09 mai 2007

Sur le Trajet (chapître vingt-troisième)

La soirée s’achève tard dans la nuit et les quatre garçons sont bien fatigués et plutôt ivres. De fait, Gilles et Manu restent dormir chez le couple d’amis qui déplie le canapé et confectionne un lit douillet pour recevoir en son creux les corps alcoolisés des deux garnements énamourés.
Il est presque 5 heures du matin en ce dimanche de mai.
Le sommeil est immédiat pour tous car Gilles à juste le temps d’écouter le silence environnant avant de mettre un bras autour de celui qu’il aime et de s’endormir.
Le sommeil est profond.
Aux alentours de midi, de petits bruits venant de la cuisine se font un peu entendre.
Gilles ouvre les yeux.
Presque sept heures de sommeil non-stop. Il se sent bien dès le réveil. Pas de mal de tête, pas le corps lourd. Il est bien tout simplement.
Il devine que Biquet et Jean-Yves sont en train de préparer un petit déjeuner qui, les connaissant, sera plus de l’ordre du brunch. C'est-à-dire du ‘salé’ qui tient au ventre mais aussi du thé, du jus de fruits, etc…
Il tourne la tête vers l’homme de sa vie. Celui-ci dort comme un bébé et émet un léger ronflement. L’alcool à souvent sur lui un effet soporifique.
Gilles dépose un baiser sur son front et se lève pour se diriger vers les bonnes odeurs des dimanches matins.

Les dimanches matins !
Depuis toujours il les aime lorsqu’il se réveille dans un endroit qui n’est pas chez lui. Car cela signifie obligatoirement que la soirée précédente fut belle et agitée et que le dimanche commence donc aussi de manière festive dans la mesure où l’on se retrouve avec les mêmes que la veille et que, encore la tête toute agitée, on se retrouve, la gueule enfarinée, ensemble pour partager ce début de journée.
Les dimanches ordinaires sont tellement mornes, que l’expectative d’avoir une matinée plus accélérée qu’a l’habitude est tout à fait stimulante.
Gilles se dit au passage, que cela fait presque 6 mois que ses dimanches ont toujours ce goût de fête. Même lorsqu’il n’est pas avec Manu, le simple fait de savoir qu’il va le voir dans la journée met de la lumière dans le gris du ciel lorsque les dimanches mornes de l’hiver ne nous poussent pas plus loin que le canapé et la TV, pour se laisser aller à zapper et à s’encombrer la tête d’images inutiles, souvent incompréhensibles mais qui, à chaque fois, ont l’avantage de faire passer le temps…

Gilles franchit le seuil du salon.
Les deux garçons s’activent à faire la cuisine, ils sont déjà tout sourire et viennent faire de gros bisous sonores à Gilles qui se retrouve propulsé sur la chaise avec un grand verre de jus de fruit devant lui.

« - Alors bien dormi coco ? demande Biquet
- Carrément bien oui. J’ai même pas le moindre début d’une petite migraine, c’est magique non ?
- Non
, renchérit Jean-Yves, c’est simplement que les alcools étaient de bonnes qualités darling et que tu n’as pas fait trop de mélanges.
- Mmmouais… Sans doute, mais en tout cas j’étais bien bourré en me couchant. Mon organisme doit bien s’accommoder de tout ça. Je dois avoir de la chance de ne pas être en train de vomir sur les chiottes !!
- C’est sur
, réplique Jean-Yves, c’est le privilège de n’avoir encore pas 20 ans.
- Arrêtes de faire ta « vieille »
rétorque Biquet dans un sourire… »

Gilles s’aperçoit qu’il ne s’est pas trompé quant aux odeurs des aliments. Effectivement en plus du thé, des tartines et des fruits, Biquet fait une grande poêle d’œufs brouillés au bacon et au saumon tout en découpant quelques tranches de jambon et de fromages divers et variés.
Gilles en à l’eau à la bouche et est bien étonné de la force de sa faim.
Ce matin, il dévorerait un loup.

Sur ce, Manu fait son entrée en scène. Les cheveux hirsutes et la mine un peu pâle, il semble tout de suite dans un moins bon état que les autres. Il regarde les 3 garçons, l’œil torve, et voit très vite que ces derniers ont bonne mine. Ca l’énerve un peu. Il ronchonne des borborygmes inaudibles et vient s’asseoir sur les genoux de Gilles. Au passage il vide son verre de jus de fruit et émet un petit rôt des plus distingués.
Gilles met sa main glacée dans le caleçon de Manu pour redonner un peu de tenue à celui-ci.
L’effet est immédiat et Manu se retourne pour chahuter sous le regard amusé des autres.
Tout le monde s’attable pour engouffrer cette divine nourriture qui se présente.
Biquet et aux anges. Par-dessus tout il adore quand leurs invités se régalent de ses repas. Et comme c’est le cas à chaque fois, et bien Biquet vole toujours sur son nuage de bonheur au gré du temps.

Dans le milieu de l’après-midi, et après la douche d’usage, les quatre compères décident d’aller marcher dans la vieille ville.
Le ciel est bleu et le soleil de la partie.
Ils se dirigent donc vers le vieux Lyon tout en flânant devant les boutiques fermées du centre ville.
Certains garçons connus du milieu gay croisent leur route et font un petit salut discret vers eux.
L’air est léger et Gilles se sent en phase avec la douceur du jour.
Il est bien en compagnie de son homme et de ces deux amis avec qui il commence réellement à être à l’aise ; non plus comme une ‘pièce rapportée ‘ mais dorénavant comme quelqu’un d’intégré au groupe.
Véritablement intégré, même « accepté » ce qui est en soi énorme quand on arrive dans un groupe aussi soudé que celui de « La rue du Dauph » comme ils se sont auto-nommés eux-mêmes.
Comme une espèce de club secret. Quelque chose d’inaccessible.

Ainsi ils marchent dans la ville et se dirigent vers St-Jean.
Manu va bien, il doit reprendre son travail le lendemain, d’ailleurs en passant devant la gare St-Paul, Manu dit devoir téléphoner à son patron. Il y’a une cabine dans la gare. Il s’y dirige et dit au groupe de ne pas l’attendre. Il les rejoindra dans 5 minutes.
Alors les 3 garçons continuent de flâner.
Biquet regarde les boutiques.
Jean-Yves s’arrête devant tel ou tel immeuble. L’architecture lui parle.
Gilles ferme les yeux et fait face au soleil.
Manu les rejoint quelques instants plus tard et ils continuent tous ensemble leur marche.
Les cœurs battent à l’unisson.

Sauf celui de Manu qui bat plus vite.
Il angoisse un peu à devoir mettre à exécution sa décision.
Car dans quelques heures il va partir.
Et ce voyage va être terrible.
Il retourne dans son passé.
Il va faire face à sa mère, à son père.
Ces inconnus depuis tant d’années.
Il va leur dire que sa vie ne tient qu’à un fil.
Il va leur dire tout ce qu’il à traversé par leur faute.
Il en a besoin.
Il part seul et n’a parlé à personne de tout ça.
Il va en profiter aussi pour mettre une distance entre lui et Gilles.
Sinon il n’y arrivera pas.
Il aime trop Gilles pour l’emmener dans ses gouffres.
Il a des larmes qui commencent à monter, mais il les étouffe dans un sourire quand il croise le regard de celui qu’il aime.

Il remonte ses lunettes de soleil.
Dans sa veste un billet de train est soigneusement plié.
Départ ce jour à 19h00
Direction Nantes.
Un aller simple…


A suivre