16 mai 2007

Sur le Trajet (chapître vingt-sixième)

Les jours qui suivent, Gilles s’immerge totalement dans ses révisions.
Il ne pensait certainement pas pouvoir développer une telle concentration après cette brutale rupture. Pourtant, il est clair que son esprit ne tourne pas à tous les vents et il est vraiment impliqué dans ses cours.
Les mystères de l’esprit qui font que parfois, pour fuir une blessure, ils nous permettent de prendre « une pause » et de ne plus y penser, si tant est que l’on ait quelque chose d’autre à quoi se raccrocher.
Et c’est donc le cas ce mois de juin 87.
Le bac approchant, Gilles est content que cela lui serve de prétexte à l’oubli. Puis c’est un prétexte qui tombe relativement bien dans la mesure où le fait de se plonger dans les livres, permet à Gilles de ne plus penser à Manu la journée et, au final, de mettre toutes ses chances de son côté.
C’est « un mal pour un bien » comme le dit cette petite vindicte populaire.

Toutefois, lorsque la nuit s’en vient, il en est tout autre chose de la mémoire de Gilles.
Le moment qu’il redoute le plus est celui qui suit le coucher et précède en même temps l’arrivée du sommeil.
Ce petit laps de temps où le monde entier laisse vagabonder son esprit dans les méandres des pensées ; ce que l’on à fait, ce que l’on à pas fait ou ce que l’on aurait du faire…
Pendant ce petit interlude pré-ensommeillé, tout est permis et c’est la porte ouverte à toutes les angoisses, mais aussi à toutes les douleurs.
Et lorsque l’esprit se met à torturer Gilles bien malgré lui, les larmes silencieuses sont nombreuses. Car au creux de la nuit on cache plus facilement ses failles.
Et Gilles, quelque part, attend ce moment impatiemment.
Il aime à se remémorer tout les moments intenses de son histoire avec le blond démon. Et même s’il sait qu’il va pleurer, il ne peut s’empêcher de faire autrement chaque soir en s’endormant.
Et comme l’état de tristesse fait qu’il s’endort plus vite, Gilles se laisse aller à ses souvenirs le plus souvent possible.

Il n’en a pas honte.
Car après tout, qui peut se targuer d’avoir vécu presque six mois aussi pleins, aussi riches, aussi emplis d’amour que lui à son jeune âge ?
Il en souffre aujourd’hui ? Et alors ?
Il ne regrette rien Gilles. Et il se le répète chaque soir.
Mieux vaut une souffrance comme la sienne plutôt qu’une vie exempte de pleurs mais également exempte d’amour.
Et même si l’amour s’arrête un jour, le simple fait de l’avoir rencontré permet déjà de se dire que l’on à pas vécu pour rien.
Gilles le sait, la vie commence à peine à l’aube de ses 19 ans et l’année qu’il vient de vivre est l’une des plus belles.
Elle le marquera à vie.
Il en est sur à ce moment là.
Il ne se doute pas que vingt ans plus tard, cette lointaine année serait toujours aussi vivace en son esprit…

Le jour J est arrivé. Gilles s’est levé aux aurores pour se rendre à sa première épreuve du bac, celle de Philo.
Le lycée qui accueille les bacheliers est plus loin que ce qu’aurait cru Gilles, mais comme son père l’accompagne en voiture il ne s’en fait pas trop. Il se débrouillera pour rentrer après par les transports en commun.
De toute façon il aura tout son temps à ce moment là.
Monsieur Père le dépose devant le Lycée qui se trouve en banlieue lyonnaise, Gilles embrasse ce dernier et lui fait un petit sourire avant de repousser la porte de la voiture.
Il pénètre dans la salle d’examen. Il reconnaît une personne ici ou là, mais chacun à été séparé dans des établissements différents.
Il aurait aimé être avec Nathalie ce matin-là, mais il est tout seul.
Alors il s’installe à une table. En bout de rangée. Il sort sa pièce d’identité, son stylo et il attend.
Il a le cœur qui bat un peu plus vite que la normale. Mais rien de grave.
Sans aucune commune mesure avec le jour ou il a fait l’amour avec Manu la première fois…
Non, Gilles ne veut pas se laisser entraîner par ses pensées. Surtout pas maintenant.
Ce soir… Oui ce soir il pourra repenser à cette première fois s’il le souhaite.
Pour l’heure il faut être clair. Il faut se lancer dans la grande aventure du baccalauréat.
Cette fameuse épreuve qui clos un cursus scolaire et dont il à l’impression d’avoir toujours entendu parler, tellement cela à de l’importance dans l’imaginaire collectif en ces années 80.
L’épreuve dure 3 heures.
Gilles laisse aller son crayon et rédige un commentaire de texte.
Cela parle de liberté, d’intégrité, de dignité.
C’est un texte de Rousseau.
Gilles laisse courir son imagination, il forme des mots, trace des lignes.
Les trois heures passent à la vitesse de la lumière.
Il pose le point final et relève la tête.
Prend un pause avant de se relire et remarque que plusieurs sièges sont déjà vides.
Sans doute que les sujets n’ont pas inspirés tout le monde.
Certains sont partis sur la pointe des pieds.
Gilles, quant à lui, n’en revient pas d’avoir été tellement inspiré.
Il se plonge dans sa relecture.

Ceci étant fait, et avant de partir, il conserve son brouillon avec lui et pose la feuille au bord noir corné, qui recèle son identité, sur le bureau de l’examinateur.
Ce dernier remercie Gilles dans un sourire.
Gilles lui rend la politesse en se disant que ce mec d’une trentaine d’année est plutôt mignon.
Voire bandant.
Il fixe alors l’homme quelques secondes supplémentaires avec un second sourire.
Ce dernier semble un peu surpris, en fait « gêné » semble le terme. Mais cette « gêne » n’est pas tant liée au regard de Gilles, mais plutôt au lieu de l’instant.
Gilles se retourne et sort de la salle.

Il vient de comprendre qu’il plaît.
Cette notion avait complètement désertée son esprit dans la mesure où depuis plus de 6 mois il ne vivait qu’à travers Manu et ne s’est jamais arrêté sur les regards que portaient les autres sur lui.
Ce matin c’est flagrant.
Gilles ressort du lycée, ajuste son tee-shirt blanc, enfile son sac à dos et allume une cigarette.
C’est plein soleil aujourd’hui, alors Gilles sort ses lunettes noires.
Avec elles, il voit sans forcément être vu par un subtil jeu de regard et de mouvement de tête.
Gilles mate.
Gilles se fait mater.
Gilles rentre chez lui en sifflotant.
Ce soir c’est détente.
Ce soir il va sortir boire un verre.
Il va aller dans ce nouveau bar le « JM Pub ».
Il veut dévorer un corps.
Il veut bruler une âme…


A suivre...

3 Comments:

Anonymous Anonyme said...

"Un lycée de banlieue"; QUOI??? Tu as donc déjà mis un pied en banlieue??? lol. Mais quel était ce lycée?

11:29 AM  
Blogger Dragibus Rinpoché said...

est ce là la fin de l'histoire?
Un petit épilogue peut être?

2:34 PM  
Blogger Sha said...

Aurel> Je ne me souviens plus du nom de ce lycée. Mais je te confirme, c'était en banlieue... Tu imagines un peu ?? LOL !

Dragi> Non, l'histoire est loin d'être terminée... Que tous mes fans se rassurent !! LOL (bis) ;-)

6:55 AM  

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