouttent.
L’orgasme survient pour l’un et l’autre, et Gilles n’a pas eu de flashs d’avant.
Est-ce que l’oubli peut si vite survenir ?
Celui qui hante ses nuits depuis presque six longs mois, peut-il s’effacer si soudainement ?

Gilles n’a pas le temps de se poser ces questions, le plaisir étant si imprévu et donc délectable.
Les deux garçons restent allongés nus sur le tapis en se regardant dans les yeux.
Gilles lit dans les yeux de Fabrizzio une passion naissante. Soit le garçon est un comédien parfait, soit il est totalement accro, déjà, à Gilles.
Non, il n’y a pas de doute. Il est accro. Avec un regard si profond, si droit, si direct. C’est déjà le temps du cœur qui bat.
Fabrizzio remplit de nouveau deux verres et ils laissent tout deux glisser le breuvage glacé le long de leur gorge. Gilles renverse un peu du liquide sur son torse, et Fabrizzio vient lécher délicatement le champagne qui coule jusqu’au bas du ventre de Gilles.
La langue est chaude sur la peau, et il semble ne plus exister de limites dans la découverte de leur nudité respective.
Gilles relève la tête de Fabrizzio et lui donne un baiser profond, très long. Comme il aime à faire quand le désir du sexe fait corps avec celui de l’esprit.
Il se dit que, finalement, il a bien fait de venir et qu’il commence lui aussi à se sentir bien avec cet italien au regard si sombre.
Ils finissent la bouteille ainsi. Les corps sont nus, les yeux se fixent dans un silence plein d’une lourde sensualité qui laisse planer le désir qui ne manquerait pas d’éclore de nouveau à la moindre tentative de l’un ou de l’autre.

Fabrizzio prend Gilles par la main et tout deux se rendent sous la douche. Ils se savonnent et se rincent l’un l’autre. Puis comme le matin, Fabrizzio s’évertue à sécher le corps de Gilles.
Ils se rhabillent et partent enfin diner. Il est presque 22h00, ils sont en retard.
Fabrizzio a appelé pour prévenir, mais il connaît bien le patron et la table les attend sans problème.

Ils déambulent dans les rues en direction du restaurant. Effectivement le trajet n’est pas long puisque dix minutes plus tard ils arrivent devant l’établissement en question.
« Le Quai des Brumes », c’est le nom du restaurant. Gilles se dit encore une fois que Fabrizzio à tapé dans le mille.
Un endroit dédié au cinéma, un décor somptueux, des clairs-obscurs subliment un éclairage à la bougie.
D'anciennes affiches en noir et blanc ornent les murs.
Michèle Morgan, Jean Gabin, et toutes les étoiles du cinéma d’avant étalent leurs visages lumineux dans la pénombre du lieu.
Donc Fabrizzio, sans le savoir, à touché juste. Car Gilles est un passionné de cinéma et là, il est aux anges.
Il ne cache pas son plaisir cette fois-ci et Fabrizzio le remarque immédiatement.
Il affiche alors un sourire qui en dit long, il amène Gilles à la table et le fait asseoir.
Avant de s’installer en face il lui glisse quelques mots à l’oreille :

« Tu vois ? Je t’avais dit que tu ne me résisterais pas… Et ce n’est que le début mon ange ! »


A suivre...

Coup dur (3)

Il y'a un certain cinéma français absolument insupportable.
Et tout ce qui le rend insupportable est réuni dans le second film de Sophie Marceau La Disparue de Deauville

Scénario alambiqué, prétentieux, faussement référentiel, en l'occurence faussement Hitchcockien.
Jeu d'acteurs en mode "too much". Il faut le voir pour le croire.
Style ampoulé, maniéré à outrance.
Diégèse minimaliste qui fait qu'a aucun moment nous ne nous interessons à ce qui peut bien arrivé à cette galerie de personnages qui font l'effet de grotesques carricatures.

En un mot : VOMITIF !

C'est clair ???

Coup de coeur (8)

Pourquoi Deneuve reste Deneuve et demeurera Deneuve ? Il suffit d'aller voir Après Lui by Gaël Morel.
Elle est simplement impériale, souveraine.
Ce qu'elle fait dans les 30 premières minutes est absolument bouleversant.
De toutes manières elle n'a jamais été aussi bonne que lorsqu'elle se met en danger.
Et pour le coup, ici elle est en plein dedans.

Déchirante je vous dit !!!

23 mai 2007

Sur le Trajet (chapître trentième)

Vers midi moins le quart, Gilles se dirige vers l’arrêt de bus pour rentrer chez lui. Fabrizzio semble un peu triste de le voir partir et lui donne une petite carte sur laquelle figure son numéro de téléphone.
Gilles lui promet de l’appeler dans la semaine pour aller boire un verre.
Tandis que le bus s’éloigne, Fabrizzio reste planté là, attendant que le car disparaisse complètement de la portée de son regard.
Gilles reste un peu interloqué par ce garçon qui, en une nuit, semble s’être attaché très fortement à lui.

Après tout, n’en fut-il pas de même pour lui lorsqu’en une après-midi il devint mordu de Manu ?

Gilles observe la carte que lui a remise Fabrizzio.
Blanche, rectangulaire, un simple prénom suivi d’un numéro de téléphone.
Il la range dans la poche intérieure de sa veste en se disant qu’il le rappellerait dans quelques jours.
Il reste néanmoins pensif tout le long du trajet qui le reconduit jusqu’à chez lui.
Après tout la soirée fut excellente…
Après tout la nuit aussi…
Après tout la matinée aussi…
Après tout, Fabrizzio est beau gosse et semble sensible…
Mais alors pourquoi Gilles n’arrive pas à être satisfait de cette rencontre ?
Pourquoi n’éprouve-t-il pas un petit frimas de joie ? Un petit picotement au creux du ventre ?
Gilles met ça sur le compte de la surprise.

