11 juillet 2007

Sur le Trajet (chapître final)

Deux jours plus tard, Gilles est dans le train qui l’emmène dans les montagnes.
Le dimanche qui a suivit la soirée s’est passé avec Fabrizzio entre sexe et sommeil tout au long d’une journée caniculaire.
Fabrizzio a bien tenté de retenir Gilles en lui demandant de ne pas partir, mais ce dernier s’est montré intransigeant et n’a pas voulu remettre à plus tard ce départ qu’il attendait tant.

Ainsi, en ce lundi 11 juillet 1987, Gilles se laisse bercer par les légères secousses du train corail qui file à travers les portes de la Provence en direction de l’Ardèche.
Pendant ce court voyage il pense à l’évolution de sa vie depuis ces huit derniers mois.
Il se dit que c’est forcément une période charnière qui arrive dans toutes vies et qui présage les futures routes qu’il empruntera.
Tout à commencé à changer il y’a huit mois lorsqu’il à rencontré Manu par une froide journée d’hiver et depuis lors il a l’impression de s’être élevé en tant qu’être humain, en tant qu’homme.
Il à connu l’amour, le vrai, celui qui donne le tournis, celui qui fait tourner la tête dans les étoiles, celui aussi qui fait mal et qui grignote l’âme et le cœur.
Pourtant, jamais personne ne devrait avoir à passer à côté de ça au moins une fois dans sa vie.
Même si ça fait mal à la fin, l’envol initial et cette sensation unique n’a pas d’égal.
Il à connu aussi le sexe pour le sexe.
Il sait d’ors-et-déjà que les accélérations cardiaques liées à la montée d’un violent désir sont des plus attirantes.
Il n’a aucun doute, ce jour là, sur le fait que ce sexe là, celui qui est vécu dans l’urgence, dans la pénombre, à l’aune du danger, ce sexe là, oui, il va le consommer encore, le consumer jusqu’à l’étouffement, jusqu’à l’over dose.
Il a connu aussi la libération.
Il a pu dire autour de lui ce secret qu’il conservait par crainte.
Dire à ses proches et à tous ceux qui l’entourent ce qu’il est vraiment.
Son attirance pour les garçons n’est plus un sujet tabou et la fin des mensonges est une vraie délivrance.
Il a connu aussi les peurs et les colères qu’il pouvait engendrer chez un autre.
Aujourd’hui il part en ayant pris la décision de continuer cette histoire avec Fabrizzio, quoi qu’il lui en coûte. L’acharnement de ce dernier à lui donner du plaisir, à lui faire plaisir, fait dire à Gilles que c’est certainement quelqu’un de bien et qu’il ne doit pas prendre le risque de passer à côté.
Puis les jours passant il à remarqué que oui, il ressentait quelque chose pour lui.
Et il s’est dit, hier soir, avant de le quitter pour rentrer, que c’était certainement de l’amour.
Alors il à dit « je t’aime » à Fabrizzio.
Il a vu une réaction qui lui a fait monter les larmes aux yeux.
Car de voir celui qui entend cette phrase pleurer de bonheur, ça transporte aussi.
Se dire que le garçon en face n’attendait que ça et que ce garçon est prêt à tout pour vous, c’est quelque chose que l’on ressent rarement.
Alors Gilles et Fabrizzio démarre cette histoire.
Advienne que pourra, mais advienne tout de même.
Fabrizzio va profiter des vacances de Gilles pour mettre un terme à sa relation avec François et va prendre un appartement proche de chez Gilles.
Ainsi, lorsque les cours en fac débuteront, Gilles pourra plus facilement passer ses nuits avec Fabrizzio tout en étant proche de chez lui pour travailler le soir.
Gilles est heureux de cette prise de décision, il décide de construire quelque chose, ou tout du moins d’essayer.

Le train file toujours sur ses rails bruyants, les fenêtres sont baissées et l’air s’engouffre dans le wagon donnant un semblant de fraîcheur à cette journée caniculaire.
Le reflet de son visage dans la vitre, Gilles se dit qu’il à de la chance et qu’il se sent vraiment bien à l’aube de ses vacances.
Et que tout concours à une vie qui s’annonce merveilleuse.

C’est normal, à 19 ans, on a encore des espoirs plein la tête et de l’air plein les poumons.
A 19 ans on n’est pas usé par l’oubli et le monde, les hurlements et les silences, par l’avenir et l’ironie.
A 19 ans on n’imagine pas que le meilleur ressemble toujours au pire et que les promesses sont toujours des promesses.
A 19 ans on ne connaît pas la folie des autres, et l’on ne prête pas attention au temps qui passe et à la jeunesse qui se meurt.
A 19 ans on n’imagine pas que l’on peut, plus tard, regretter d’avoir fuit une aventure.
Que l’on peut aussi ne plus comprendre la vie qui tourne toujours plus à tous les vents.
A 19 ans on ne pense pas que nos âmes peuvent se perdre et que nos cœurs peuvent hurlés au secours.

A 19 ans on connaît encore des vendeurs de merveilles et des joueurs de tambours.
A 19 ans on se dit que le monde est beau et que c’est beau d’aimer.
A 19 ans on se sent capable de construire un empire juste pour un sourire.
A 19 ans on veut battre le ciel pour un futur plus beau.

A 19 ans on ne sait pas que les anges et les colombes, immanquablement, vont s’enfuir avec le vent.
A 19 ans on ne se doute pas que la mort de quelqu’un peut laisser un cœur à tout jamais ouvert.
A 19 ans on ne peut pas croire qu’éternellement ce cœur saigne à n’en plus comprendre ou est l’Eden et ou est l’Enfer.

Le train file à toute allure et Gilles ferme les yeux.
C’est bientôt la fin du voyage et le début d’un autre.
C’est la vraie vie qui se profile à l’horizon.
Et Gilles est sur son trajet…


FIN.