30 janvier 2006

Manu

Il y’a longtemps mon Manu.
Vingt ans exactement que l’on s’est rencontré. C’était dans un bar (et oui… déjà !), j’avais 18 ans, tu en avais 25. Tout de suite tes yeux m’ont enlevés. Ton sourire tout autant. Il faut dire que tu n’avais pas ton pareil pour séduire les mecs, toi, mon Manu.
Puis il y’avait cette cicatrice au dessus de tes lèvres.
Tu avais passé la tête à travers une vitre… Un peu fou mon Manu !
Alors oui, j’ai été séduit, d’emblée. Alors oui je t’ai suivi, immédiatement. C’était purement sexuel à la première heure. C’est devenu très vite autre chose au jour suivant.

Tu m’as tout dit très vite : la séropositivité, tes parents que tu ne voyais presque plus, la prison… Les conneries de jeunesse d’un tendre voyou. J’ai toujours aimé ça chez toi. Tu disais les choses sans chercher à les enrober. La vérité nue, la vérité crue.
Comme une évidence j’étais accro à toi. Tu étais le premier garçon dont je tombais amoureux. Ca fait drôle à 18 ans d’aimer pour la première fois… Même ta séropositivité ne me faisait pas peur. On prenait bien sûr nos précautions, mais en 1986 on était encore dans le flou et j’aurais pu flipper !
J’habitais encore chez mes parents et je n’avais encore parlé à personne de mon attirance pour les mecs. Mais avec toi j’étais prêt à tout.

Tu m’as donné ce courage, tu m’as fait rencontré les bonnes personnes. Tu m’as fait grandir.
Mes parents ont appris le lien qu’il y’avait entre toi et moi. Ils n’ont rien dit. Ils étaient finalement plutôt rassurés. Ils t’aimaient beaucoup. Tu vois, quand je te dis que tu n’avais pas ton pareil pour séduire autrui…
Je n’ai jamais aimé aussi fort. Même quand notre histoire s’est fanée, et que mes larmes étaient mes seules compagnes.

Mais tu ne m’as jamais rejeté. Au fil des jours nous sommes devenus essentiels l’un à l’autre. Nous n’étions plus ensemble, mais nous partagions davantage je crois. Des secrets, des doutes, des peurs, des joies aussi bien sur, et des rires !! Tant de rires lors des repas que tu organisais chez toi. Chaque fois que je repasse dans cette rue du Dauphiné, je m’arrête un instant, je regarde la porte de ton allée que je franchissais au moins 3 à 4 fois par semaine. Je l’ai franchi pendant neuf ans.

Il y’a onze ans maintenant, j’étais avec tout tes amis (Isa, Eric, Biquet, Jean-Yves et bien d’autres), on était au bord de la rivière d’Ain. On a vidé, sur l’eau, l’urne qui contenait tes cendres.
Le vent s’est coloré de gris. Ma vie aussi.

Putain mon Manu, comme tu manques !

6 Comments:

Anonymous Anonyme said...

j'ai pas trouvé les mots.

J'aurai voulu te dire ce que j'ai ressenti en te lisant mais j'y arrive pas.

12:36 PM  
Anonymous Anonyme said...

Aphasie sentimentale. sidération. C est tres fort

12:45 PM  
Blogger Dragibus Rinpoché said...

voilà t'ec ontent, tu l'as eu ma larme.... mon Sha!
je n'en dis pas plus, merci...

2:33 PM  
Blogger El Professor said...

"No comment...". "Respect...". J'vois pas ce que je pourrais dire de plus... Biz.

3:40 PM  
Blogger et pis sûre said...

boulversant... je ne peux pas le relire... intense, fort, trop fort

11:34 AM  
Anonymous Anonyme said...

Je n'ai pu resister à l'envie de lire cette lettre de Janvier dès que je suis rentré... Et bien le vin et les 3 digeots se sont vite dissipés... Je vais me coucher avec cette histoire qui fait, à mes yeux, un peu glisser ton âme vers l'aube...

11:06 PM  

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