Car à l’origine, il voulait juste passer la nuit avec un inconnu et prendre du plaisir.
Finalement il a passé la nuit avec quelqu’un qui s’est révélé attachant. Et rien n’avait préparé Gilles à ça.
Il s’est lui-même laissé entrainer par une gentillesse toute naturelle de ce beau brun qui semble s’ennuyer dans un quotidien luxueux avec un homme qu’il n’aime pas.
Gilles trouve ça plutôt pathétique, mais il se dit que chacun à sa propre manière de survivre.
Alors qu’importe, car tout le monde, au bout du compte, cours après, une petite quête de bonheur, une petite part de quiétude.
Le tout pour juste éviter ainsi la solitude du cœur et celle de l’âme.
Alors on s’invente une vie qu’on rêve plus qu’on ne la vit véritablement.
On laisse le temps nous échapper et parfois, le réveil est rude car trop tardif.
Alors on se retourne pour contempler le chemin parcouru et l’on se dit que tout ça est passé bien vite. Qu’en l’espace d’une vie, d’une toute petite vie, les courants d’air, les fausses pistes et les pertes de temps sont plus nombreuses qu’on ne veut bien le croire ou se l’avouer.

Mais heureusement, ce matin-là, Gilles est à peine à l’aube de ses vingt ans. Et il se dit que si la petite bulle d’oxygène n’est pas présente, ce n’est pas bien grave.
Les tenants et les aboutissants sont un peu grippés et il n’a pas la tête encore libre pour appréhender une nouvelle histoire.
Alors il va essayer d’y voir plus clair et il rappellera le beau brun. Car il a envie de lui laisser le bénéfice du doute.
Après tout, Fabrizzio s’est mis en quatre hier soir et ce matin pour le nourrir et lui faire plaisir.
Il a su jouer profil bas quand Gilles était dans l’ombre de Manu hier soir, et il est demeuré très respectueux de tout cela.
Oui, c’est décidé, Gilles reverra Fabrizzio en fin de semaine.
Nous sommes le mardi 20 juin 1987. Gilles se dit qu’il rappellera Jeudi.
C’est bien jeudi.
Ca laisse du temps.
Ca montre qu’on ne précipite rien.
Ca sous-entend que l’on attend rien de particulier sinon de se revoir et peut-être passer de nouveau un bon moment.
Oui, vraiment… jeudi c’est l’idéal !!

Gilles ouvre la porte d’entrée de son immeuble et se hisse par l’ascenseur jusqu’au 7ème étage, 7ème ciel de sa douce jeunesse. L’étage de sa vie.
Il ouvre la porte tandis qu’il entend Madame mère vociférer contre la sonnerie du téléphone.
Elle le frôle tandis qu’il franchit le pas de la porte.
Des bonnes odeurs de cuisine parviennent jusqu’à ses narines.
Les couverts sont dressés pour trois. Ainsi Monsieur père vient déjeuner ce midi.
Ce n’est pas toujours le cas du fait de son travail, mais il semblerait qu’aujourd’hui il ait le temps de le faire.
Gilles est ravi à l’expectative de manger avec ses parents.
Il aime beaucoup ces moments échangés.
Le temps du ‘manger’ permet de partager beaucoup de choses.
Les langues se délient plus facilement autour d’une table.
Cela reste un moment privilégié !

Gilles se rend donc dans sa chambre pour poser ses affaires tandis que Madame mère parle avec une de ses amies au téléphone.
Gilles s’amuse tout le temps de ces conversations et de la connivence qui lie sa mère à quelques vieilles copines de travail ou d’enfance.
Il y’a toujours mille choses à dire, mille facéties à raconter.
Il l’entend qui raccroche et qui approche de la chambre.

« Alors mon grand, tu t’es bien amusé avec Nathalie hier ?
- Ben en fait je suis allé boire un verre pour me changer les idées, mais j’étais seul.
- Et tu n’as donc pas dormi chez elle cette nuit ?
- Non, chez un mec !
- Tu as rencontré un nouvel ami ?
- Non, enfin oui… J’en sais rien !! C’était juste pour me changer les idées… Je pense encore trop à Manu, alors j’avais envie de voir si je pouvais faire passer ça avec d’autres bras…
- J’en conclu que ça n’a pas marché ? demande Madame mère.
- Non, admet Gilles. Il est pourtant adorable ce garçon et il à eu l’air de s’attacher à moi cette nuit…
- Oui, j’imagine que Fabrizzio s’attache vite !!
- … ????
- Et oui je connais son prénom !!
- Mais ??? Comment est-ce possible ???
- Ton nouveau chérubin à déjà voulu te joindre 2 fois avant que tu ne rentres. Il m’a demandé deux fois de noter son numéro de téléphone et m’a fait jurer de te faire la commission dès que tu passais le pas de la porte. Enfin bref, appelles-le tout de suite ou il risque de faire une syncope on dirait !! Décidément, je sais pas ce que tu leur fait à ces garçons, mais dès qu’ils te rencontrent, ils ne veulent plus te lâcher… »


Gilles est abasourdi devant cette déclaration et compose tout de suite le numéro de Fabrizzio !

« Allo ?
- Fabrizzio ? C’est moi ! Qu’est-ce qui se passe ? Pourquoi tu m’as appelé 2 fois alors que je t’ai quitté il y’a à peine 45 minutes ? Et comment tu as eu mon numéro ?
- Ben la touche ‘bis’ c’est pas pour les chiens non ?? Puis j’avais trop envie de t’entendre de nouveau… Tu me manques déjà !!
- Ben dis-donc tu ne perds pas de temps toi hein ?
- Non jamais, je te l’ai dit hier soir, je ne tourne pas autour du pot… Ca à l’air de te déranger finalement ?
- Non… C’est juste que je trouve ça un peu… rapide !! Un peu… surprenant !!
- Et alors ?? C’est pas ça qui est agréable ? La surprise justement ? Je suis juste désolé si j’ai importuné « belle maman »…
- …
- Non je plaisante !! Je ne suis pas « si » rapide que ça t’inquiètes !! Alors ? Plus sérieusement, ta mère n’a pas été trop agacée par mes appels ?
- Non, répond Gilles, elle m’a juste dit que j’avais dû te faire un effet du tonnerre pour que tu appelles si vite…
- Ben… Elle s’est pas trompé ! Je veux que tu viennes dormir ici ce soir encore. J’ai trop envie de profiter de toi pendant que mon homme est absent !! Dis-moi oui… Allez, s’il te plait !!! J’ai trop envie de t’emmener dans un resto que j’adore… Je t’invite !! Allez, bébé, dis oui !!
- Ben c’est très gentil à toi mais ça me gêne quand même, puis j’aimerai bien dormir tranquille ce soir…
- (silence)
- Tu es là ? Demande Gilles.
- Oui. Je vois que ton envie n’est pas aussi grande que la mienne… Désolé de t’avoir importuné. Ciao ! »


Bip, bip, bip….
Gilles reste planté, le combiné à la main…
Il se sent un peu mal à l’aise. Il se dit qu’il n’a pas été très gentil avec lui…
Il raccroche.
Cela sonne au même instant, alors il décroche automatiquement.

