03 mai 2007

Sur le Trajet (chapître vingt-et-unième)

Les deux amants se précipitent donc dans le métro pour rentrer chez eux. Ils courent presque dans la rue pour pouvoir très vite se retrouver entre eux afin de laisser libre cours à leurs désirs réciproques trop mis en berne par la force des choses ces derniers jours.
Ils ouvrent la porte et la claque violemment.
Personne ne sait qui déshabille qui car les corps tournent en cadence tandis que les vêtements s’envolent et retombent telle une pluie de coton sur le parquet du petit appartement de la rue du Dauphiné.
Les mains des deux garçons parcourent le corps de l’autre comme une découverte alors qu’ils en connaissent les moindres secrets depuis plusieurs mois.
Il y’a comme une urgence dans les gestes échangés, comme si cette étreinte était la dernière. Chacun des deux amants s’occupe avant tout du plaisir de l’autre. Cela à toujours été ainsi depuis le début entre eux, car ni l’un ni l’autre ne peut concevoir de prendre du plaisir sans en donner à l’autre.
Alors les deux garçons s’attendent, s’épient, s’éprennent…
Comme des serpents enfermés dans une cage de verre, les deux corps glissent, s’enlacent, se serrent pour donné l’impression de ne faire plus qu’un.
Un corps unique formé de l’essence de chacun.
Un être mutant composé de deux amours réciproque, un magma de sens, un bouillonnement de vie.
Les heures passent et les amants ne se lassent pas de s’accrocher l’un à l’autre.
Les draps trempés de leur sueur se froissent au moindre mollet qui glisse dessus, au moindre dos qui serpente dessus, à la moindre main qui s’y agrippe.
A l’heure du dernier cri, la nuit s’avance déjà derrière les volets clos et, comme surpris par tant d’appétit et de désir, Gilles et Manu se regardent pantois en se disant que jamais cela n’avait été aussi fort entre eux.
C’est comme un sommet, le haut d’une vague….

Est-ce que l’on peut rester indéfiniment au sommet de la vague ?
Doit-on forcément redescendre un jour ?
L’autarcie des sens est-elle possible ?

Manu entraîne Gilles sous la douche et ils recommencent leur jeu de chaque fois qu’ils se retrouvent nus dans cette baignoire.
Le carrelage de la salle de bain est toujours mis à rude épreuve, mais tels deux enfants déchaînés, ils font les fous, s’arrosent, se donnent des claques sur les fesses et se jette du shampooing à la figure.
Chacun garde en soi une part de l’enfance et de ses désordres. Manu et Gilles en sont le meilleur exemple à cet instant là.
Ils sortent enfin de la baignoire et s’essuient mutuellement, avec toujours des mouvements tout en douceur. La peau de Manu est toujours diaphane. Comme si le rose semblait absent.
Gilles le remarque surtout sur la poitrine ou il aperçoit même le bleu des veines à fleur de peau. Puis il dépose un baiser au creux des reins de Manu.
Manu prend son visage dans ses mains pour l'embrasser.
Il lui propose d’aller enfin diner dans ce restaurant ou ils devaient aller le jour de son malaise.
Gilles est d’accord.
Manu appelle, réserve, emprunte la voiture de Sylvie et quelques instants plus tard, ils roulent ainsi tous les deux pour sortir de Lyon et se rendre dans les Dombes à une cinquantaine de kilomètres de là.
Il n’y a personne sur la route, les vitres sont baissées car l’air est lourd.
La radio diffuse un hit de l’époque, une musique house, quelque chose de très saturé.
Le volume est au maximum.
Manu accélère.
Le vent pénètre l’habitacle de la voiture et donne un parfum de fraîcheur de plus en plus prégnant tandis qu’ils sortent de la ville et pénètrent dans la campagne alentours.
Il y’a des odeurs de fleurs, d’herbe coupée, de terre mouillée.
Gilles fume une cigarette en laissant son esprit vagabonder. Il adore faire ça à chaque fois qu’il est en voiture.
Rouler lui donne toujours envie de s’évader, et rarement il parle à l’autre quand il est en voiture.
Manu le sait et ne s’en offusque pas, puis de toute façon entre le bruit de la radio et celui du moteur, toutes velléités de conversations seraient immédiatement réduites à zéro.
Alors Gilles tire des bouffées sur sa cigarette dont l’embout rougit ardemment avec la force du vent.
Manu passe la vitesse supérieure.
Les phares des voitures en sens inverse se font de plus en plus rares, signe qu’ils s’éloignent un peu plus de la ville à chaque minute qui passe.
Manu accélère encore.
Gilles laisse sa tête flotter dans le vent.
Manu tourne la sienne vers lui et lui fait son plus beau sourire.
Il n’a pas le temps d’éviter la voiture qui arrive en face.
Les genoux de Gilles explosent contre la boîte à gant tandis que Manu est projeté à travers le pare-brise.
Il fait sombre et Gilles se laisse aller doucement, tout doucement contre l’ombre…


A suivre...