« Oui ?
- Excuse-moi bébé, je suis trop impatient toujours… Je ne veux pas qu’on s’engueule, mais j’ai tellement envie de te voir…
- C’est rien, t’inquiètes. Ok, je viens ce soir ! Je ne résiste pas à une invitation au restaurant…
- A moi non plus tu ne me résisteras pas !
- Ca on verra mon grand !
- C’est tout vu bébé… A ce soir. Je t’attends chez moi à 20h. Le resto est juste à côté de l’appart. Je t’embrasse partout.
- Ok à ce soir alors ! »


Gilles ne sait pas pourquoi, mais quand il raccroche, à cet instant précis, il se dit qu’il vient de faire une énorme connerie en acceptant.
Il a comme un gout de terre dans la bouche.
Comme un truc lourd qui viendrait de tomber sur ses épaules.


A suivre...

22 mai 2007

Sur le Trajet (chapître vingt-neuvième)

Le soleil pénètre par la fenêtre de la grande chambre. Les rideaux blancs laissent passer la lumière et Gilles se réveille dès que le premier rayon se pose sur lui. Il ouvre les yeux.
Fabrizio est là, à côté de lui. Il le regardait dormir semble t’il…

« Tu es mignon quand tu dors, on dirait un bébé…
- Ca fait longtemps que tu me regardes dormir ? demande Gilles.
- Oh ça doit faire une bonne demi-heure…
- Tu aurais du me réveiller avant !
- Non, tu dormais si bien et j’ai adoré te regarder ainsi. Comme un abandon. Une confiance en l’autre que tu donnes en dormant. Tu ne trouves pas ?
- Euuhh… Ouais !! »


Gilles se dit que le jeune italien semble être sur un nuage et que lui par contre, est bien resté les pieds sur terre.

« Bon, va falloir que je rentre chez moi maintenant. Ma mère doit se demander ou je suis passé !
- Tu ne vas tout de même pas partir le ventre vide… Je te prépare un bon p’tit déjeuner et toi tu appelles ta mère d’ici. Tu rentreras pour midi… Ca te va ?
- Ben c’est gentil à toi, mais je ne voudrais pas m’incruster !
- T’inquiètes, si je te propose, c’est que ça me fait plaisir.
- Bon ben ok, ça marche ! »


Fabrizzio se jette hors du lit et se dirige vers la cuisine. Il est encore nu et Gilles ne peut s’empêcher de le regarder. Son corps est parfait et la lumière du jour ne dévoile aucune imperfection que l’obscurité aurait pu masquer.
Gilles se dirige vers la salle de bain. Il se met sous la douche pour se réveiller totalement. Fabrizzio revient à ce moment là et le rejoins sous le jet.
Il n’y a pas à hésiter pour savoir ce que cherche le bel éphèbe brun au vu du désir qui semble grandir entre ses jambes. Gilles part au quart de tour aussi. La juxtaposition du sexe et de l’eau à toujours provoqué chez lui une libido sans limite. L’eau en tant qu’élément déclencheur d’un désir sexuel est particulièrement présente chez Gilles.
Aussi se laisse-t-il aller à des caresses et des frottements de peaux humides. La chaleur de l’eau, l’odeur du gel douche, tout concours à une petite séance de baise matinale des plus agréables.
Quelques instants plus tard, les deux garçons sortent de la douche. Fabrizzio tend une serviette propre à Gilles et se ravise au dernier moment. Finalement il préfère l’essuyer lui-même. Gilles se laisse faire. Fabrizzio s’applique à sécher les moindres recoins du corps de Gilles, qui, finalement, trouve cela très agréable !! Enfin, Fabrizzio lui donne un baiser sur le ventre et repars à la cuisine en se séchant lui-même avec la même serviette.
Gilles remet son boxer et se dirige à la suite de son hôte.
Avant de passer à table, il se rappelle devoir appeler Madame Mère. Fabrizzio lui indique le téléphone et continue ses préparatifs.

« Alors ? Elle est rassurée ? Elle s’inquiétait pour toi ?
- Non pas vraiment, mais je préfère lui dire quand je ne rentre pas, ça me parait plus cool. Puis en plus, elle est carrément zen face à tout ça !
- Comment ça « zen » ?
- Ben, elle sait que je suis homo et ça se passe très bien. Mon ex est même venu diner chez mes parents un soir !
- Ben dis donc, reprends Fabrizzio, on peut dire que tu as de la chance ! Ce n’est pas tous les parents qui auraient ce genre de réaction. Moi les miens ne sont au courant de rien et je préfère ça. De toute façon ils sont loin, au fin fond de l’Italie ! Tu imagines un peu le degré de machisme qui règne là-bas !! Donc pour vivre heureux, vivons cachés !
- Oui je sais que j’ai de la chance, mais je peux te dire que depuis que je ne me cache plus, moi je me sens carrément mieux. Mais j’imagine qu’on a tous notre propre façon de voir les choses et qu’on est tous différend face aux réactions des autres.
- Oui, c’est exactement ça !! Bon allez, je te sers un morceau d’omelette aux herbes ?
- Avec plaisir, je dois dire que j’ai une faim de loup.
- Et bien tant mieux, régales-toi ! »


Gilles, tout en dévorant son assiette ne peut s’empêcher d’observer Fabrizzio. Ce dernier mange également avec appétit mais nettoie également tout ce qu’il à sali en même temps. Une bouchée d’omelette, et hop, une casserole lavée, une autre bouchée et quelques couverts rincés.
Bref, rien ne semble jamais trainer longtemps dans cette cuisine qui, il est vrai, parait rutilante.
Par ailleurs, l’aspect métallique des éléments incorporés rend le tout très net, mais également très froid.
Glacial même.
Gilles termine son assiette et la ramène dans l’évier.
Fabrizzio s’en saisit immédiatement et la lave illico-presto. La scène est assez drôle dans la mesure où, entre son assiette et sa vaisselle, l’italien s’active en étant toujours nu. Aucun complexe à exposer un corps fin et légèrement musclé. Juste ce qu’il faut ou il faut.
Gilles n’aime pas les bodybuilders, et Fabrizzio est réellement parfaitement proportionné.
C’est en pensant à tout cela que Gilles sourit tout en se rendant dans la chambre pour terminer de s’habiller.

Il est 10h00 du matin. Le ciel est bleu. La journée va être chaude.

Fabrizzio propose une petite ballade en ville, il veut s’acheter une paire de chaussures et souhaite que Gilles l’accompagne. De toute façon il a bien deux heures devant lui avant d’aller déjeuner avec Madame mère. Aussi Gilles se laisse tenter par la perspective d’aller faire les boutiques en ce début de journée.
Fabrizzio termine de s’habiller et entraine Gilles avec lui dans les escaliers qu’ils dévalent quatre à quatre avant d’arrivée dans l’allée puis enfin dans la rue.
Cette rue jouxte la Place des Célestins. Une place très belle à Lyon sur laquelle se dresse le théâtre éponyme. Une grande bâtisse ocre entourée de part et d’autres par des restaurants luxueux et des boutiques de décoration intérieures tout aussi somptueuses.
Gilles aime bien se retrouver dans le centre ville en semaine le matin.
L’ambiance est différente. Les gens vaquent tranquillement à leurs occupations. Il n’y pas le stress des fins de journées ou des week-ends. Puis il y’a des odeurs de pains au chocolat et de croissants chauds qui sortent des petites boulangeries qui peuple le quartier.
Il y’a une légère brise qui rend frissonnante, la moindre odeur, le moindre parfum.

Fabrizzio, frivole, passe de vitrine en vitrine à la recherche de la paire tant recherchée.
Il semble sur un nuage et envoie des petits regards empressés à Gilles à chaque fois qu’une paire de chaussures l’interpelle.
Comme si il souhaitait son avis.
Comme si c’était Gilles qui allait décider de quelle paire allait se parer son amant de la nuit.
Comme si Gilles, d’un coup devenait celui qui décide, celui qui dicte.

Gilles l’apprendra plus tard, mais Fabrizzio se trouve souvent démuni devant le manque d’autorité.
Et le fait de se trouver ainsi, perdu, face à des décisions qu’il n’arrive pas à prendre, rend Fabrizzio nerveux.
Voire violent.

Mais ce matin la brise est encore légère.
Et rien ne laisse annoncer les orages à venir.
Ni leur récurrence.
Ni leur violence…


A suivre...

18 mai 2007

Sur le Trajet(Chapître vingt-huitième)

Le regard est noir, profond. Un peu comme celui d’un fauve à l’affut. Et le sourire qui l’éclaire semble également des plus carnassiers.
Gilles soutient le regard. La cigarette au bout des doigts ne tremble pas. Il monte le verre à ses lèvres sans quitter des yeux le mystérieux garçon.
Celui-ci appelle le barman et lui murmure quelque chose à l’oreille.
Comme Gilles s’y attendait, le barman lui apporte un autre verre.

« De la part de Fabrizzio, le garçon aux cheveux noirs là-bas »

Gilles soulève le verre en direction du garçon pour lui signifier son remerciement et trinquer à distance. L’autre en fait autant sans se dépareiller de son sourire éclatant.
Gilles est bien décidé à ne pas bouger. Il veut que ce soit l’autre qui vienne à lui. Après tout il est là pour se montrer et ne va pas se jeter tout de suite sur le premier venu.
Comme s’il avait lu dans ses pensées le garçon se lève et se dirige vers lui.

« Bonsoir !
- Salut !
- Timide ou réservé ?
- Solitaire plutôt…
- Donc tu ne cherches pas de compagnie ?
- Faut voir… »


Gilles se dit qu’il est quand même un peu froid avec le garçon mais il ne sait pas pourquoi il n’arrive pas à être naturel. C’est sans doute lié à l’attitude de l’inconnu qui semble se croire en terrain conquis.
Néanmoins on peut dire que ce jeune homme brun est vraiment canon et Gilles tente de se radoucir un peu…

« En fait, continue Gilles, je me disais que je te trouvais plutôt mignon et que ton regard est du genre direct. C’est un peu destabilisant !
- Vraiment ? Je suis désolé… Mais je n’ai pas pu m’empêcher de te regarder depuis que tu es rentré car la réciproque est vraie : je te trouve craquant. Et je n’ai pas l’habitude de tourner autour du pot.
- Et bien tant mieux car je préfère aussi ce genre d’attitude. Je m’appelle Gilles ! Assieds-toi là qu’on fasse un peu plus connaissance…
- Avec plaisir, et moi c’est Fabrizzio.
- Je sais, le barman me l’a dit. Tu es originaire d’Italie ?
- D’Ombrie exactement.
- Ah ?
- C’est un endroit ou le soleil caresse les vallées à n’en plus finir. Les jours sont longs et la lumière de fin du jour est d’un orange lumineux. Faut absolument que tu y aille un jour.
- Effectivement, présenté comme ça c’est très tentant. »


Dans un élan soudain le bel italien approche ses lèvres de celles de Gilles et l’embrasse. Ce dernier se laisse faire et répond à son baiser d’une façon violente, comme pour affirmer son individualité, sa propre force. Il ne va pas se laisser entraîner dans une tendresse qu’il ne veut ni donner, ni recevoir. Alors Gilles allume le brun jeune homme et commence déjà à passer sa main sur le sexe de Fabrizzio qui commence à se durcir.
A travers le jean, Gilles presse ses doigts contre ce renflement que personne alentour ne peut ignorer si tant est qu’ils portent un œil sur l’endroit du délit…

Fabrizzio habite à quelques pas d’ici… Chez son mec qui est absent pour quelques jours.
C’est parfait ça ! Il a un mec donc il ne va pas s’imaginer autre chose qu’une histoire de cul avec Gilles, et tant mieux car Gilles ne veut rien d’autre ce soir.
Du sexe, du plaisir, de l’oubli.
Aussi Gilles accepte l’invitation à diner du jeune latin et le suit à travers les rues jusqu’à son domicile.
Quelques croisements plus loin, une lourde porte, un interphone, un ascenseur, un étage élevé et la porte qui s’ouvre.
Grand appartement, style bourgeois, décor minimaliste, des pièces en parquet, une cuisine équipée Hi-Tech, un salon immense et un chambre aux murs parme et un grand lit blanc.
De toutes évidence, le mec de Fabrizzio à les moyens, et à voir la façon dont agit ce dernier, il sait en profiter amplement.
Gilles se dit que ce jeune italien se fait sans doute entretenir.
Lorsqu’il voit la photo du propriétaire de l’appart sur un meuble, cela le conforte dans cette idée.
Il doit avoir dans les 50 ans, plutôt bedonnant..
Fabrizzio ne dépassant pas les 23 ans… Le compte est bon.
Gilles s’en fout, ce n’est pas son problème.
Chacun est libre de profiter de qui le veut bien.
C’est aux gens de se protéger.
De toute façon, chacun doit y trouver son compte à un moment ou à un autre.
Et Gilles se dit que le jeune italien ne doit pas forcément y trouver son compte à tous les instants. Car lorsqu’il faut accomplir le fameux « devoir conjugal », cela ne doit pas être rose à chaque instant.
Mais Fabrizzio a fait un choix, il l’assume certainement.
Fabrizzio remplit deux verres d’un vin rouge de grande qualité. Les deux garçons dégustent chaque gorgée tandis que Fabrizzio commence à préparer un plat à base de gnocchis et de sauce faite à base de 3 fromages différents. Cela promet d’être délicieux.

Mais Gilles n’a pas pour autant faim immédiatement, ainsi passe-t-il derrière le jeune cuisinier et commence à lui enlever sa ceinture.
Il se laisse faire.
Gilles continue et lui enlève sa chemise, puis ses pantalons.
Le garçon s’était mis nu-pieds en arrivant ; ainsi est-il nu et offert au regard de Gilles. La peau exhale une odeur ambrée. Gilles laisse glisser sa langue le long de la colonne vertébrale du jeune garçon offert.
Il se cambre quand la langue arrive en bas des reins…
Elle descend encore….
Le cuisinier arrête sa préparation et la met de côté.
Il se retourne et laisse apparaître en substance une érection typiquement méditerranéenne.
Forte, puissante et…circoncise !
Gilles adore ça et englouti le membre immédiatement.
Fabrizzio n’y tient plus, il veut également profiter du corps de Gilles, aussi l’entraîne t’il dans la chambre et le déshabille illico.
Il joue également fort bien de sa langue.
Gilles se laisse faire.
Des flashs surviennent par instants.
Le visage de Manu s’insinue dans ce corps à corps.
Son odeur revient à Gilles, sa peau, ses gestes.
Ce manque envahit tout !
Gilles accélère son orgasme tandis que Fabrizzio, quelques instants avant à déjà eu le sien.
Ils restent allongés là, sans bouger.
Gilles à la tête ailleurs.
Il n’est pas dans un grand appartement du centre-ville.
Non, l’appart ou il se trouve est plus petit.
Et le lit n’est pas blanc.
Et le garçon n’est pas brun…

Gilles se reprend et se fait indiquer la salle de bains. Il prend une douche rapide. Fabrizzio fait de même. Tout ceci se fait dans le silence.
Une sorte de malaise s’installe entre les deux garçons.

Fabrizzio rompt le silence :

« Qu’est-ce qui se passe ? Je te sens loin…
- Oui, désolé. C’est la première fois que j’ai une relation sexuelle avec un mec depuis ma rupture.
- Ah, ouais, je vois ce que c’est. Tu l’as encore dans la peau, dans la tête…
- Dans le cœur aussi hélas… Désolé… Je pensais qu’une histoire de cul pourrait me faire du bien mais ce n’est pas le cas.
- Non, c’est rarement le cas… En tous cas j’ai vraiment aimé ce moment avec toi. Et je suis content d’avoir été là au bon moment, même si toi tu n’as pas apprécié autant que moi… »


Gilles essaie de reprendre ses esprits, après tout Fabrizzio est très beau et le moment n’était pas si désagréable que ça.

« Non, dit Gilles, ce n’est pas ça. Tu m’excite beaucoup et j’ai passé un très bon moment…
- Alors il n’y a pas de raison pour qu’il y ait un malaise… On va reboire un verre et diner !
- Ok, avec plaisir. D’ailleurs je commence à avoir faim… Ton copain ne va pas rentrer à l’improviste ?
- Non pas de risque, il est en Allemagne pour 8 jours encore. Il bosse dans l’import-export. Il a sa propre société et il est donc souvent absent.
- Ca t’arrange bien j’imagine ?
- Oui, tu imagines bien ! Allez, viens, on retourne dans la cuisine.
- Je te suis… »


Fabrizzio termine la préparation.
Les verres de vins s’enchainent.
Puis ils passent tous les deux à table.
Le jeune homme à dressé une belle table, avec des bougies partout, un éclairage raffiné, une musique douce.
Les heures s’écoulent paisiblement entre dégustation et discussion.
Gilles écoute Fabrizzio lui raconter un peu de son histoire. Il dévoile aussi un peu de la sienne.
Vers les 2h du matin, Fabrizzio lui propose de dormir ici. Gilles accepte, de toute façon il n’a plus de bus pour rentrer chez lui.

Gilles ne remarque pas tout de suite la satisfaction qui se lit sur le visage de Fabrizzio.
Il n’a pas fait attention non plus que tout était arrangé à la perfection dans l’appartement.
Il ne sait pas que Fabrizzio déteste le désordre.
En fait, le jeune italien ne supporte pas les choses qui ne sont pas à leur place.
Le jeune italien est maniaque et lorsqu’il s’attache à quelqu’un c’est rapide, c’est violent.
Fabrizzio voit en Gilles le garçon qu’il recherche depuis longtemps.
Fabrizzio veut revoir Gilles tous les jours qui suivront cette soirée.
Fabrizzio veut entrer de plein pieds dans la vie de Gilles.
Il ne dit rien évidemment, Gilles risquerait de fuir devant cet empressement incompréhensible.
Alors Fabrizzio souffle sur les bougies, prend Gilles par la main et l’entraine dans la chambre.
Il l’embrasse tendrement avant de le laisser dormir.

Ne pas aller trop vite.
Ne pas tout faire chuter comme d’habitude par son empressement.
Prendre le temps de l’envahir petit à petit.

Gilles s’endort l’esprit tranquille.
A côté de lui, dans l’ombre, un danger le guette.
Il ne sait pas encore qu’il va faire l’objet d’une fixation d’un esprit malade.
S’il avait su tout ça, il aurait pris ses jambes à son cou.
Mais la machine est lancée et dans l’ombre, Fabrizzio sourit d’une étrange façon.
Puis il ferme ses yeux noirs.
Ses yeux de prédateur…


A suivre...

Sur le Trajet (chapître vingt-septième)

Madame Mère ouvre la porte avec enthousiasme et demande comment s’est passé cette première épreuve.
Gilles lui dit que tout à bien marché et comme il à un sourire radieux, Madame mère prend ce qu’il dit pour argent comptant.
Et elle a raison, puisque effectivement tout s’est bien déroulé dans cette épreuve.
La prochaine étant l’anglais, Gilles se dit que cela devrait être assez simple. Il aime cette langue et ne se débrouille pas mal depuis plusieurs années.
L’examen est dans une dizaine de jours, il va donc prendre un peu de temps pour lui.

« Maman, ce soir je sors pour me changer les idées !
- Ah oui ? Tu va ou ?
- Je sais pas, faut que j’appelle Nath pour voir comment ça s’est passé pour elle et on verra…
- Passes lui mon bonjour, et j’espère qu’elle s’est bien débrouillée aussi !
- Ben c’est ce que je vais voir tout de suite. Je vais l’appeler… »


Gilles appelle Nath mais n’a nullement l’intention de la voir le soir même. Il veut être seul dans ce bar et passer la nuit avec un inconnu.
C’est son but aujourd’hui.

Nath n’est pas très enthousiaste quant à sa dissertation de philo, mais comme elle est d’un naturel légèrement pessimiste, Gilles se dit qu’elle minimise encore ses facultés.
Il lui remonte un peu les bretelles et il raccroche.
Le téléphone sonne au même moment et Gilles décroche :

« Oui ?
- Gilles ?
- Oui…
- C’est Sylvie…
- Salut toi !!
- Alors cette épreuve ?
- Je suis très content de moi. Et toi, tu vas bien ? T’es à Lyon ?
- Oui je suis rentré il y’a deux jours et j’ai pensé à toi ce matin alors j’en ai profité.
- C’est gentil….
- … »


Gilles sent arriver la question.
Elle enfle en lui au niveau du ventre…
Elle remonte le long du sternum…
Telle une acidité gastrique elle s’insinue dans le larynx, remonte vers la gorge et se crache contre le microphone :

« Sylvie ? Tu as des nouvelles de Manu ?
- Je savais bien que tu n’attendrais pas plus de 60 secondes pour me poser cette question… Et la réponse est non ! Désolée, je n’ai rien ! Ni carte, ni lettre, ni appel… J’attends, je ne peux pas t’en dire plus.. Désolée ! Mais tu sais bien que si j’en avais eu tu aurais été le premier informé, tu peux me faire confiance !
- Merci c’est adorable. Mais il y’a un tel manque de lui la nuit, c’est ahurissant. Mais j’ai eu la chance de pouvoir pallier ça la journée par mes révisions. C’est déjà une bonne chose…
- Ne perd pas ta concentration. Je suis persuadé que quand il refera surface il t’appellera en premier.
- Je l’espère… En même temps ça me fait peur…
- Je te comprends, et je t’avoue ne pas être rassurée non plus…
- En tous cas on perd pas le fil entre nous hein ? Promis ?
- T’inquiètes pas mon Gillou, on reste en contact.
- Je t’embrasse fort ma grande et à très vite.
- Ciao bello »


Gilles reste un instant la main figée sur le combiné.
Il se dit que Sylvie est vraiment une fille bien. Elle a pensé à lui aujourd’hui pour le bac et elle l’a appelé.
Ca lui fait chaud au cœur.
Il se dit qu’il aurait pu l’appeler avant.
Déjà plus de 15 jours qu’il est parti de l’appart. Et il se sent bien con de n’avoir pas rappelé !!

Il est temps de passer à table et Gilles meurt de faim.
Il dévore une viande rouge et une salade de tomates.
Il laisse son esprit vagabonder.
Il a envie de faire une longue sieste après ce déjeuner.
Madame Mère l’encourage.

A 18h, Gilles refait surface. Il se précipite sous une bonne douche chaude qu’il termine glacée.
Il met une paire de pantalons noirs, des chaussures noires coquées, un tee-shirt rouge vif et enfile son petit sac à dos noir.
Il est prêt.
Il dévale les escaliers, prend le premier bus et se dirige vers le bar.
La rue est étroite et l’endroit sombre.
Après avoir sonné, il pousse la porte qui s’ouvre sur un petit bruit de gonds grinçants.
Il y’a de lourds rideaux de velours rouges qui forment un petit hall.
Le barman lui sourit et ouvre les rideaux.
Le bar est tout en longueur, avec une scène au fond.
La moquette est rouge et le bar est en bois lourd et sombre.
Il est presque 20 heures, et déjà plusieurs garçons discutent en buvant.
Certains d’entre eux lorgnent vers Gilles qui fait semblant de ne rien voir et sirote son Martini rouge tout en tirant sur sa cigarette.
C’est bien une cigarette… Ca donne une contenance !

Gilles n’a encore pas vu le garçon brun au regard sombre qui le scrute dans l’obscurité.
Et quand il croise ses pupilles noires, il est déjà trop tard…


A suivre...

16 mai 2007

Sur le Trajet (chapître vingt-sixième)

Les jours qui suivent, Gilles s’immerge totalement dans ses révisions.
Il ne pensait certainement pas pouvoir développer une telle concentration après cette brutale rupture. Pourtant, il est clair que son esprit ne tourne pas à tous les vents et il est vraiment impliqué dans ses cours.
Les mystères de l’esprit qui font que parfois, pour fuir une blessure, ils nous permettent de prendre « une pause » et de ne plus y penser, si tant est que l’on ait quelque chose d’autre à quoi se raccrocher.
Et c’est donc le cas ce mois de juin 87.
Le bac approchant, Gilles est content que cela lui serve de prétexte à l’oubli. Puis c’est un prétexte qui tombe relativement bien dans la mesure où le fait de se plonger dans les livres, permet à Gilles de ne plus penser à Manu la journée et, au final, de mettre toutes ses chances de son côté.
C’est « un mal pour un bien » comme le dit cette petite vindicte populaire.

Toutefois, lorsque la nuit s’en vient, il en est tout autre chose de la mémoire de Gilles.
Le moment qu’il redoute le plus est celui qui suit le coucher et précède en même temps l’arrivée du sommeil.
Ce petit laps de temps où le monde entier laisse vagabonder son esprit dans les méandres des pensées ; ce que l’on à fait, ce que l’on à pas fait ou ce que l’on aurait du faire…
Pendant ce petit interlude pré-ensommeillé, tout est permis et c’est la porte ouverte à toutes les angoisses, mais aussi à toutes les douleurs.
Et lorsque l’esprit se met à torturer Gilles bien malgré lui, les larmes silencieuses sont nombreuses. Car au creux de la nuit on cache plus facilement ses failles.
Et Gilles, quelque part, attend ce moment impatiemment.
Il aime à se remémorer tout les moments intenses de son histoire avec le blond démon. Et même s’il sait qu’il va pleurer, il ne peut s’empêcher de faire autrement chaque soir en s’endormant.
Et comme l’état de tristesse fait qu’il s’endort plus vite, Gilles se laisse aller à ses souvenirs le plus souvent possible.

Il n’en a pas honte.
Car après tout, qui peut se targuer d’avoir vécu presque six mois aussi pleins, aussi riches, aussi emplis d’amour que lui à son jeune âge ?
Il en souffre aujourd’hui ? Et alors ?
Il ne regrette rien Gilles. Et il se le répète chaque soir.
Mieux vaut une souffrance comme la sienne plutôt qu’une vie exempte de pleurs mais également exempte d’amour.
Et même si l’amour s’arrête un jour, le simple fait de l’avoir rencontré permet déjà de se dire que l’on à pas vécu pour rien.
Gilles le sait, la vie commence à peine à l’aube de ses 19 ans et l’année qu’il vient de vivre est l’une des plus belles.
Elle le marquera à vie.
Il en est sur à ce moment là.
Il ne se doute pas que vingt ans plus tard, cette lointaine année serait toujours aussi vivace en son esprit…

Le jour J est arrivé. Gilles s’est levé aux aurores pour se rendre à sa première épreuve du bac, celle de Philo.
Le lycée qui accueille les bacheliers est plus loin que ce qu’aurait cru Gilles, mais comme son père l’accompagne en voiture il ne s’en fait pas trop. Il se débrouillera pour rentrer après par les transports en commun.
De toute façon il aura tout son temps à ce moment là.
Monsieur Père le dépose devant le Lycée qui se trouve en banlieue lyonnaise, Gilles embrasse ce dernier et lui fait un petit sourire avant de repousser la porte de la voiture.
Il pénètre dans la salle d’examen. Il reconnaît une personne ici ou là, mais chacun à été séparé dans des établissements différents.
Il aurait aimé être avec Nathalie ce matin-là, mais il est tout seul.
Alors il s’installe à une table. En bout de rangée. Il sort sa pièce d’identité, son stylo et il attend.
Il a le cœur qui bat un peu plus vite que la normale. Mais rien de grave.
Sans aucune commune mesure avec le jour ou il a fait l’amour avec Manu la première fois…
Non, Gilles ne veut pas se laisser entraîner par ses pensées. Surtout pas maintenant.
Ce soir… Oui ce soir il pourra repenser à cette première fois s’il le souhaite.
Pour l’heure il faut être clair. Il faut se lancer dans la grande aventure du baccalauréat.
Cette fameuse épreuve qui clos un cursus scolaire et dont il à l’impression d’avoir toujours entendu parler, tellement cela à de l’importance dans l’imaginaire collectif en ces années 80.
L’épreuve dure 3 heures.
Gilles laisse aller son crayon et rédige un commentaire de texte.
Cela parle de liberté, d’intégrité, de dignité.
C’est un texte de Rousseau.
Gilles laisse courir son imagination, il forme des mots, trace des lignes.
Les trois heures passent à la vitesse de la lumière.
Il pose le point final et relève la tête.
Prend un pause avant de se relire et remarque que plusieurs sièges sont déjà vides.
Sans doute que les sujets n’ont pas inspirés tout le monde.
Certains sont partis sur la pointe des pieds.
Gilles, quant à lui, n’en revient pas d’avoir été tellement inspiré.
Il se plonge dans sa relecture.

Ceci étant fait, et avant de partir, il conserve son brouillon avec lui et pose la feuille au bord noir corné, qui recèle son identité, sur le bureau de l’examinateur.
Ce dernier remercie Gilles dans un sourire.
Gilles lui rend la politesse en se disant que ce mec d’une trentaine d’année est plutôt mignon.
Voire bandant.
Il fixe alors l’homme quelques secondes supplémentaires avec un second sourire.
Ce dernier semble un peu surpris, en fait « gêné » semble le terme. Mais cette « gêne » n’est pas tant liée au regard de Gilles, mais plutôt au lieu de l’instant.
Gilles se retourne et sort de la salle.

Il vient de comprendre qu’il plaît.
Cette notion avait complètement désertée son esprit dans la mesure où depuis plus de 6 mois il ne vivait qu’à travers Manu et ne s’est jamais arrêté sur les regards que portaient les autres sur lui.
Ce matin c’est flagrant.
Gilles ressort du lycée, ajuste son tee-shirt blanc, enfile son sac à dos et allume une cigarette.
C’est plein soleil aujourd’hui, alors Gilles sort ses lunettes noires.
Avec elles, il voit sans forcément être vu par un subtil jeu de regard et de mouvement de tête.
Gilles mate.
Gilles se fait mater.
Gilles rentre chez lui en sifflotant.
Ce soir c’est détente.
Ce soir il va sortir boire un verre.
Il va aller dans ce nouveau bar le « JM Pub ».
Il veut dévorer un corps.
Il veut bruler une âme…


A suivre...

Sur le Trajet (chapître vingt-cinquième)

Gilles ne peut se résoudre à quitter la rue du Dauphiné.
Cela fait huit jours qu’il dort dans le lit sans Manu.
Sylvie veille un peu sur lui mais est souvent absente du fait de ces nombreux stages universitaires.
Gilles ne peut se résoudre à avouer à Mme Mère que Manu est parti.
Que Manu l’a quitté ? Non, que Manu est parti ! Cela sonne différemment à l’oreille de Gilles.
Toujours est-il qu’il passe ses soirées seul, prostré dans la chambre en espérant toujours le voir revenir.
Mais les jours passent et la porte ne s’ouvre toujours pas.
Nathalie est au courant aussi et essaye tant bien que mal de lui remonter le moral. Mais rien n’y fait.
Plus de goût à rien.
Il ne parvient pas plus à se concentrer sur ses cours pour terminer les révisions pour le bac qui n’est plus qu’à moins d’un mois. La première épreuve est le 19 juin. Dans moins de trois semaines.
Biquet et Jean-Yves appellent souvent à l’appart pour prendre de ses nouvelles. Isabelle aussi. Ils savent qu’il est toujours là et qu’il n’est pas rentré rejoindre ses parents.
Car rentrer, ce serait accepter que l’histoire est terminée.
Rentrer ce serait se dire que c’est un retour à la case départ.
Rentrer ce serait définitivement passer à autre chose.
Et pour Gilles, ce printemps là, il n’en est pas question.
Ou alors, il faudrait juste qu’il arrive à lâcher prise.
A se dire qu’il faut repartir.
Réapprendre à avancer seul.
Arrêter de se demander comment il va, ou il est et ce qu’il fait.
Ailleurs, avec d’autres.
Sans lui.

Au final, un soir qu’il revient d’un diner chez Isabelle et Amar, il lâche tout.
Le diner était bien.
Mais cela ne sera plus jamais « aussi bien » puisqu’il n’est plus là !
Car le fait de continuer à voir les amis que Manu lui a présenté est très dur à vivre.
Chaque instant, chaque regard, chaque lieu lui font penser à lui.
Il le voit partout, il à l’impression que lorsqu’une porte s’ouvre, il va entrer, lui sourire et l’embrasser.
Mais cela n’arrive jamais.
Gilles comprend que c’est peut-être le moment d’essayer de tourner une page.

Il lâche donc tout ce soir là.
Il pleure longtemps seul dans le petit appartement.
Puis il appelle Mme Mère et lui dit qu’il va rentrer dormir à la maison.
Elle ne lui pose pas de question.
Il rassemble les affaires éparses, les fourre dans un grand sac de toile noire.
Il laisse le double des clés sur la table de la cuisine avec un petit mot à l’attention de Sylvie qui doit rentrer le lendemain matin : « Je crois qu’il est temps que je parte. Je t’appelle bientôt. Merci pour tout. Je t’embrasse. »
Il jette un regard triste à la salle de bain. Les serviettes sont sur leur portant.
Il ne peut s’empêcher de repenser à la première fois qu’il a pris une douche avec lui dans cette baignoire.
Il éteint la lumière et claque la porte.
Les escaliers semblent ne pas en finir tandis qu’il les dévale.
Il sort de l’allée et remonte la rue. Il va essayer de prendre le bus si celui-ci ne passe pas trop tard.
Sinon il rentrera à pieds.
Non, finalement il préfère rentrer à pieds directement. Ca lui aèrera l’esprit.

Il sort les clés de chez lui de son sac. Cela fait plusieurs mois qu’il ne s’en est pas servi à cette heure de la nuit.
Sale nuit que celle-ci !
Il n’y a pas de bruit à l’intérieur.
Mme Mère est assise dans la cuisine et boit un thé.
Pas encore couchée alors qu’il n’est pas loin de 2 heures du matin.
Elle se lève simplement et prend Gilles dans ses bras.
Il pleure une nouvelle fois. En silence.
D’ailleurs aucun mots ne seront prononcés.
Gilles l’embrasse et rentre se coucher dans sa chambre.
Il ferme la porte et jette le sac dans une armoire.
Sans le vider.
Comme s’il allait repartir le lendemain avec.
Comme si ce n’était qu’une pause d’une nuit.
Il s’allonge sur le lit tout habillé.
Il essaye de ne pas perdre pieds dans ce vide immense qu’il ressent cette nuit là. Dans son petit lit d’adolescent.
Après plus de 6 mois passé dans un lit adulte avec l’homme qu’il aime encore.
Il ferme les paupières.
Son sommeil survient.
Gilles s’endort toujours facilement quand il est triste.
C’est comme un somnifère la tristesse.
Ca donne envie de fermer les yeux.
Ca donne envie de se laisser partir.

Le lendemain l’aube est morne et Gilles est toujours allongé tout habillé.
Il a du dormir d’un sommeil lourd car il n’a pratiquement pas bougé.
Le dessus de lit n’est presque pas froissé.
Il lui faut un moment pour rassembler ses esprits et se dire qu’il est de nouveau chez lui, avec ses parents.

La bonne odeur du café arrive à son nez.
Les bruits matinaux qui n’ont pas changés depuis 6 mois.
Comme un long flash back. Gilles sourit légèrement.
Les bases d’une vie sont toujours là.
Et c’est sa vie à lui.
Il doit la continuer.
Garder le meilleur de tout ce que Manu lui a apporté.
S’en servir et reprendre la marche.

Il se lève d’un bond, s’attable à la cuisine pour boire son café et embrasse sa mère au passage.
« Comment vas-tu ?
- Ca va maman !! Faut que je m’active, j’ai mille révisions à faire… »

Il sourit de nouveau en avalant une tartine de confiture.
Mme Mère détourne un peu le visage.
Un sourire l’éclaire également…

Nous sommes le 3 juin 1987.
Gilles est à 15 jours du Bac.
Il va mettre les bouchées doubles.
Il a comme une bulle d’oxygène au niveau de l’estomac.
Il ne sait pas d’où ça vient.
Mais ça fait du bien.
Un bien fou…


A suivre...